Dissolution de Génération Identitaire : une incroyable escroquerie ?

Le Poing Publié le 17 février 2021 à 19:58 (mis à jour le 17 février 2021 à 21:26)
Le groupe Montpelliérain de génération identitaire en 2018.

Ca y est, nous y voilà : Gérald Darmanin a lancé la procédure pour dissolution de l’organisation d’extrême droite Génération Identitaire. Certaines personnes qui nous lisent pourraient être surprises, et beaucoup s’en réjouiront. Mais cette dissolution a été décidée pour des raisons bien moins claires qu’il n’y paraît. Pour comprendre ce qui se joue ici il apparaît vital de rappeler quelques faits.

Pourquoi donc dissoudre GI ?

Sur le papier, tout est simple : le ministre de l’intérieur souhaite dissoudre GI suite aux opérations de communication anti-immigration que l’organisation a mené dans les Alpes et les Pyrénées. Celles-ci s’apparenteraient à l’organisation de milices et seraient illégales, etc. Le gouvernement se positionne ainsi à peu de frais en rempart contre l’extrême droite pour conforter son électorat libéral. Il s’agit pourtant plus d’une éponge que d’un rempart…

Gérald Darmanin est surtout connu pour ses outrances pro-flics (« quand on parle de violences policières, je m’étouffe ») et pour les accusations de viol le visant. Mais n’oublions pas que ses premiers engagements se situent à l’extrême droite. Le ministre de l’intérieur provient de la mouvance catholique traditionaliste, et collaborait en 2008 à l’une des publications de l’Action française (organisation monarchiste et collaborationniste toujours active)… Qu’il citait récemment à la télévision comme une organisation antirépublicaine mais acceptable.

De même, Gérard Collomb, son prédécesseur lyonnais, connaît personnellement le porte-parole de GI. Les liens au sommet de l’Etat avec les mouvances d’extrême droite sont donc réels et documentés. Les groupes violents ont bénéficié d’une grande complaisance dans leurs actions, telles que l’agression de Gilets Jaunes ou plus récemment de jeunes militantes LGBT à Lyon et dans d’autres villes. Ce laxisme n’est pas surprenant mais interroge : pourquoi dissoudre aujourd’hui le groupe identitaire sur des bases juridiques très fragiles ?

Les Identitaires, champions de l’opportunisme politique

Rappelons que Génération Identitaire n’est pas un nouveau-venu en France. Le courant identitaire vient directement de l’extrême droite allemande post-nazie, s’inspirant de ses courants nationaliste-révolutionnaire puis völkisch. GI vient directement du mouvement Unité Radicale, dissout suite à la tentative ratée d’assassinat ayant visé le président Jacques Chirac le 14 juillet 2002. Ses dirigeants théorisaient alors un fascisme européen rassemblant tous les opposants au système, pour lequel les islamistes seraient « dans certains pays et dans certaines conditions » des alliés « contre l’impérialisme américano-sioniste »[1].

L’opportunisme le plus cynique a motivé tous les retournements de veste. Les mêmes cadres ont abandonné l’esthétique fasciste, l’antisémitisme agressif et la fascination pour l’islamisme. Ils défendent aujourd’hui tout l’inverse. Faute de pouvoir peser dans le jeu parlementaire, GI (héritier des Jeunesses Identitaires et du Bloc Identitaire) existe comme un groupe de pression et de formation des cadres servant le Rassemblement National. Plusieurs de ses cadres y ont ainsi fait carrière.

Aujourd’hui ce groupe a réussi à s’imposer dans l’espace médiatique. On le retrouve invité sur les plateaux télé, encensé chez CNEWS, présenté complaisamment chez Hanouna, lui offrant une publicité incroyable. GI n’est pourtant pas parvenu à atteindre ses objectifs militants. Son autonomie vis-à-vis du FN/RN a disparu. Hormis en Autriche et en Allemagne ses partenaires européens se sont effondrés. Ses effectifs connaissent un reflux avec de rares exceptions locales. Comme à Lyon, ou à Montpellier, où Johan Salacroup, dit Teissier, a progressé pour devenir l’un des responsables nationaux. On le retrouve ainsi à Paris évacué par la police suite à l’action de provocation durant la manifestation Justice pour Adama en juin dernier.

Macron préserve son « meilleur ennemi »

Ainsi, le jeu de dupe qui permet au Rassemblement National de se présenter en principal opposant au gouvernement se décline ici : le gouvernement et ses partenaires médiatiques entretiennent une agitation autour de l’extrême droite, prétendant la réprimer tout en s’appropriant ses principales thèses. Les personnes ayant en 2017 voté pour Emmanuel Macron « contre le FN » ont dû avaler bien des couleuvres, des hommages à Pétain ou à Maurras aux délires actuels de la ministre Vidal sur « l’Islamogauchisme » menaçant l’université française…

Les dissolutions de groupes s’inscrivent dans cette stratégie politique. Les fils à papa identitaires reconstruiront un groupe sous un autre nom tout en bénéficiant du prestige des « martyrs » (tout cela, sans arrestations ni amendes, bien sûr… Il ne faudrait pas que la carrière des futurs cadres de la droite soit salie, à l’image de leurs ancêtres d’Occident recyclés par Giscard d’Estaing). Et le gouvernement peut renforcer son emprise sur l’électorat de droite libérale en jouant au garant de l’ordre.

Encore une fois, médias et dirigeants essaient de nous vendre un duel Macron-Le Pen pour 2022, et s’activent en ce sens. Les meilleurs ennemis du monde garantissent la perpétuation du système et agitent les thématiques les plus réactionnaires pour cliver le peuple tout en évacuant les vrais problèmes – tels que l’immense crise économique dans laquelle le pays s’enfonce chaque jour un peu plus. Un sondage Elabe pour BFMTV daté de février 2020 indiquait pourtant que 80% des sondés ne souhaitaient pas revoir l’opposition du second tour 2017. Parions que l’incroyable escroquerie du vote Macron « contre l’extrême droite » ou d’un vote RN « antisystème » aura du mal à perdurer face à la dure réalité des faits.


[1] Motions administratives adoptées par le Conseil national de Bourges d’UR

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