“Doona m’a aidée quand j’ai tenté de me suicider” : 200 manifestant·e·s contre la transphobie à Montpellier

Le Poing Publié le 28 septembre 2020 à 20:15 (mis à jour le 29 septembre 2020 à 10:20)
Photo d'Eléa Voltairine

Après le suicide le 24 septembre à Montpellier de Doona, une étudiante trans, une mobilisation contre la transphobie s’organise partout en France. À Montpellier, plus de deux cents personnes ont manifesté ce lundi 28 septembre à midi devant le Crous.

Le lieu du rassemblement n’avait rien de hasardeux. Les proches de Doona accusent toujours le Crous de l’avoir menacée de lui retirer ses bourses et son logement universitaire en cas d’une crise suicidaire, ce que dément formellement la rectrice Sophie Béjéan. Au micro, des souffrances s’expriment : agressions verbales et physiques, traitements médicamenteux imposés, culpabilisation familiale, insultes gratuites, négation de leur identité, suicide, maltraitance institutionnelle. D’innombrables rapports attestent de ces réalités (ici ou ), mais la société a-t-elle réellement envie d’écouter les personnes trans ? Comment justifier de son identité face à une banque, un bureau de vote, une agence, Pôle emploi, une entreprise, quand votre identité de genre est différente de celle mentionnée sur votre carte d’identité, et que les administrations refusent l’emploi de votre prénom d’usage ?

Photos d’Eléa Voltairine

« On est à bout »

Une personne trans a livré un témoignage poignant à un collaborateur du Poing : « On est là parce que notre camarade s’est suicidée, pour lutter contre la transphobie institutionnelle. Avant de mourir, elle a lancé des appels à l’aide, complètement ignorés par les équipes du Crous. Sa situation a été aggravée par les équipes médicales de Lapeyronie. La transphobie, volontaire ou non, frontale ou non, c’est notre vécu. On est à bout. Doona m’avait aidée quand j’ai tenté de me suicider. Elle m’a probablement sauvé la vie, et moi, je n’ai pas réussi à sauver la sienne. Ça aurait pu être moi, elle, lui, quelqu’un d’autre parmi nos proches. On ne veut plus perdre une des nôtres. Nos existences sont politiques, il faut faire bloc. » On nous signale d’ailleurs que beaucoup des personnes présentes au rassemblement sont aussi venues pour s’entraider, parce qu’elles sont nombreuses à avoir déjà tenté de se suicider.

Aux slogans de « Justice pour Doona, on n’oublie pas, on ne pardonne pas » et « Y’en a assez de cette société qui n’accepte pas les trans, les gouines et les pédés », le rassemblement s’est transformé en manifestation jusqu’au CHU. Doona avait été emmenée aux urgences par les pompiers quelques jours avant son passage à l’acte, et elle y a « subi une maltraitance médicale importante due à la transphobie portée par le personnel soignant, ce qui l’a poussé à s’enfuir avant d’avoir reçu les soins adaptés » écrivent des proches.

Vers un mouvement social contre la transphobie ?

Les souffrances sont parfois indicibles, mais les revendications sont claires : formation aux questions LGBTI+ pour les personnels du Crous et des CHU, interdiction des expulsions en cité universitaire, créations de cellules psychologiques non-mixtes, d’une commission contre les discriminations, et d’un fond d’aide aux personnes trans. D’autres rassemblements sont prévus à Lyon, Lille, La Rochelle, Bordeaux, Rouen, Toulouse, Tours, Paris, Besançon, Marseille, Pau, Orléans (voir cette discussion twitter). L’onde de choc provoquée par le suicide de Doona génère une mobilisation historique contre la transphobie, ô combien nécessaire pour faire reculer les réactionnaires de tout poil.

Adelphe : nom commun qui désigne, indistinctement de son genre, le frère ou la sœur de quelqu’un (photo d’Eléa Voltairine).

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