Infirmières, assistants d’éducation : rencontre fortuite des précaires en lutte dans les rues de Montpellier

Le Poing Publié le 23 janvier 2021 à 20:43 (mis à jour le 24 janvier 2021 à 11:09)

Sur Montpellier la manifestation régionale des assistants d’éducation a servi de clôture à trois journées intenses de mobilisation. Sur son point de départ se retrouvaient également des aides-soignantes à domicile, qui contrairement à leurs homologues de milieux hospitalier ne voient pas passer beaucoup des primes mises en place par le gouvernement. Des similitudes frappantes, qui viennent nous rappeler que l’existence de statuts précaires n’est pas un accident, mais tout un système.

Ce jeudi 21 janvier, c’était un troisième jour de mobilisation pour les assistants d’éducation de toute la région ! Après la grève historique du 1er décembre 2020, puisque tout premier arrêt de travail revendicatif dans la profession depuis la création du statut d’AED en 2003, ces précaires de l’éducation nationale s’étaient donnés rendez-vous le 19 janvier. Pour augmenter la pression d’un cran, taper plus fort.

Et on peut dire que ce mouvement social tire son épingle du jeu : plus de la moitié des vies scolaires en grève sur l’Hérault le 19 janvier, minimum 25 d’entre elles à avoir reconduit le mouvement jusqu’à ce jeudi, au moins 200 grévistes revendiqués par le collectif Vie’S Colère 34

C’est que la tâche est malaisée : en CDD renouvelable (ou pas ) directement par le chef d’établissement, les assistants d’éducation sont bien placés pour savoir que la précarité peut-être un formidable outil de contrôle social.   

Sur la même place des Martyrs de la Résistance d’où est parti le cortège des AED, on a pu rencontrer d’autres précaires, en attente d’un cortège revendicatif elles aussi : des infirmières à domicile. Les AED du soin à la personne en somme. Les similitudes sont frappantes ! Là où les infirmières à domicile sont mises à l’écart du plan Ségur de la Santé -183 euros de primes Covid mensuelles pour beaucoup des personnels d’hôpitaux, ou d’EHPAD-, les AED n’ont pas le droit à la prime Réseau Education Prioritaire, que touche tous les autres personnels de l’Education Nationale.

« Pareil pour la prime grand âge », nous glisse une de ces infirmières, 25 ans de métier dans les pattes. « Il est important pourtant notre métier, beaucoup de gens n’ont pas les moyens de se payer une maison de retraite, et puis c’est un plaisir de pouvoir offrir à ces gens la possibilité de rester chez eux aussi ! Alors quand on voit comment on est traitée… Pour les vaccins, on y a pas accès, c’est tout un parcours du combattant alors que les autres soignants n’ont que peu de problèmes là-dessus »

C’est bien là que se situe le nerf de la guerre contre la précarité : une lutte contre ce qui rend invisible, ce qui tend à faire croire qu’on est des petites mains, que le travail fourni serait moins utile que celui des autres, pour éviter d’avoir à dire qu’on fait des économies sur l’effort d’authentiques travailleurs. Côté AED, on rappelle que les assistants d’éducation sont à la fois psychologues, éducateurs, surveillants, confidents… Un vrai métier donc, dans lequel on ne peut pourtant pas faire carrière, puisque les renouvellement de contrats sont limités à six ans.

Une fois les infirmières parties de leur côté, on a suivi le cortège des assistants d’éducation. Par la rue Foch, puis vers Louis Blanc, pour remonter ensuite sur le rectorat. Ambiance survoltée, on joue des percussions sur du vieil électro-ménager sous les fenêtres de la rectrice, pendant que les collègues essaient d’obtenir un entretien. Refus catégorique, alors même que des délégations sont venues d’aussi loin que les Pyrénées-Orientales, et que les rendez-vous des jours de mobilisation précédents se sont faits avec un peu n’importe qui, puisque les rectorats n’ont même pas de services spécifiques pour les AED. Alors on bloque l’entrée du bâtiment, dans la bonne humeur, avant dispersion.

Un signe d’une combativité qui se construit, cristallisée par l’intervention de Yann, un des grévistes mobilisés : « Même si on s’arrêtait ici, on ne pourrait pas nous dire qu’on a perdu. On a gagné. On a gagné en confiance, en organisation. On a des contacts dans plus de la moitié des vies scolaires du département, donc à la moindre sanction, à la moindre pression, on saura réagir ! On a montré qu’on pouvait aussi se mettre en grève, et que sans nous c’est la grosse panique dans les bahuts. »

Se rassembler, prendre acte de sa puissance collective : c’est certainement la plus grande victoire d’un mouvement social, celle qui en entraîne d’autres par la suite.

En attendant, la lutte des AED est loin d’être finie. Certains participeront aux journées de grève du 26 janvier, dans l’éducation entière, et à la grève interpro du 4 février. Et des réflexions sont déjà amorcées pour un acte 3 de la mobilisation, qui taperait plus fort, plus dur.

C’est pourquoi le soutien financier aux assistants d’éducation en lutte est loin d’être obsolète, au travers de la cagnotte mise en ligne par le collectif Vie’S Colère 34.  

Affaire à suivre donc !

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