« Kanaky vivra, Kanaky vaincra » : à Montpellier, cent manifestant.es contre le néo-colonialisme

Le Poing Publié le 25 mai 2024 à 23:40 (mis à jour le 26 mai 2024 à 00:24)

Une centaine de personnes ont participé ce samedi 25 mai à une marche contre le dégel du corps électoral et la répression néo-coloniale en Kanaky.

C’est sous un chapiteau que la mobilisation de ce samedi 25 mai en soutien à la Kanaky a commencé. Une centaine de personnes, diaspora kanak ou mélanésienne indépendantiste et soutiens, se sont retrouvés sur la place de la Comédie dès 13h, en musique.

Ensuite sont venues les prises de parole. Trésor, un kanak montpelliérain a entamé les hostilités : « Officiellement les médias et le gouvernement disent qu’il y a sept morts. [NDLR : depuis le début des émeutes qui ont commencé le 13 mai, jour de l’examen à l’Assemblée Nationale de la très controversée loi sur le dégel électoral en Nouvelle-Calédonie/Kanaky, selon les bilans officiels, deux gendarmes sont morts , dont un tué accidentellement par un collègue, ainsi que trois kanak tués par les milices loyalistes, un kanak dont on ne sais pas encore avec certitude s’il a été tué par la gendarmerie ou les milices, et un dernier kanak tué par la police.] Mais en réalité il y en a une vingtaine, avec plusieurs personnes encore portées disparues. [NDLR : déjà la semaine dernière la délégation de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), regroupement des organisations indépendantistes qui organise le mouvement, en visite à Paris, parlait de corps non-identifiés dans la confusion qui règne en Nouvelle-Calédonie/Kanaky]. »

« Il faut arrêter avec les discours sur la destruction de l’économie par les émeutes qui justifieraient qu’on laisse les milices faire leur sale besogne. Les destructions ont frappé sans distinction les kanak, les autres communautés et les colons, les sympathisants de l’indépendance comme les loyalistes, les grandes surfaces et les petits magasins. Les conséquences économiques de ces destructions toucheront sans distinction tout le monde. C’est la vérité. Mais les bâtiments et les biens peuvent se reconstruire. Une vie humaine ça ne se reconstruit pas. Il y a une élite économique, blanche en l’occurrence, qui pense que la vie humaine vaut moins que l’argent. Alors on peut se désoler de toute la violence et des destructions, et pointer du doigt les jeunes de Nouméa mobilisés. Mais si on réfléchit un peu plus, on se rend compte que la violence révolutionnaire découle de la violence de l’oppression. Tous les chemins mènent à Macron. »

Cette vidéo du média australien Pacific ABC News rend compte de différents point de vue de kanak sur les émeutes, à travers des témoignages pour la plupart en français :

Pour Trésor, « Macron a fait travailler l’armée juste à côté des milices qui ont tué la plupart des kanak, en les laissant faire. Macron a nommé Metzdorf rapporteur de la loi sur le dégel. Metzdorf parle de démocratie dans sa volonté de faire dégeler le corps électoral. Alors que le Congrès de Nouvelle-Calédonie [NDLR : une assemblée élue par les fameuses provinciales dont il est question pour le dégel] a voté le 13 mai contre à 28 voix contre 24. Metzdorf nous traite de racistes, nous indépendantistes kanak, alors que depuis la table ronde de Nainville les Roches en 1983 nous avons accepté de partager notre destin commun avec toutes les autres communautés. Les loyalistes et le gouvernement ont mis le feu, et maintenant ils viennent nous parler de paix, de marches blanches. Nous sommes pour la paix. Mais il ne peut pas y avoir de paix sans respect du peuple kanak. Il ne peut pas y avoir de paix sans justice. »

Un autre kanak a rendu hommage aux victimes des troubles, comme « aux deux gendarmes qui sont venus mourir en Kanaky parce que l’État français colonial l’est a envoyés. » Avant de s’indigner du traitement médiatique des troubles : « Les informations qu’on entend dans certains médias sont fausses. Certaines milices ne font pas que se défendre, elles tournent en 4×4 avec des armes lourdes pour chasser le kanak et le mélanésien, pour chasser l’indépendantiste. [NDLR : Un article du Monde documente le fait que les loyalistes radicaux passent auprès des barrages de caldoches et de métropolitains pour leur demander de cacher leurs armes et de lisser leurs discours devant les médias.] On est pas contre les français. Mais on est contre cet esprit capitaliste qui dit que l’argent et les biens valent plus qu’une vie humaine. Une vie humaine n’a pas de prix. »

Une métisse kanak a témoigné avoir fréquenté des personnes de toutes communautés en Nouvelle-Calédonie/Kanaky, avant de se désoler de « la montée du racisme qui fait qu’aujourd’hui certains chassent les noirs dans les rues. »

Une militante de Révolution Permanente est également venue exprimer la solidarité de son organisation avec la lutte du peuple kanak. « Si la violence coloniale est si spectaculaire en Kanaky comme dans les Antilles ou les autres colonies, c’est que l’Etat français y a des intérêts. En Kanaky c’est le nickel. »

Un étudiant kanak est venu commenter la visite de Macron en Nouvelle-Calédonie/Kanaky : « Macron est venu en Kanaky pour ne rien dire. Comme d’habitude. Parce qu’il nous méprise. Comme il méprise le peuple français. Il y a des gens qui ne sont pas allé voter. Il faut se rendre compte qu’en ne votant pas on laisse ce genre de personnage accéder au pouvoir. »

En clôture, un militant internationaliste montpelliérain a annoncé une soirée co-organisée avec le Centre Démocratique Kurde de la ville : « Les kurdes sont un autre peuple qui se bat pour l’autodétermination. L’État français expulse leurs militants vers la Turquie où ils sont menacés de prison et de tortures, et leur nie le droit à la vérité en refusant de lever le secret défense sur l’attentat qui a coûté la vie à trois d’entre eux en plein Paris en 2013, alors que des éléments permettent de relier cette affaire aux services secrets turcs. Plus largement des pans entiers de la société française sont menacés par les pratiques autoritaires de l’Etat français, même si la répression est nettement plus forte dans les colonies. En 2022, pour la première fois depuis la Libération l’anti-terrorisme a été lancé contre des militants CGT. Des dizaines de gilets jaunes ont été mutilés pour leur combat pour une vie digne, et des centaines d’autres emprisonnés. C’est pourquoi nous avons décidé de proposer une soirée vendredi 31 mai pour discuter de ça tous ensemble et envisager de s’unir contre la répression. La discussion aura lieu à partir de 19h, avant des chants kurdes pour 20h30, le tout avec un repas à prix libre, dans les locaux du CDK, 40 rue du Belvédère, près de l’arrêt de tram Pergola. »

Le cortège a ensuite démarré par la rue de la loge, la préfecture, le Peyrou, le boulevard du Jeu de Paume. Les slogans « Kanaky vivra, Kanaky vaincra », « Enfants de Kanaky, enfants de Kanaky, c’est l’humanité qu’on assassine», « À bas le capitalisme, vive la Kanaky », ou encore « Macron et Darmanin, assassins » ont résonné tout au long de la marche.

Avant que les manifestants ne reviennent sur la place de la Comédie pour la dispersion. La diaspora kanak et mélanésienne indépendantiste promet d’autres actions à venir prochainement.

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