La liberté de manifester, un droit en sursis suite à une loi votée au Sénat

Le Poing Publié le 25 octobre 2018 à 19:00 (mis à jour le 25 février 2019 à 21:41)
Cortège de tête lors d'une manifestation parisienne, juin 2016 (image d'illustration)

Malgré un climat social plutôt calme en cette fin octobre, un groupe de sénateurs issus du parti Les Républicains, dont Bruno Retailleau, ont déposé un projet de loi proposant de « lutter contre les violences dans les manifestations. » Ce projet fait explicitement référence au développement de cortèges radicaux de plus en plus importants lors des manifestations, notamment en région parisienne mais également à Nantes ou dans une moindre mesure à Montpellier. Des « cortèges de tête » qui incluent divers secteurs en lutte – étudiants, ouvriers, personnel de la santé, syndiqués ou non. Ce phénomène a culminé le premier mai 2018, lorsqu’un « cortège de tête » réunissant plus de 15 000 personnes a pris la tête de la manifestation, déclenchant un emballement médiatique massif.

Des mesures déjà existantes systématisées

Alors que l’affaire Benalla n’en finit plus de rebondir, les sénateurs républicains semblent tirer d’autres conclusions de la manifestation du premier mai dernier. La proposition de loi systématise un certain nombre de mesures qui pouvaient déjà être mises en place, par les préfets notamment : création de périmètres de sécurité autour des manifestations permettant aux policiers de fouiller les manifestants 6h avant le début de l’évènement, pouvoirs élargis des préfets pour distribuer des interdictions individuelles de manifester, création d’un fichier national listant toutes les personnes interdites de manifestation, peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende pour la détention de fusées d’artifice et de matériel pyrotechnique ou d’armes par destination (incluant à peu près tout objet, du drapeau au mégaphone, à la libre appréciation des forces de police)… L’arsenal répressif est complet.

“Des risques importants pour les libertés individuelles”

Certains élus de la majorité et de l’opposition ont exprimé leurs craintes de voir ce texte bafouer les libertés publiques, en premier lieu celle de manifester. Ainsi, même le député LRM Thani Mohamed Soilihi juge que le texte proposé « présente encore des risques importants pour les libertés individuelles[1] ». En plus du fichage systématique et des mesures de surveillance drastiques aux alentours des manifestations, le texte inclue une idée nouvelle : sanctionner plus durement la dissimulation du visage en créant un délit passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Aujourd’hui, la loi prévoit une contravention de 1 500 euros d’amende. L’application de ce texte pourrait donc conduire en prison des manifestantes et des manifestants se protégeant de gaz lacrymogènes, portant un drapeau, ou se rendant à une manifestation sans avoir pris connaissance d’une interdiction individuelle. Ce projet de loi vient d’être voté en première lecture par le Sénat.

Le durcissement tendanciel des mesures répressives a-t-il pour effet de pacifier les manifestations ? Les différentes lois et mouvements sociaux des dernières années tendent plutôt à prouver l’inverse, le choix du tout répressif conduisant à un durcissement des stratégies militantes.

Source :

[1] « Black bloc : le Sénat adopte un texte des Républicains contre les violences dans les manifestations  », Le Monde et AFP, 23 octobre 2018

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