Le défi sans limites des anti-pub montpelliérains
Extinction Rébellion inscrit dans le sol de la Comédie l’absurdité sans fin de l’overdose de discours publicitaire
Les membres du groupe montpelliérain d’Extinction Rébellion ont radicalement renouvelé le répertoire de leurs actions anti-publicité, dans lesquelles ils sont experts. 15 heurs tapantes au pied des Trois-Grâces, ce jeudi 28 janvier sur la Comédie. Fidèles à leur tradition d’exactitude organisatrice, des activistes commencent à dérouler, et fixer au ruban adhésif sur la dalle, un gros rouleau d’affiches publicitaires.
Elles sont au format des abribus. On se doute de leur provenance, tant les sucettes Decaux et parois des stations de tram, ont eu à souffrir, ces dernières années à Montpellier, d’évaporations aussi soudaines que joyeuses, des messages qu’elles assènent dans l’espace public. Rien ne se perd. Tout se crée. Mises bout à bout, ces affiches détournées de leur usage, inscrivent au sol un genre de « fashion catewalk » sans fin. Au début, on se demance si cela va arriver jusqu’à l’Office de tourisme, à l’angle de l’Esplanade. Un peu plus tard, les parages du kiosque Bosc sont atteints. Soit deux cent cinquante mètres, dûment mesurés au fur et à mesure. Au vu des rouleaux encore disponibles, entassés au sol, il est raisonnable d’envisager d’atteindre le Corum, soit cent mètres supplémentaires, au minimum.
Après la “rave” anti-Loi sécuritaire du 16 janvier, une nouvelle occasion s’offre à la découverte de la Comédie telle qu’on ne la connaissait plus : un vaste forum, ample, propice à moultes discussions, et plein d’étonnements. Non plus ce couloir rétréci qui dessert les terrasses marchandes des cafés et pousse son monde de consommateurs fissa vers le Polygone, en temps normaux. Comédie ? C’en est toute une. Dans des atours théâtraux, plusieurs militants parcourent inlassablement l’interminable ruban de papier. Au mégaphone, l’un d’eu égrène un détournement, parodique et poétique, du discours publicitaire.
Car cette action a des ressorts multiples. C’est très différent de recevoir, comme habituellement, l’agression du message publicitaire à hauteur d’yeux, en pleine poire ; ou de pouvoir le fouler aux pieds allègrement, pour une fois. Ainsi destitué, ce discours fait de slogans abrupts et caricaturaux, cette fois mis bout à bout et tout à trac, tourne à une litanie absurde de la vacuité de nos existences réduites à ces injonctions à la consommation. Nombre de passants s’arrêtent, s’interrogent, discutent. L’impact est obtenu. Les militants rappellent comment la pub ne vise qu’à booster la consommation, assurer les sur-profits, provoquer la sur-production, en définitive se traduire en « effets néfastes sur l’environnement ».
Tout cela nons sans « renforcer les stéréotypes, et coloniser nos imaginaires ». Pour un coup, la logique est toute retournée. Cette action est inédite, toute d’invention montpelliéraine à la base. Mais à la façon d’un livre des records, elle sera adressée à tous les collectifs anti-pub du territoire, sur le mode du challence à relever. Certains Montpelliérains un peu anciens se souviennent de la façon dont Jean-Pierre Moure, obscur héritier officiel du conducator Georges Frêche, avait versé des sommes astronomiques à un cabinet conseil pour produire le slogan qui devait placer Montpellier dans la compétition entre Métropoles de rayonnement européen, sous le règne du liéralisme mondialisé.
“Montpellier unlimited” avait été le fruit de cette ruineuse cogitation entre experts. On pouffa de rire à tous les zincs de bistrot, et pas que, qui égayent la ville. Le souvenir de ce non-sens bouffon nous traversait l’esprit, ce jeudi, au moment de nous réjouir de ce qu’un autre Montpellier semble avoir d’illimité, en vrai, dans ses ressources contestataires.
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