Les hospitaliers à nouveau « en colère » ce mardi, avec leurs primes amputées
Rendez-vous en manifestation à partir de 10 heures à l’hôpital Saint-Eloi
Quatre syndicats des agents hospitaliers (Force ouvrière, la CGT, la CFDT et l’UNSA ; Solidaires étant presque inexistant) appellent à l’action ce mardi au CHU de Montpellier. Cela fait de longues années qu’une telle unité ne s’était pas produite. Un appel à la grève s’y rajoute. Cette journée d’action nationale rencontre un certain écho médiatique, tandis qu’elle se répercute aussi dans le mouvement social et ses militants, entre autres gilets jaunes. Les usagers de la santé, les citoyens pourraient y trouver l’occasion de crédibiliser leurs fameux applaudissements symboliques de 20 heures.
On peut donc espérer que ce quatrième et dernier “mardi de la colère” – jusque là portés par la seule CGT à Montpellier – marque un regain de mobilisation, avec l’objectif de peser sur le “Ségur de la santé”. Il est à craindre que cette grand-messe orchestrée par le gouvernement, invente un “hôpital d’après” qui reconduise insidieusement, au nom de sa « modernisation dans la gestion », l’essentiel d’une politique qui flèche vers le secteur privé tous les morceaux à profiter dans les activités de santé. Dans l’immédiat, la revalorisation des métiers est une revendication sine qua non, sur le plan salarial (avec 300 euros de perte mensuelle en dix ans, via le gel des points d’indice). Salarial, et pas que.
Dès la semaine dernière, les personnels soignants ont eu du mal à digérer les modalités d’attribution de la fameuse prime exceptionnelle de 1500 euros promise par Emmanuel Macron en personne, dans le cadre du Covid. En fait, seuls quatre agents sur dix en bénéficieront ! Les autres devront se contenter de 500 euros. C’est qu’au dernier moment, le gouvernement a décidé de réserver la prime à taux plein (1500 euros) aux seuls agents des quarante départements “en rouge”, les plus affectés par l’épidémie. L’Hérault n’en fait pas partie.
Ailleurs, seuls 40 % des soignants toucheraient cette prime complète, selon un régime dérogatoire, laissé à la discrétion des directeur.ices des établissements. Ainsi ont été fabriqués deux critères : avoir consenti un effort particulier durant cette crise, et avoir travaillé au sein d’un service directement en contact avec le virus. N’y aurait-il là que bon sens .
Ces dispositions correspondent parfaitement à la logique néo-libérale qui exténue l’hôpital public. Lors du précédent “mardi de la colère”, Rémy Ruiz, syndicaliste CGT, a bien démontré comment « c’est tout l’hôpital, avec tous ses métiers, qui se mobilise de façon solidaire pour assurer un soin de qualité. Conçue comme elle l’a été, voilà qu’on a affaire à une prime de morbidité, qui sème la division, découpe des catégories, selon une logique de mise en concurrence des uns contre les autres, qui gangrène l’hôpital public. Comme toujours, il s’agit de désigner des meilleurs, d’évaluer des résultats, de remplir des tableaux Excell » expliquait-il. « Or, dans la crise, c’est tout l’hôpital qui s’est réinventé, tous ses services se sont adaptés, tout a été déménagé, et c’est tout cela qui a permis de faire face ».
Dans ce contexte, une aide-soignante de la Clinique Saint-Jean à Montpellier, Alissia Loheac, a su donner un impact médiatique à son cas personnel. Elle s’était portée volontaire pour rejoindre les secteurs les plus touchés, en offrant ses services à l’Hôpital Tenon à Paris. Elle finira par y apprendre qu’elle ne bénéficierait pas de la fameuse prime. Cela parce que sa mission n’aura pas couvert l’intégralité de la durée du confinement. Sordide. Ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres.
Hélas, même renforcée, la journée de ce mardi 16 juin risque de n’être pas trop visible, en se cantonant dans le quartier hospitalier, si ce n’est dans les enceintes mêmes des établissements. Cela au lieu de se proposer en grand mouvement social fédérateur, qui aurait justifié de se montrer en plein centre ville, voire de s’expliquer en se fixant un objectif fédérateur, de manière un peu offensive. Dans ce sens, le siège de l’ARS avait été proposé (soit l’Agence régionale de la santé, grand opérateur du dépeçage de l’Hôpital public). Mais la frilosité sécuritaire, l’intégration des phobies anti gilets jaunes, l’auront emporté.
Les rendez-vous donnés sont donc les suivants, pour une sorte de cortège à étapes dans le seul quartier des hôpitaux : 10h à Saint-Eloi, 10h30 Gui de Chauliac, 11h15 Colombière/Balmes, 11h40 Lapeyronie, 12h Arnaud de Villeneuve.
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