Les Kurdes de Montpellier toujours mobilisés pour la libération des prisonniers politiques en Turquie

Le Poing Publié le 1 octobre 2018 à 10:15 (mis à jour le 26 février 2019 à 23:39)

Environ 70 personnes ont manifesté samedi dernier en début de soirée du Peyrou jusqu’à la Comédie à l’appel du centre démocratique kurde (CDK) de Montpellier. Comme lors de la mobilisation du 5 novembre 2017, l’objectif est d’obtenir la libération du leader kurde Abdullah Öcalan – dont personne n’a de nouvelle depuis deux ans – et de tous les prisonniers politiques, notamment ceux qui ont été arrêtés pendant la purge orchestrée par le président turc Recep Tayip Erdogan après le coup d’État raté de juillet 2016.*

« La libération d’Öcalan, préalable à toute solution politique au Kurdistan »

Arrêté en 1999 au Kenya lors d’une opération des services secrets turcs, américains et israéliens, Abdullah Öcalan est depuis maintenu en isolement sur l’île-prison turque d’Imrali, et sous le coup d’une condamnation à perpétuité. Ce que reproche l’État turc à Abdullah Öcalan, c’est d’avoir participé à la fondation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et d’être « le leader de la vingt-quatrième révolte kurde », selon un militant du CDK. Après avoir opté pour le marxisme-léninisme, le parti change de stratégie au début des années 2000 : une évolution politique mûrement réfléchie par Abdullah Öcalan – influencé par le penseur anarcho-communiste Murray Bookchin – qui mène à l’élaboration d’un projet de société baptisé confédéralisme démocratique, et qui promeut une fédération de communes et d’assemblées démocratiques se développant parallèlement à l’État. Ce projet est pensé comme une solution pour l’ensemble du Moyen-Orient. Durant le défilé, un texte rappelant certains des objectifs du mouvement kurde a été lu : « Voilà sept ans que les visites de la famille et des avocats d’Öcalan sont interdites. Depuis sept ans, le peuple kurde est inquiet pour la santé de son leader. Les idées progressistes d’Öcalan, qui visent notamment la libération de la femme, vont à l’encontre des idées rétrogrades et islamistes d’Erdogan. Les femmes kurdes et le peuple kurde voient dans la libération d’Öcalan plusieurs choses : la libération de la femme, une reconnaissance de l’existence du peuple kurde et de la question kurde et une chance de démocratie pour la Turquie. »

« Une politique de guerre et de terreur »

Un intervenant du CDK a rappelé qu’Abdullah Öcalan « était l’interlocuteur dans le cadre de pourparlers de paix qui commençaient fin 2012, avant d’être brutalement interrompus par le président turc Recep Tayip Erdogan en juillet 2015. Après avoir rompu le processus de paix, il a déclaré la guerre au peuple kurde. Une offensive armée sans précédent a été lancée contre les villes kurdes qui osaient résister à la politique de guerre du régime. […] Parallèlement, des élus et des représentants du parti pro-kurde HDP (parti démocratique des peuples, ndlr) et d’organisations de la société civile ont été arrêtés et mis en prison de manière arbitraire.(1) Cette répression politique s’est aggravée avec le coup d’État raté du 15 juillet 2016, qui a été une occasion pour Erdogan de légitimer sa politique de guerre et de terreur. Les opposants emprisonnés – militants politiques, députés, maires et journalistes – se comptent par dizaines de milliers. Et pour masquer cette répression hideuse, Erdogan a muselé tous les médias indépendants ou d’opposition. L’isolement poussé infligé à Öcalan risque de s’étendre à tous les prisonniers politiques, qui sont soumis à toutes sortes de restrictions et violations des droits humains légitimées par le régime d’état d’urgence adopté dans la foulée du putsch raté du 15 juillet 2016. »

« L’Europe ne doit pas être complice de ces crimes »

La manifestation s’est clôturée sur une dénonciation de la complicité des divers pays européens : « L’Europe ne doit pas être complice de ces crimes et violations des droits de l’homme. Ensemble, faisons pression sur nos élus pour qu’Erdogan ne soit pas le bienvenu en Europe. Ne soutenons pas cet État turc qui assassine et emprisonne. Une veille permanente se tient depuis 6 ans devant le comité anti-torture du conseil de l’Europe, afin de protester contre cet isolement total et pour demander la libération du leader kurde. Le conseil de l’Europe et le comité anti-torture restent cependant silencieux face aux graves violations des droits humains dans les prisons turques. Nous resterons mobilisés jusqu’à ce que le droit de visite, qui est un droit fondamental des prisonniers, soit rétabli partout dans le monde. Nous demandons à l’État français et aux instances européennes de faire pression sur la Turquie pour l’application de la convention européenne des droits de l’homme, le respect des droits fondamentaux des prisonniers politiques, notamment dans la prison d’Imrali. » Fin septembre dernier, la cour européenne des droits de l’homme a jugé irrecevable la demande formulée par les avocats d’Öcalan pour les mauvais traitements qu’il aurait subi en prison en 2008.(2)

Note et sources :

*Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une faction des forces armées turques se rebelle au nom d’un « Conseil de la paix dans le pays » et attaque le palais présidentiel, l’assemblée nationale et des institutions policières et militaires. Le président turc Erdogan arrive à Istanbul dans la nuit et annonce l’échec des putschistes. Le premier ministre turc annonce un bilan de 265 morts, dont 114 loyalistes et 1440 blessés. Cette tentative de coup d’État a été suivie d’arrestations massives, y compris de personnes qui n’y étaient pas liées, et de l’instauration d’un état d’urgence dénoncé par Amnesty International.
(1) Rapport d’Amnesty international sur la Turquie pendant la période 2017-2018.
(2) « Un bol d’air pour Erdogan », L’Humanité, 28 septembre 2018.

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