Loin des micros officiels, discussions avec des manifestants anti-pass | 1er entretien
Le Poing a décidé de produire dans les jours qui viennent une série de discussions avec certains de ces manifestants anti-pass. De ceux qu’ont entend pas, loin des micros officiels et des tribunes, et des questions trop brèves du micro-trottoir journalistiques aboutissant à de la caricature. 1er entretien.
Lors de la manifestation montpelliéraine du samedi 28 août – sur laquelle Le Poing a déjà réalisé un article – un de nos journalistes est allé à la rencontre des personnes qui ne prennent pas la parole, loin des micros officiels et des tribunes. En essayant de se tourner vers des profils variés, et pour des discussions relativement approfondies. Un peu en deçà de l’entretien, un peu au-delà du micro-trottoir. Evidemment le temps nous a été compté, nous n’avons pas pu aborder tous les sujets auxquels on aurait aimé toucher avec tout le monde. Et nous ne prétendons pas avoir eu accès à un panel rigoureusement représentatif des participants à cette manifestation. Nous vous proposerons dans les jours à venir une série de discussions, publiées d’une manière relativement brute pour ne pas faire violence à tout ce qui se comprend dans les non-dits, les changements de sujets etc…
Avant de vous présenter le premier, petite mise au point méthodologique. On peut se dire que le journalisme a trois objets : les faits, l’expression d’opinions ou l’analyse, et l’être humain.
Le Poing vous a déjà, avec d’autres médias indépendants, proposés des vérifications de faits. Dans le cas des manifs anti pass, souvent sur l’extrême-droite, sur certaines théories sorties de sources non fiables, ou encore sur la nature du leadership du mouvement montpelliérain. Et nous continuerons à le faire. Nous avons, comme d’autres, exprimé notre point de vue de manière raisonnée et documentée, via des éditos ou des analyses. Et nous continuerons à la faire.
Vérifiez toujours vos sources, recoupez les pour voir si vous tombez sur la même chose ailleurs, ne cédez pas aux rumeurs de couloirs, c’est crucial dans une période où les vautours de toutes sortes manipulent les justes colères !
Mais cette fois-ci notre démarche sera différente. Nous nous intéresserons très directement aux gens présents, en silence. Aussi comprenez que si tout n’est pas sourcé, ça ne relève pas de la négligence. Une conviction humaine, contrairement à un fait, ne se source pas : elle se constate, se discute, évolue parfois. Comprenez aussi que l’absence de commentaires ne relève pas d’une volonté de permettre à n’importe quelle thèse de se répandre. Il s’agit plutôt, avec nos maigres moyens, de saisir une époque.
Nous n’entretenons aucune illusions quant au fait que le mouvement anti-pass soit un mouvement entièrement ouvrier ou populaire. On y trouve de tout. Y compris des gens des classes populaires. Et dont certains souhaiteraient une révolution. Aussi nous citerons Rosa Luxembourg, une allemande qui a milité toute sa vie pour un communisme démocratique, radicalement différent de celui qui a pu être mis en œuvre en URSS ou ailleurs :
« Disons-le sans détours, les erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire sont historiquement infiniment plus fécondes et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur « Comité central ».
Précisons enfin qu’aucune des personnes interrogées n’ a souhaitée ni être prise en photo, ni donner son nom. Preuve certainement que la question du pass est clivante dans tous les cercles sociaux, familles comprises.
Ce samedi 28, sous le soleil qui baigne la Comédie, pendant que se succèdent soignants, gilets jaunes et organisateurs à la tribune organisée sur les marches de l’Opéra, une dame, un peu à l’écart, cheveux grisonnants. Je me dirige vers elle. S’engage une discussion.
Le Poing : Vous participez à ces mobilisations contre le pass sanitaire ?
Elle : Bien sûr ! Pourquoi ?
LP : Je suis journaliste indépendant pour le journal local Le Poing, et j’aimerais qu’on discute de la mobilisation.
La dame accepte, sans rechigner.
LP : Qu’est-ce qui vous rattache à ces manifestations, qu’est-ce qui vous fait y venir ?
Elle : Dans l’ensemble, je pense que ce covid a été intentionnellement mis. Que c’est une main mise sur le monde, et que ce vaccin n’en est pas un. J’ai été infirmière et je sais très bien que quand on a ses anticorps on a pas besoin d’être vaccinés. Donc je ne souhaite pas me vacciner ni présenter un pass. Je ne fais partie d’aucun mouvement, mais je me pose des questions sur le sens de ce que le monde nous fait vivre actuellement.
LP : D’une manière plus personnelle, quel impact va avoir sur vous le pass sanitaire ?
Elle : Je suis à la retraite et j’ai créé une association, donc je continue à travailler. J’interviens tous les matins en été, ,et je ne peux plus intervenir, parce que je ne présente pas le pass.
LP : On a des manifestations tous les samedis, mais il y a eu les gilets jaunes, et je ne sais pas si vous en êtes sympathisante ou participante, ce n’est pas la question. Simplement on a vu des dizaines de journées de manifs sans que le gouvernement plie. Comment vous pensez que le mouvement contre le pass sanitaire va pouvoir gagner ?
Elle : Y’a les manifestations du samedi, et aussi plusieurs avocats et juristes qui ont fait des recours pour que ça soit revu sur un plan juridique. Il faudrait aussi qu’on soit plus nombreux, mais le gouvernement agit beaucoup sur les peurs. Et moi je peux pas plus.
LP : Et en dehors de ce que vous pouvez personnellement, est ce que vous avez des idées sur les suites collectives que pourrait se donner ce mouvement ?
Elle : J’ai pas une boule de cristal, je sais que plus on sera nombreux plus on fera réagir. Après je vis par étapes, je fais pas de projections. Malheureusement dans le monde il y a parfois des expériences douloureuses qu’on ne peut pas éviter.
LP : Sans volonté de discréditer comme ça peut se faire dans d’autres médias, qu’est-ce que vous pensez de la présence de groupes d’extrême-droite dans ces manifs ?
Elle : Ah ça c’est dommage. Le discrédit que ça apporte !!!! Encore à Montpellier on a de la chance par rapport à Paris où de loin ça à l’air bien pire. Parce que ça n’a rien à voir avec notre état d’esprit.
LP : Est-ce que vous pensez qu’il faut les chasser des manifestations ?
Elle : Ça dépend, c’est compliqué. Si ils viennent avec nous pour manifester contre la main mise sur le monde, ce serait ok. Mais malheureusement c’est pas que ça. C’est difficile à distinguer.
LP : Et si des gens hésitent à venir parce qu’ils ont des sexualités différentes ou appartiennent à des communautés stigmatisées par l’extrême droite ?
Elle : C’est très dommage. Mais bon malheureusement comment on peut trier les gens ? Montpellier encore une fois y’a pas trop de débordements, on a de la chance, mais dès qu’on va dans des villes plus grandes ça créer des tensions, la police intervient et y’a de la casse. Alors que c’est pas le but.
LP : Des groupes très violents, comme le Ligue du Midi, ont pendant les manifs, ici, à Montpellier, eu des comportements graves, documentés par notre média : agressions d’autres manifestants, insultes racistes.
Elle : C’est terrible, pour les gens agressés et pour le mouvement car ça pourrait y ramener la police. Mais personnellement je me sens impuissante face à ça. Ca rejoint ce que je te disais tout à l’heure : malheureusement dans le monde il y a parfois des expériences douloureuses qu’on ne peut pas éviter.
LP : Là je quitte temporairement mon rôle de journaliste. Je pense aussi qu’il faut continuer la mobilisation malgré ça. Mais c’est vrai que ma tendance personnelle ce serait de les virer de nos manifestations.
Elle : Oui, mais comment ? Faut les reconnaitre, faudrait qu’ils soient habillés d’une manière distinctive. Et si tu écoutes la première personnes venue qui te dit « lui, il est ceci, lui, il est cela », c’est l’enfer, c’est pas possible.
LP : Après il y en a quelques-uns qu’on connaît, parce qu’il y eu des histoires très violentes par le passé, parce qu’ils sont au cœur de réseaux qui n’entretiennent aucune ambiguïté sur leur haine raciale. Mais sinon, pour parler d’autre chose, est ce que vous faites un lien entre la gestion du covid, le pass sanitaire, et toutes ces réformes qui dégradent les conditions de vie des gens, parfois les plongent dans la misère, comme la réforme du chômage, celle sur les retraites ? Avec les inégalités sociales ? Des choses qui durent depuis toujours en fait, même si ça s’accélère sous Macron ?
Elle : Oui bien sûr. J’irais même jusqu’à dire que Macron est arrivé pour mettre en œuvre toutes ces actions à vitesse grand V, et qu’il ira jusqu’au bout. On est des marionnettes en fait, on peut même penser qu’un jour on sera pucés. Tout est pensé au-dessus de nous. C’est une manipulation mondiale. C’est pire qu’Hitler. Hitler lui manipulait un nombre relativement réduit de personnes. Là c’est à une échelle mondiale ! La société devient nauséabonde, tout ça engendre des divisions, même au niveau familial, au point qu’on ose plus exprimer des opinions sans mettre à mal des liens affectifs précieux. C’est dramatique !
LP : Est-ce que vous avez une hostilité envers les gens qui choisissent le vaccin ?
Elle : Non, dans le sens où je me dis que c’est leur choix avec leur conscience à ce moment-là. Je pense différemment donc je souhaites être respectée dans ce que je pense. Je ne juge pas les gens qui se vaccinent, je leur demande simplement de ne pas m’attaquer. Comme par exemple, on était au contact d’une personne âgée avec des connaissances. On m’a fait des reproches dans tous les sens. Bon, on y a passé 16 jours. il ne s’est rien passé. Evidemment que si je m’étais sentie mal je n’y serais pas allé. Je crois que dans le débat public et les interactions sociales, surtout ces derniers temps, c’est nos propres peurs qu’on balance de manière agressive sur les autres. C’est pour ça qu’il faut du recul.
LP : Je ne suis ni médecin ni épidémiologiste. Même comme journaliste j’ai très très peu travaillé là-dessus. De ce que j’ai pu voir, l’Islande par exemple se demande si la stratégie vaccinale réduit vraiment la circulation du virus. Sur une échelle large, et il y a des exceptions, ça réduit les formes graves. Pas par baisse de la charge virale que l’on transmet, mais grâce aux anticorps. Rien de confirmé. A titre personnel je ne sais pas, je me pose des questions, je suis vacciné et aucun problème avec ça, je le referais 14 fois si il faut. Mais si ça se confirmait, ça réduirait le choix du vaccin à une responsabilité individuelle : est-ce que je suis prêt à prendre le risque de contracter une forme grave ? On pourrait se dire, oui, mais l’hôpital public te soigne après. Alors, plus de système de santé pour les fumeurs, t’as qu’à prendre soin de toi ? Vous en dites quoi vous de tout ça ?
Elle : On m’a dit récemment, « mais regarde les chiffres ». Je n’y crois pas aux chiffres. On sait même pas si ça protège des formes graves. Récemment j’ai eu une personne dans ma famille qui a eu une forme grave, c’est vraiment par hasard qu’elle s’en est rendue compte, y’avait pas de symptômes spécifiques. Ca à l’air différent pour chacun. Ca me laisse dans l’idée qu’on en sait rien de tout. Les vaccins sont près depuis tout récemment. Concernant, les morts du covid, j’étais proche de personnes travaillant en milieu hospitalier, et les établissements hospitaliers touchaient une prime à chaque mort du covid. Alors quand quelqu’un mourrait c’était covid covid covid…
Sur les statistiques j’ai eu des postes à certains moments de ma vie où j’ai bien vu comment on les faisait : à la louche, en manipulant les catégories utilisées en fonction des besoins qu’il y a derrière. Après j’ai pas trop envie de continuer là-dessus, parce que je croix que tout le monde navigue à vue, et qu’on affabulerait si on continuait dans cette voie.
LP : Une autre chose qui me préoccupe, c’est qu’on entend des thèses farfelues, complotistes, et je sais bien que le terme est utilisé à tort et à travers par le gouvernement pour discréditer tout et n’importe quoi. Mais il y en a des vrais, des thèses complotistes, parfois éberluantes pour moi, qui s’entendent dans ce mouvement. Comment vous vous positionnez par rapport à ce phénomène ? Par exemple on peut entendre que c’est les Rothschild qui auraient inventés et répandus le vaccin.
Elle : C’est Rothschild qui a formé Macron.
LP : Qu’il y ait des liens entre Rothschild et Macron, c’est une chose. Que Rothschild ait créé et propagé le virus, s’en est une autre non ?
Elle : C’est les français qui étaient là-bas dans les labos en Chine. Ca à été provoqué. Je ne pense pas que ce soit une théorie du complot.
LP : Alors quelque part je suis d’accord que ça a été provoqué, mais est-ce que vous ne pensez pas que ça été provoqué par un mode de vie, un mode de production, mondial, qui ne va pas, qui détruit l’humanité ?
Elle : Oui, je suis d’accord avec ça, on vit dans un monde de folie, d’ultra matérialisme, d’abondance à géométrie variable. Et c’était évident quelque part qu’il y allait avoir des évènements pour nous le faire payer, et peut être nous permettre de redresser ça. Mais ça n’empêche que certains ont comploté des choses dans notre dos. Beaucoup sur les réseaux sociaux dévoilent des choses, et ils sont écartés. Raoult est mis à la retraite, y’a eu le feu aux labos qui fabriquaient la chloroquine. Un autre bonhomme du coin aussi à fini par être interné ! [NDLR : le Pr Fourtillan, intervenant dans le film Hold-Up sur lequel nous avons écris un papier ]
LP : Après ma conviction concernant Raoult, c’est que si il a pu être à la place à laquelle il a été c’est qu’il était compétent. A côté de ça je crois que la crise du covid lui a permis d’être sous le feu des projecteurs médiatiques, et quand on voit ses déclarations complètement contradictoires sur les plateaux télé, le bouquin sorti en grande pompe, on ne peut pas s’empêcher de se dire que ça lui est monté à la tête au détriment de toutes considérations pour la vérité.
Elle : J’ai pas la prétention d’avoir raison. Juste je ne veux pas être vacciné. Pour le reste on en parle dans deux ou trois ans.
LP : Et est-ce que vous êtes contre tous les vaccins, ou c’est celui-ci particulièrement qui vous dérange ?
Elle : Alors celui-ci avec le manque de recul particulièrement. Mais les autres vaccins je réfléchis vraiment auxquels je fais et quand je les fais. Y’a eu une prise de conscience assez tardive chez moi sur les méfaits potentiels des vaccins. Aussi parce que j’y ai vu des conséquences lourdes. Quand j’étais puéricultrice, les cas d’autisme, les troubles du comportement, ça laissait les parents complètement démunis. Et bien sûr personne ne va venir te dire que ça pourrait provenir d’un vaccin tout récent…
Nous avons interrogé des personnes variées. Retrouvez dès ce soir notre second entretien, avec contenus et thèmes différents.
Julien Servent
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