Changement d’ambiance chez les anti-pass de Montpellier

Le Poing Publié le 29 août 2021 à 21:18 (mis à jour le 29 août 2021 à 21:35)
Manifestation du samedi 28 août à Montpellier contre le pass sanitaire.

Après l’expulsion de l’extrême droite la plus violente, et la mise à l’écart du leader faussement apolitique Derouch consécutive à l’intervention des antifascistes et des médias indépendants, la manif contre le pass sanitaire de ce samedi 28 août s’est déroulée dans une ambiance globalement festive et combative.

Le gouvernement annonce par la voix d’Olivier Véran la possibilité d’étendre le pass sanitaire au-delà du 15 novembre, date initialement prévue pour son abrogation. Il n’y a effectivement besoin d’aucune théorie du complot pour saisir les mensonges et manipulations de la clique qui nous gouverne, elle-même au service des intérêts des capitalistes.

La baisse de mobilisation “constatée” par le ministère de l’Intérieur et relayée sans recul dans les médias à la botte du pouvoir nous paraît bien relative : 160 000 manifestants sur plus de 200 lieux de rassemblements, contre 170 000 la semaine précédente. Côté Nombre Jaune, un collectif qui depuis les gilets jaunes s’applique à corriger les mensonges d’Etat, on décompte provisoirement près de 320 000 personnes dans les rues, contre 350 000 la semaine dernière.

Sur Montpellier en tout cas, la mobilisation ne faiblit pas : des milliers de personnes se seront retrouvées sous le soleil du mois d’août.

Dès 13h30, un groupe de militants se retrouvent sur les marches de l’Opéra Comédie, autour d’une banderole célébrant la Commune de Paris [ NDLR : insurrection populaire de 1871, relativement large dans les sensibilités qu’elle a pu mobiliser, et visant la justice sociale ]. Groupe auquel se joignent quelques passants et participants à la manif pour une discussion intense et variée : pourquoi la police ne s’en prend pas ou si peu à  ce mouvement ? Quel est le sens du mot liberté comme mot d’ordre ? Comment prendre la parole dans un mouvement qui l’interdit à certains ? Bref, un moment politique au sens fort, loin des considérations partisanes et hypocrites sur les manières de prendre le pouvoir sur les autres. Une réflexion sur la manière de vivre et lutter  ensemble.

Puis viennent les prises de parole plus “officielles”, une fois la masse au rendez-vous. Derouch écarté du mouvement à cause de sa proximité trop évidente avec la Ligue du Midi, groupuscule ultra-violent responsable de violences, tentatives d’assassinat, le tout copieusement documenté, ce sont donc d’autres figures qui prennent la responsabilité de l’animation. Dans un ordre bien défini à l’avance, comme pour gommer les vives tensions des semaines précédentes.

Commence l’intervention d’une certaine Kwala, co-animatrice du mouvement depuis ses débuts. Un appel à la résistance assez classique, fournis en terme grandiloquents, peut être ceux dont on a besoin quand on se lance dans la lutte de David de Goliath, des petits ( mais nombreux ), contre les grands de ce monde. Aucune ou très peu de mentions à la situation sociale en perpétuelle dégradation dans ce pays. Mais on aura perçu aussi une juste et fière conscience que le peuple fait la vie en société, pas les gouvernants. Notons une forte préoccupation pour la question de la vaccination des enfants, préoccupation extrêmement partagée dans la foule. Et appuyée dans le discours en question par des thèses pour le moins fumeuses, non documentées de source fiable : ” Des vaccinodromes seront mis en place non loin des écoles mais la vaccination se fera non plus dès 12 ans mais dès 6 mois et sans votre accord.” Ou encore : “Votre enfant ira à l’école non vacciné le matin, il reviendra vacciné le soir” Pour le moment le ministre de l’Education Blanquer bannit le pass sanitaire de l’immense majorité des activités scolaires. On sait, lui et le gouvernement auquel il s’adosse adepte des opportunismes et retournements de veste en tous genres….

Au suivant, comme dirait ce bon vieux Brel. Les Gilets Jaunes du rond-point de Gignac sont ensuite venus apporter une touche bien différente. Pour eux, le pass, très grave en soit, n’est que la continuité des lois liberticides, dont la dernière en date est la loi sécurité globale,  de la réduction de plus en plus drastique des libertés publiques. Le tout pour permettre à une classe bourgeoise en possession de la société de perpétuer ses privilèges, en se protégeant de la population. S’ensuit que l’ennemi est le capitalisme, le but la justice sociale fiscale et climatique.

Intervention chaudement applaudie d’un des musiciens qu’aucun manifestant montpelliérain n’aura oublié, et qui rend hommage aux personnes qui ont expulsés le groupe ultra-violent de la Ligue de Midi la semaine précédente.

Une autre intervention vient souligner le fait que le pass sanitaire est un nid à contentieux futurs qui empêcheront sa mise en place juridiquement parlant, notamment à travers le recours à la cour européenne. Si cette opinion semble rencontrer un certain écho, elle ne fait pas pour autant l’unanimité, et certains manifestants restent dubitatifs quant à l’efficacité de ces recours.

A l’écart, un groupe d’une vingtaine de personnes armées de gants coqués, visant à blesser, et arborant un drapeau bourguignon avec l’abject slogan antisémite “Qui?” [ NDLR : Ce slogan ne peut être confondu avec une sensation vague ou précise des problèmes des médias mainstream, comme par exemple la main mise sur lesquels ont les bourgeois, par ailleurs plus soucieux de défendre leurs intérêts au détriment des autres que d’être diaboliques. Main mise documentée et sérieusement avérée à l’échelle d’un système entier. La popularisation du slogan remonte à une question posée par un jounaliste de CNews, « qui contrôle la « meute médiatique » ? » à Daniel Delawarde qui  avait répondu « la communauté que vous connaissez bien », sous-entendu la communauté juive. ] Des militants du groupuscule “Démocratie participative”, ostensiblement et fièrement néo-nazis avaient promis leur présence à Montpellier. C’est pas nous qui le fantasmons, aller voir leur site internet.

La manif se met en marche. Sous le soleil, tour de ville habituel. Habituel, quoi que. Une originalité. Cette fois-ci le cortège est structuré, et pas de n’importe quelle manière. Ce qui quelque part pourrait en dire long sur l’évolution des choses. Pompiers et soignants en tête, sous les hourras, puis directement après gilets jaunes.

 Une tentative, infructueuse d’amener le cortège en manif sauvage à partir des Jardins du Peyrou. Notons qu’une manif sauvage désigne dans le vocabulaire courant du mouvement social -et rien n’interdit d’en changer avec l’arrivée de nouvelles personnes- le choix d’un parcours échappant aux ordres des autorités préfectorales. Certainement pas des hordes de fous furieux cherchant à scalper au tomahawk la première personne paisible qui passe.

Arrivés place de la préfecture les militants de la haine raciale mentionnés plus haut sont éjectés de la manifestation. Suite à quoi la police intervient… pour arrêter un des jeunes manifestants tentant de s’opposer tranquillement aux fascistes. Heureusement très vite relâché, sans passage au poste. Un journaliste du Poing est légèrement blessé dans sa tentative de filmer l’évènement.

Malgré cet incident marginal au regard de la bonne humeur de la manif, et soutien indéfectibles aux personnes marquées par les évènements, le cortège suit son cours. Jusqu’à retour à la Comédie.

Une manif sauvage (appelez la comme vous voulez et faite nous part de propositions en commentaires ), part pour la gare, puis le Peyrou, avant retour sur la préfecture. En chemin quelques faces à faces avec des cordons de police tentant de bloquer l’accès à certains points de la ville. Sans grande tensions.

A noter quatre interpellations d’opposants après la manif sur l’esplanade Charles de Gaulle. Des soutiens se sont déplacés jusqu’au commissariat central, et tout le monde a pu sortir dans la soirée.

Le fascisme de rue le plus violent n’est que le symptôme de réseaux d’extrême droite qui ont pu acquérir une certaine influence pendant la pandémie. Une influence qui n’est-elle même que le symptôme de l’infusion de thèmes réactionnaires dans la société, via l’espace médiatique et les calculs politiciens notamment. Et qui ne préjuge en rien d’une faillite morale des gens “de tous les jours” qui la porte. Peut-être le symptôme également d’une gauche qui n’ose plus monter à l’assaut du ciel, qui a laissé tomber les siens. Attention donc à deux choses : ne pas crier victoire trop vite, même à Montpellier. Et ne pas sombrer dans parano haine du monde et aigreur. Si l’auteur de ces lignes devait proposer sa solution – et chacun a la sienne sur le sujet – ce serait la suivante : mouvement social, espoir, lien social et combat.

Quant à savoir comment évoluera ce mouvement contre le pass, rendez-vous samedi prochain !

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