Macron chez Brut : un président en plein déni de réalité

Le Poing Publié le 4 décembre 2020 à 20:28 (mis à jour le 4 décembre 2020 à 21:20)

Mais quelle mouche a piqué le président ? En acceptant d’être interviewé ce vendredi 4 décembre par trois journalistes du média en ligne Brut (Thomas Snégaroff, Yagmur Cengiz et Rémy Buisine), Emmanuel Macron avait un projet. Il voulait s’adresser à une jeunesse qu’il soupçonne à raison de ne pas être très fan de sa politique. Passage en revue des thèmes abordés ce soir.

Violences policières : plus d’images, plus de problèmes

Emmanuel Macron avait annoncé la couleur sur twitter. Les images du lynchage de Michel Zecler par plusieurs policiers l’avaient choqué. Pas les faits, les images. La nuance est importante.  Mais c’est déjà ça, après les avoir niées durant le mouvement des gilets Jaunes, le président reconnaît l’existence de violences policières. Qu’il semble loin, ce 9 mars 2019, quand le même homme déclarait que ces mots étaient « inacceptables dans un État de droit »…

Alors ? On fait quoi ? Remplacement de l’IGPN par une instance indépendante, suppression du LBD, abolition des milices violentes… ? Certainement pas ! Macron se retranche derrière « la justice » qui doit « faire son travail » (ben tiens !) Quelques missions parlementaires et autres opérations de com’ feront l’affaire. Avec un numéro vert contre la discrimination pour faire bonne mesure. Il viendra s’ajouter aux numéros déjà existants en cas de violences faites aux femmes, d’attaque terroriste ou d’addiction au cannabis…

Écologie : il ne fallait pas croire aux promesses

Si le président s’indigne des critiques visant la police, allant jusqu’à nier l’évidence, il se déchaîne contre des manifestants « fous », « ensauvagés », « contaminés par un discours militant » (on frise la criminalité). La France n’est pas un État autoritaire : la preuve, c’est pire ailleurs – en Chine ou en Turquie, par exemple. Idem sur l’écologie : si Jupiter aime faire la morale au bon peuple, il déteste les reproches. L’échange  se déplace pourtant sur ce terrain. Bien embêté par les résultats de la Convention Citoyenne pour le Climat, dont il avait promis de reprendre les résultats sans les censurer, il nous dit maintenant être très en colère. Et oui. Ce n’est pas « parce que ces 150 citoyens ont écrit un truc, que c’est la Bible, ou le Coran, ou que sais-je ».

Après tout, les promesses n’engagent que ceux qui y croient… Comme pour le glyphosate. L’échec de son interdiction n’est bien sûr pas de la faute du gouvernement. Macron l’affirme : c’est une « faute collective ». Vous êtes responsable de ses échecs, il garde le mérite de vos succès. Imparable. De toute manière, la planète peut bien brûler, il aurait fait sa part.

Covid : merci d’arrêter de vous plaindre

Certes, tout n’a pas été parfaitement géré lors de la crise sanitaire, mais là encore, ce n’est pas si grave puisque c’est pire ailleurs… Le vrai problème serait le manque de « confiance ». Il faut croire, contre toute évidence. Et le public auquel il s’adresse ? Les jeunes sont au cœur des préoccupations du président. Du moins, ça doit être vrai, puisqu’il le dit. Mais pas question de leur faciliter la tâche : le RSA ne sera pas étendu, les bourses leur suffiront (à croire que tous les jeunes sont étudiants…). L’augmentation dramatique de la misère est vite balayée : au mieux, il faudra se contenter d’une autre aide exceptionnelle, un chèque de Noël, offert par charité.

Quant à nous, par charité également, nous vous épargneront les passages sur la politique internationale, la laïcité et  le reste : on y apprend rien, si ce n’est que notre président est absolument incapable de se remettre en cause et développe un rapport hystérique à la vérité, au point de se présenter en victime.

« Aidez-moi ! » Ce cri d’appel aux journalistes prononcé lors de l’interview rappelle finalement ce qu’Emmanuel Macron attendait de cette interview. Les médias doivent l’aider, en reprenant le story-telling gouvernemental sans sourciller – la France va bien, tout le monde est content, à part une minorité de « fous », et d’ailleurs, il faut arrêter de se plaindre parce que ça pourrait être pire. Et ça le sera rapidement, indubitablement.

Comme dit Dewey dans Malcolm, « je ne m’attendais à rien, mais je suis quand même déçu. »

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