Manif contre la loi Sécurité à Montpellier : le carré des braves était en jaune

Le Poing Publié le 19 décembre 2020 à 17:01
Manifestation de ce samedi 19 décembre contre la loi sécurité globale, à Montpellier.

Contre la Loi de sécurité globale et toutes les mesures liberticides, cent quatre-vingts personnes ont défilé à l’appel du Rond-point des Prés d’arènes. La question de la relance du mouvement social reste totalement ouverte ; autant qu’incertaine.

Daniel reprend le micro de la sono, alors qu’on croyait les allocutions terminées, sur le parvis de l’Opéra-Comédie, ce samedi 19 décembre en fin de matinée. La manifestation contre la Loi de sécurité globale, la loi sur le séparatisme, et toutes les mesures liberticides, ne va pas tarder à se disperser. Certes un jeune manifestant regrette qu’on n’aille pas se montrer au Polygone, « là où ça ferait du bruit ». Il le suggère à une manifestante proche des organisateurs. Laquelle lui explique poliment, en enroulant sa banderole, que « l’autorisation préfectorale a été donnée pour le parvis de l’Opéra, donc on arrête là ». Tout ce qui est jaune sur la Comédie n’est pas forcément inflammable.

Cette manifestation a été appelée par le Rond-point des Prés d’Arènes. Daniel, qui reprend donc le micro, en est une figure. Il esquisse un bilan rapide devant la foule. Il estime que la tenue de ce cortège, initié à 11 heures devant la mairie, « est une victoire. Une petite victoire. Mais une victoire » face aux arguments du mauvais temps, de la trêve de Noël, d’une seule organisation appelante alors que le collectif des soixante entités qui orchestre la mobilisation a préféré repousser à janvier les nouveaux rendez-vous. Puis la voix de Daniel s’étrangle sous l’émotion : « Nous sommes un peu moins de deux cents. L’agglomération de Montpellier compte cinq cent mille habitants. Ces chiffres fendent le cœur ».

Daniel se reprend, en appelle à ne jamais céder, continuer de se battre, avec toute la fierté éprouvée de ce rond-point qui continue toujours d’exister. Cette manifestation, elle a été voulue sur le thème « aucune trêve face à Macron ! » Ce qui critique implicitement le renvoi à début janvier par le collectif évoqué ci-dessus. On ne rentrera pas ici dans le détail des dissensions qui entourent la ligne et les modes de fonctionnement, les travers individuels ou pas, au sein de cette entité, dont la Ligue des Droits de l’Homme ou le Club de la Presse sont des participants de premier plan.

Dans ce même contexte, une nouvelle assemblée générale s’est instituée cette semaine, qui veut redonner toute leur place aux individus et groupes qui ne se reconnaissent pas dans le formalisme codifié des transactions inter-organisationnelles. Le Poing en a rendu compte. Bref, en évitant de souffler sur les braises de querelles toujours prêtes à s’embraser, on constatera au moins que tout le monde cherche la voie d’une relance du mouvement social – ouvrir des permanences de quartier, rouvrir de vraies discussions pourquoi pas autour de paniers partagés, renouveler les interlocuteurs, presser les parlementaires sans merci, etc.

Car à sept mille dans la rue voici trois semaines avec le collectif des soixante organisations, ou deux cents ce samedi avec les seuls Prés d’arènes, chacun.e peut se demander si les cortèges bien ordonnés, de forme traditionnelle, n’ont pas quelque chose d’un retour trois ans en arrière. On en parlait donc avec deux gilets jaunes, des dures de dur, pas spécialement alignées sur les Prés d’arènes, toujours là elles aussi.

« Oui il reste quelque chose de vivant de notre mouvement. Des tas de rencontres se sont produites, des liens se sont noués, et tout cela continue de travailler. Il ne faudra pas rater la prochaine fenêtre historique pour qu’un nouveau débordement se produise » estime l’une. Quand l’autre considère que « toutes les formes de lutte sont valables, tant qu’il y a lutte. Il ne faut pas chercher à tout estampiller. Le seul fait que les gens continuent de voir des gilets jaunes dans la rue un samedi garde beaucoup plus d’impact qu’on croit, car beaucoup se sont lassés, ou bien ont peur, ou ont d’autres problèmes, mais ne sont pas du tout contre nous ».

Foin de nostalgie, on n’est pas ici pour pleurer sur l’épopée éteinte de la geste glorieuse des années écoulées. Pour ne pas s’enfermer dans cette nostalgie, c’est un nouveau chantier qui se présente, où toutes les questions sont ouvertes. Sabine, devenue oratrice vibrante des Prés d’arènes a bien pris soin d’associer la Loi contre le séparatisme à la Loi de sécurité globale, en tant que projets gouvernementaux qu’il faut rejeter.

Mais une question se pose. Ce rejet s’exprime « contre les mesures liberticides, y compris celles qui sont allées se nicher dans la loi sur le séparatisme ». On en veut pour preuve le fameux article 24 de la loi de sécurité globale – visant à étouffer le droit de filmer les membres des forces de l’ordre en action –, article qui apparaît juste remaquillé comme article 25 (tout de même rebaptisé 18 en catastrophe de style), dans la loi sur le séparatisme. Certes. Mais c’est sous l’angle lourdement social et politique qu’il faut aborder cette loi sur le séparatisme ; pas seulement l’angle sécuritaire, qui préoccupe principalement les militants.

Voilà qui ressemble à un gros pavé laissé sur la chaussée des manifestations de gauche. Sera-t-on tellement contre une loi qui, après tout, prévoit que les enfants ne soient pas scolarisés par des écoles coraniques clandestines ? Ou que soit interdite l’exigence, et a fortiori la délivrance, de certificats de virginité ? Etc. Ou bien, sera-t-on contre une loi qui désigne certaines populations comme suspectes en elles-mêmes, de milieux populaires accusés de défaut d’adhésion à un code de valeurs et d’usages dominant, qu’il s’agirait d’imposer autoritairement par voie de sanction légale ?

Les lois de contrôle s’imaginent-elles sans qu’elles s’appuient sur les logiques de ségrégation ? A propos de tout cela, on n’en a pas fini de se chercher, de samedi en samedi manifestant. D’ailleurs il vaudrait mieux que ce soit partout et tout le temps. Pas seulement pour le rituel du samedi – même très nécessaire.

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