Marasme chez Orchestra : de graves accusations visent le Tribunal de Commerce

Le Poing Publié le 2 juin 2020 à 19:50

L’offre de cession de l’actuel patron de l’entreprise a-t-elle été abusivement favorisée ? L’avocat des salariés parle de « mascarade » et d’un « vrai scandale judiciaire »

Pierre Mestre pourra-t-il continuer de diriger la société Orchestra, naguère présentée comme success-story de l’économie montpelliéraine, mais aujourd’hui en totale déconfiture ? Créée en 1995, rattachée à Prémaman, Orchestra est spécialisée dans le vêtement pour enfants et la puériculture. Elle a compté jusqu’à trois mille huit cent salariés, essentiellement en France et en Suisse, et un réseau de cinq cents magasins, dont quatre-vingt mégastores.

Avec vingt-cinq employés à son siège montpelliérain, elle compte aussi un important entrepôt à Saint-Aunès (plus de cent emplois sur trois mille mètres carrés) et un autre, plus réduit, à Saint-Jean-de-Védas. Derrière cette expansion record, voici déjà quelques années que des alertes ont été lancées (notamment par nos confrères du d’Oc), quant à des méthodes de management aussi détestables pour les salariés, qu’erratiques et hasardeuses sur le plan stratégique.

Bref, très fragilisée, Orchestra est en procédure de sauvegarde depuis septembre 2019, récemment convertie en cession judiciaire, sur laquelle s’est penchée le Tribunal de Commerce de Montpellier mardi dernier 26 mai 2020. Cela dans un contexte encore aggravé par la crise du COVID, alors que ces mois derniers avaient déjà connu l’annonce de la suppression de six cents postes – un cinquième du personnel du groupe – et cent vingt-cinq fermetures de magasins.

Depuis le vendredi 29 mai, les salariés montpelliérains débraient une heure durant, pour manifester leur très grand mécontentement devant le choix du Tribunal de Commerce. C’est le plan de reprise partielle de l’actuel patron lui-même, Pierre Mestre, avec abandon des dettes, qui a été privilégié. Soit une solution à laquelle ils ne peuvent pas croire un instant, accusant le chef d’entreprise d’avoir creusé un passif de six cent cinquante millions d’euros, le laissant incapable de s’attirer la confiance de nouveaux investisseurs.

Face à cette offre, une autre option provient du groupe familial saoudien Al-Othaim, oeuvrant lui aussi dans le commerce, et déjà investi partiellement dans Orchestra. Cette offre serait financièrement beaucoup plus solide, et s’engagerait clairement sur la sauvegarde d’un nombre appéciable d’emplois (mille cent onze postes). Cette solution est soutenue à l’unanimité par le Comité social et économique de l’entreprise – c’est-à-dire l’instance représentative du personnel.

Fait exceptionnel, ce mardi 2 juin 2020, l’avocat du C.S.E. a saisi directement le procureur général près la Cour d’Appel de Montpellier. Tout aussi exceptionnellement, il a rendu publique sa requête, où on lit des phrases d’une très grande gravité. Maître Ralph Blindauer écrit : « Tout nous porte à penser [que le jugement près d’être rendu jeudi qui vient, constituera] une mascarade en vue d’habiller une décision prise d’avance et arrêtée en petit comité au mépris de la loi, de l’intérêt public et de celui des salariés ». Plus loin : « La (trop) belle unanimité autour de l’offre de Pierre Mestre alors que ses faiblesses n’ont pu échapper à personne, est un vrai scandale judiciaire ». Ailleurs, il retient l’hypothèse qu’il n’y ait pour visée quele « sauvetage des intérêts de Pierre Mestre ».

A travers de tortueuses considérations de procédure, peu accessibles au néophyte, mais que l’avocat des salariés qualifie de « commission délibérée de fautes graves », deux points ressortent comme particulièrement saillants. D’une part, l’audience de la semaine passée s’étant tenue par visio-conférence, il s’est trouvé que le représentant du Comité social et économique s’est vu refuser la possibilité de s’exprimer, son micro coupé, « au mépris du principe absolu de tenue d’un débat contradictoire » proteste l’avocat.

Par ailleurs, le code du commerce interdit que la direction d’une entreprise en situation de redressement judiciaire puisse déposer une offre de reprise s’il n’en a pas obtenu l’autorisation express par le tribunal. Oui mais cette disposition a été suspendue par ordonnance du 20 mai dernier, dans le cadre des mesures d’urgence liées aux conséquences économiques de la crise du Coronavirus. L’idée étant de tolérer cette entorse procédurale, dans les cas où il n’y aurait pas d’autre solution pour sauver l’emploi. Selon l’avocat du C.S.E., il est intenable de considérer que le plan du patron actuel sauve plus d’emplois que l’offre concurrente, mais bien tout l’inverse.

En conclusion, Me Ralph Blindauer demande au Procureur général d’user de son autorité hiérarchique pour requérir une réouverture des débats, ignorant les termes formulés lors de l’audience du 26 mai. 

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