Master “Quantique du leadership capacitant et vibratoire” : la présidente de Paul-Valéry réagit

Elian Barascud Publié le 24 avril 2024 à 12:09
L'Université Paul-Valéry de Montpellier est au cœur d'une polémique concernant un Master "en quantique du leadership vibratoire et capacitant". (Image d'illustration Camille Stromboni/Flickr)

A la suite de notre premier article sur un Master en sciences de l’éducation de l’Université Paul-Valéry de Montpellier et de la polémique que cela a créé sur les réseaux sociaux, le mot “quantique” a été enlevé de la plaquette. Contactée, Anne Fraisse, présidente de l’Université a annoncé que le déontologue de l’institution avait été saisi pour mener une enquête

L’information a visiblement provoqué des perturbations des vibrations quantiques dans l’univers académique francophone. La semaine dernière, après avoir vu passer quelques posts sur les réseaux sociaux à ce sujet, nous sortions un article à propos d’un Master 2 en sciences de l’éducation et de la formation, existant depuis 2011, qui vise à former au « Leadership vibratoire dans une approche de pédagogie quantique, afin d’œuvrer en pleine conscience » à l’Université Paul-Valéry. L’affaire a continué d’enfler, si bien que le mot “quantique” a été retiré de la plaquette présente sur Internet.

Le mardi 23 avril, l’Université Paul-Valéry a publié un communiqué pour le moins laconique dans lequel elle dénonçait la virulence des réactions sur les réseaux sociaux : “Si les questions posées sur ce sujet peuvent parfois être légitimes, il est indigne qu’elles s’expriment par du harcèlement envers le personnel administratif de l’Université et des attaques généralisées contre les disciplines de Sciences Humaines et l’Université dans son ensemble.”

De son côté, le SCUM, syndicat de combat universitaire de Montpellier, organisation majoritaire sur le campus, a publié un communiqué à la sortie du Conseil d’administration de Paul-Valéry ce mardi 23 avril pour demander la fermeture de ce master, qu’il accuse de “dérives sectaires” : “Le Centre Lerab Ling est un “centre bouddhiste rattaché à l’école Nyingmapa, axée chamanisme et tantrisme ésotérique”. Ce lieu, cité dans un rapport de la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), est situé dans le nord du département de l’Hérault près de Lodève. Le responsable de cet endroit a été accusé dans un livre d’emprise mentale et de viols sur plusieurs adeptes de la secte.
Le fait que ce Master propose à ses étudiantes et ses étudiants des “stages” et des “retraites socratiques” dans un tel lieu s’ajoute aux articles et travaux de recherche du Master issus de la mouvance anthroposophe.

L’anthroposophie a fait l’objet de multiples saisines auprès de la MIVILUDES, qui conclut en ces termes : « Perçu comme un simple courant de pensée “alternatif”, le groupe apparaît ainsi sous des visages différents auprès d’un public qui n’en perçoit pas nécessairement les ramifications ésotériques », susceptibles « de présenter un danger pour la population », « tant dans le domaine scolaire avec les écoles Steiner-Waldorf, que dans le domaine agricole avec la biodynamie, ou médical avec la médecine anthroposophique »”, peut-on y lire.

Anne Fraisse sort du silence

Contactée par téléphone ce mercredi 24 avril, Anne Fraisse, présidente de l’Université Paul-Valéry affirme “qu’il y a effectivement un problème, mais que l’Université ne juge pas sur le nombre de tweets enragés en accumulation”, et dénonce “un acharnement médiatique.” “On me demande de condamner, mais est-ce que je dois pendre ma collègue à un arbre du campus pour voir s’il y a des vibrations ?”, a-t-elle ironisé, avant d’annoncer qu’une enquête allait être menée par le déontologue de l’Université. “Nous verrons après les résultats de l’enquête.”

“Oui, il y a eu un dérapage, profondément ridicule, et Mme Gendron [directrice de ce Master, NDLR] est en désaccord depuis longtemps avec le reste de son département”, a continué Anne Fraisse. “La plaquette qui était visible sur Internet avec le mot “quantique” dedans n’était pas dans les documents internes de l’URF 6, cela nous pose problème et on veut savoir quand cela a été modifié. L’enquête le déterminera. La direction de thèse de Bénédicte Gendron sur la “dégustation de vin en plein conscience” faisant référence à la doctrine anthroposophique sera également versée au dossier selon Anne Fraisse.

Mais pour elle, pas question de supprimer le Master de l’offre de formation avant les résultats de ladite enquête : “Ce Master a été crée dans l’idée que le management devait être bienveillant, il a été validé trois fois par l’État et répond à une demande sociétale. On le voit, il y a toujours autant d’étudiants qui viennent chaque année, et comme c’est de la formation continue, la moyenne d’âge est de 37 ans, ce sont des gens qui sont déjà insérés qui veulent monter en compétences. De plus, la plaquette des cours n’indique rien de problématique.”

Rien de problématique, si ce n’est les regroupements au centre Bouddhiste Lerab Ling, au cœur d’accusations de viols et d’emprise mentale : “Les étudiants n’iront bien sur plus à Lerab Ling”, a tranché Anne Fraisse, qui a ajouté : “C’était uniquement pour une location de salle, et rien de spirituel. Mais il se peut que Mme Gendron ait oublié qu’il y a une frontière entre ses croyances, ses pratiques, et l’Université.” A propos des voyages en Thaïlande, la présidente de l’Université a précisé qu’ils étaient terminés depuis le Covid, et qu’ils étaient à la charge des étudiants. “L’Université ne les a jamais financés.”

La date de fin de l’enquête n’a en revanche pas été communiquée.

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