Montpellier : convergence opportune entre BDS et gilets jaunes contre la répression
Le Poing
Publié le 13 octobre 2019 à 16:42
Près de trois cents personnes, en partie en soutien aux militants de la cause palestinienne de Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), en partie pour l’acte 48 des gilets jaunes, et le plus souvent ensemble, se sont rassemblées samedi à Montpellier contre la répression. Esquisse de débats nécessaires
À 13 heures ce samedi 12 octobre, il s’agissait d’ « occuper la Comédie, pour la liberté d’expression ». Et à 14 heures, de se rassembler pour l’acte 48 des gilets jaunes. Partage d’un même lieu. Quasiment d’un même horaire. Avec tant d’opportunité, forcément on tendait à une esquisse de convergence, a minima sur la dénonciation de la répression. Cela semble facile à écrire. Cela s’est fait riche d’amorces de vrais débats, concrètement, sur le terrain.
Chronologiquement, le premier rassemblement était appelé par vingt-quatre entités, pas moins, en vue du procès du mercredi 16 octobre – rassemblement à 8 heures au tribunal. José-Luis Moraguès y est convoqué, en tant que responsable de BDS, le mouvement qui relaie l’appel international de la société civile palestinienne pour le boycott et le retrait des investissements, comme mode d’action efficace et non violente en résistance à la politique israélienne d’occupation et d’apartheid.
En-dehors de la question de fond, il faut relever un aspect typiquement montpelliérain dans cette répression anti-BDS. Déjà destinataire de treize procès-verbaux en 2018, et auditionné huit fois par la police judiciaire, le militant est directement traqué par la police municipale, qui dresse ces PV. Quand certains croiraient en une simple police de concorde civile du quotidien, on constate que, sous le régime de Philippe Saurel, cette police municipale se fait directement police politique, au service du shériff local et de ses seules options (et complaisances électoralistes en direction du CRIF, institution autoproclamée représentative des Juifs de France, dont la déléguée régionale figure dans sa majorité).
On relève par ailleurs le dévoiement nauséabond de l’esprit des lois – même sans illusion quant aux intérêts qu’elles servent de toute façon – puisque le reproche adressé au militant fait mine de s’en tenir à la lettre réglementaire, en incriminant une « émission de bruit » susceptible de perturber le voisinage : cela pour s’exprimer en plein jour, sur une modeste sono portative, à l’occasion d’une manifestation autorisée, dans des espaces très souvent abandonnés à l’agressivité tapageuse de quantité de manifestations paracommerciales ou sportives. On constate une manipulation arbitraire, sélective et délétère, des règlements en vigueur, à seule fin d’exercer une répression. Et on verra si l’autorité judiciaire, en toute indépendance supposée être la sienne, prête la main à une telle instrumentalisation.
Pendant que les militants – une centaine environ – gagnés à cette cause dressaient leurs tables (NPA, Mouvement pour une alternative non-violente, Anti-nucléaires, et tout frétillants Extinction-Rébellion, etc), les gilets jaunes stricto sensu – deux cents environ – s’installaient à deux pas, sinon se mêlaient directement aux premiers. Parmi lesquels les effectifs toujours déterminés du rond-point Prés d’Arènes. Forcément, il y avait de quoi se parler. De sorte qu’en émana un genre d’assemblée générale, certes informelle, certes passagèrement cafouilleuse, mais tellement significative des potentialités de convergences qui travaillent sourdement le moment social et politique.
Dans
ce contexte, il n’était pas facile de venir clamer sa compréhension
pour la politique israélienne. Une gilet
jaune s’y est essayée, en son nom strictement personnel, vite sous
les huées. Une autre gilet
jaune, venue du Gard, témoignait d’une nouvelle répression :
des PV de 741 euros par tête, pour s’être joints, pacifiquement
mais vêtus de gilets jaunes, à une déambulation populaire dans le
cadre de l’étape du Tour de France à Nîmes en juillet. Hélas,
cette dame pense que cette dénonciation doit primer sur les
préoccupations
pro-palestiniennes, à ses yeux trop lointaines. Français d’abord ?
Une autre gilet jaune, au contraire, tisse les liens entre manifestants d’Équateur, de Hong-Kong, d’Algérie et du Soudan, et en appelle à l’ouverture généralisée des solidarités, à commencer par les Kurdes. C’est tout un panel de sensibilités qui s’expose, et qui s’enracine aussi au plus près, quand un SDF pailladin vient hurler sa rage d’opprimé, que relaie une sage membre d’ATTAC égrenant ses moyens de désobéissance non-violents.
Au moins sous l’angle de la résistance à la répression, « ayant atteint un niveau de violence jamais vu depuis la Libération » et touchant aussi bien « les militants du climat, les street-médics, ou observateurs LDH », c’est une réalité de « guerre sociale » qui est pointée, appelant « une assemblée inter-mouvements », où aient leur place « le vert, le jaune, le rouge, le noir » selon les vœux d’un activiste qui se dit « personnellement non-violent », mais « en pleine compréhension pour ceux qui prennent d’autres options ».
Le calendrier est généreux : débat de rond-point sur les retraites à Prés d’Arènes samedi 26 octobre à 16h30, assemblée des assemblées à Montpellier les 1, 2, 3 novembre, puis appel national à l’acte montpelliérain du 9 novembre, puis villages jaunes du premier anniversaire le 17 novembre, grève générale le 5 décembre. Un débat s’amorce, enfin, sur les cibles diverses de manifestations qui abondent à Montpellier et déréglerait la ritualisation d’affrontements perdus d’avance en passant par la préfecture, tout en parlant clairement à l’opinion publique. Encouragements sont néanmoins donnés pour que les manifestants de base s’initient à des dispositifs d’auto-défense vigoureuse.
Il fallait passer aux travaux pratiques. La moitié du rassemblement se met en branle vers la gare. Mais, par contradiction des convergences, l’autre moitié reste sur le parvis de l’Opéra pour admirer des danses traditionnelles palestiniennes (au moins pour une fois, la danse à Montpellier semble concernée par la mobilisation des corps, ça change des désertions déplorables vécues autour de la mort de Steve). Reste que le cortège aura été le plus bref jamais vu depuis bientôt un an à Montpellier. A peine arrivé au coin du square Pagézy, une esquisse de nasse est à craindre (CRS en ligne compacte à la gare, et d’autres descendant vivement la rue Maguelone depuis la Comédie). Bifurcation de sauvetage par la rue du Clos René, remontée dare-dare sur la Comédie.
Là, de longues moments durant, on observera les forces du désordre en uniforme s’exposer comme en recherche d’incident coûte que coûte. On s’étonne que les commerçants ne protestent pas. Mais c’est qu’il s’agit d’écraser jusqu’à l’intention même de manifester – comme depuis plusieurs semaines. On est en plein sujet. Et pas mal des présents se dispersent pour rejoindre la réunion en soutien à Georges Ibrahim Abdallah, le plus ancien prisonnier politique de France et d’Europe.
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