Montpellier : immersion sur le chantier du LIEN juste avant la dérogation préfectorale de reprise des travaux

Elian Barascud Publié le 13 décembre 2023 à 18:23 (mis à jour le 14 décembre 2023 à 10:48)
Des membres du collectif SOS Oulala mobilisés contre le chantier du LIEN, le 13 décembre 2023 sur la commune de Grabels. ("Le Poing")

Ce mercredi 13 décembre, le collectif SOS Oulala avait organisé une visite du chantier routier du LIEN, sur la commune de Grabels en présence de la presse pour évoquer le sort d’une espèce protégée menacée par des travaux menés “illégalement” selon eux. Aux alentours de 17 heures, la préfecture de l’Hérault a publié un arrêté dérogatoire autorisant la destruction de ladite espèce

14 h 30, un vent d’ouest balaie par rafales la végétation de la garrigue de Grabels. Après quelques kilomètres de voiture sur une piste sinueuse, nous voilà sur le tracé de la route. Sur notre gauche, de la végétation, quelques arbres. Sur notre droite, des monticules de terre et des traces de pneus d’engins de chantier. En haut d’une butte, quelques opposants aux travaux chantent et brandissent une banderole.

Pendant que nous les rejoignons, Anna, du collectif SOS Oulala, récapitule : “La Liaison Intercantonale d’évitement Nord (LIEN) est un projet porté par le Département de l’Hérault depuis les années 80. Il est censé relier les petites communes du nord de l’Agglomération de Montpellier entre elles, et a été construit par bouts successifs de routes. Le dernier tronçon du chantier, huit kilomètres entre Saint-Gély-du-Fesc et Grabels, est actuellement en cours de travaux. Ce chantier permettrait de créer un périphérique de liaison entre l’A 750 et l’A 9 pour du transport de marchandises.”

Mais voilà, sur ces 70 à 80 hectares de garrigues qui vont être bétonnés vivent 136 espèces protégées. Une est particulièrement au centre de la polémique : le glaïeul douteux. Une plante qu’on ne voit que lors de sa floraison, en mai, dont l’habitat est en train d’être détruit illégalement, selon le collectif SOS Oulala.

Pour modifier l’environnement de cette espèce protégée, le Département a besoin de dérogations de la préfecture, qui s’accompagnent de “mesures compensatoires” (évitement de la plante, replantage ailleurs, récolte de graines pour en replanter plus loin…) Le Département obtient une première dérogation en 2019, puis une dérogation complémentaire en 2021. L’autorisation vaut pour 30 spécimens, puis pour 20, soit 50 pieds de Glaïeuls douteux au total.  

Mais en mai 2023 (période de floraison du glaïeul douteux), le collectif SOS Oulala fait venir un huissier sur le site des travaux. Celui-ci constate 286 plants de glaïeuls. Un chiffre encore revu à la hausse quelques jours plus tard par l’Office français de la biodiversité (OFB) et le conservatoire botanique national méditerranéen, qui comptabilisent 474 plants sur le tracé du tronçon. Un comptage qui a conduit l’OFB a faire arrêter les travaux là ou vivent les glaïeuls le 20 novembre dernier, bien qu’ils continuent plus loin.

Le 27 novembre, Pierrot Pantel, ingénieur écologue et chargé de mission juridique pour l’Association nationale pour la biodiversité, s’est rendu sur le lieu des travaux et a posté une vidéo sur Twitter. Vidéo dans laquelle il annonce qu’il allait déposer plainte contre le Département de l’Hérault et l’entreprise Cazal, qui gère les travaux. Pour lui, la “mise en défend” des plants de glaïeuls douteux, réalisées via l’encadrement par des triangles d’un mètre carré, ne sont pas suffisants.

Un militant tient une pancarte avec la photo d’un glaïeul douteux, devant un pied “mis en défend” par du balisage rouge le 13 décembre 2023 sur le chantier du LIEN. (“Le Poing”)

“Le Département c’est le mauvais élève qu’on a attrapé avec le doigt dans le pot de confiture”, analyse Anna. “Là, avec les recours, le chantier a pris de mois de retard.”

Au chevet des glaïeuls douteux

Des triangles marqués par une sorte de filets rouges, on en remarque quelques un à flanc de colline déjà débroussaillé par les engins de chantier. “Il se peut qu’il y ait de la ru-balise sur des plants déjà détruits”, souffle un membre du collectif. De plus, à l”œil nu, les zones de balisage paraît bien en dessous du nombre de plants répertoriés en mai dernier. Une information que confirmera ensuite la mairie de Grabels, jointe au téléphone.

Des triangles marqués par une sorte de filets rouges, on en remarque quelques un à flanc de colline déjà débroussaillé par les engins de chantier. 13 décembre 2023 sur le chantier du LIEN (“Le Poing”)

La promenade continue. Au loin, là ou il y a un mois et demi, un chemin de terre avait conduit une manifestation organisée durant un weekend de mobilisation contre le LIEN à faire des actions naturalistes, ne reste qu’un sol plat ou travaillent des engins de chantier. Une promenade ponctuée par une visite des forces de l’ordre, qui ont procédé à quelques contrôles d’identité.

C’est ici même que les manifestants qui s’opposaient au projet routier du LIEN ont réalisés plusieurs actions naturalistes le 14 octobre dernier. Le paysage a bien changé depuis. Photo prise le 13 décembre 2023. (“Le Poing”)

La DREAL sort du bois

Nouveau rebondissement aux alentours de 17 heures, à peine les gens revenus du chantier : La Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et dulogement d’Occitanie, dans un arrêté complémentaire, autorise par dérogation la destruction de de 340 pieds de glaïeuls douteux supplémentaires (soit 390 au total), et la “manipulation, transport et utilisation” de 600 spécimens. Le document indique également que 124 spécimens seront préservés au vu de leur distance avec le tracé du LIEN et que 10 seront mis en défend.

“C’est un arrêté ilégal”, fustige Pierrot Pantel au téléphone. “L’arrêté complémentaire prévoit une obligation de consultation publique dans le cadre de la charte de l’environnement, ce qui n’a pas été fait. Cet arrêté d’autorisation prouve par A+B que les travaux réalisés précédemment sont illégaux, car ils ont été réalisés sans autorisation, qui vient tout juste de tomber. Nous allons attaquer cet arrêté au tribunal administratif.”

De son côté, la mairie de Grabels évoque “un défaut criant du département sur le respect de la biodiversité”, et a également annoncé qu’elle allait poser un référé au tribunal administratif pour attaquer l’arrêté.

Elian Barascud

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