Montpellier : les anti pass sanitaire continuent à chercher organisation et innovation
La nouvelle manifestation contre le pass sanitaire, ce samedi 11 septembre, aura réuni quelques milliers de personnes à Montpellier. Toujours aussi diverse dans ses sources d’inspiration, cette mobilisation se cherche de nouveaux débouchés, de nouvelles formes d’organisation.
Des discours confus sur l’épidémie
Jusqu’à presque quinze heure sur la place de la Comédie, il y avait de quoi s’étonner de la faiblesse du nombre de manifestants présents pour cette nouvelle manifestation contre le pass sanitaire et l’obligation vaccinale pour certains professionnels. Quelques centaines de personnes à peine. Le rituel est déjà bien rôdé : une série de prises de paroles commence dès 14h, avant départ de la manif dans les rues de la ville.
Le micro est ouvert à tous et toutes, dans la mesure du possible. De nombreuses interventions sont revenues, comme toutes les semaines, sur les nombreux chiffres avancés pour relativiser, voire nier, l’ampleur de l’épidémie de Covid et l’efficacité des vaccins proposés. Chiffres souvent biaisés par des sites, groupes ou publications aux intentions peu avouables, dont la tête cache sous un apolitisme affiché des liens profonds avec l’extrême-droite, à la RéinfoCovid. Le cas israélien est repris comme souvent. Il y aurait ainsi selon une intervenante 95% de vaccinés parmi les cas graves recensés en hôpital. Ce que confirme le Dr. Kobi Haviv, directeur de l’hôpital Herzog à Jérusalem. Seulement voilà : la nouvelle ne remet pas en question l’efficacité du vaccin, mais bien plutôt la durée de l’immunité relative qu’il offre. Les premiers vaccinés en Israël ont été des personnes âgées, particulièrement exposées aux formes graves du virus. Elles se sont retrouvées, avec le temps et la baisse de l’immunité vaccinale, très représentées parmi les personnes hospitalisées pour des formes graves. Depuis une campagne pour l’injection d’une troisième dose de vaccin a été lancée. Et l’indice de reproduction du Covid est à nouveau à la baisse dans le pays. Sans que l’on puisse toutefois encore formellement attribuer la chose à la troisième injection, puisque d’autres mesures sanitaires ont été prises dans le même temps.
Une autre intervenante revient sur le fait que les gens qui craignaient l’instauration de mesures liées au pass sanitaire passaient aux yeux de certains en 2020 et pendant la première moitié de l’année 2021 pour des complotistes. Encore au printemps 2021, le gouvernement promettait que l’instauration du pass sanitaire ne franchirais pas la ligne rouge des activités liées au quotidien… Aussi inquiets soit-on face aux théories du complot, et surtout face aux réseaux fascistes qui en fomentent dans l’ombre, il convient donc de faire preuve de la plus grande prudence dans son usage du mot “complotisme”. “Entre les évidences et le complotisme, avouez que la frontière est étroite”, affiche une pancarte non loin. Ce type de ressentis est un boulevard pour des réseaux réellement complotistes comme RéinfoCovid, qui affichent des vérités tronquées sur l’épidémie, et qui sont une pépinière pour l’extrême-droite.
Vers une société de plus en plus autoritaire
Deux des trois personnes placées en garde à vue à l’issue de la manifestation de la semaine précédente, libérées le dimanche à 10h30, interviennent. Présentons la première, Patricia, ancienne gilet jaune, un temps engagée pour la réélection de l’ancien maire de Montpellier Philippe Saurel, arrêtée pour attroupement illégal après des sommations policières, nie l’existence de celles-ci et annonce vouloir porter plainte pour arrestation arbitraire. Le second manifestant a été arrêté pour les même raisons.
Accusés de dégradations devant le musée Fabre par un communiqué de presse, le groupe de manifestants face auxquels est intervenue la police a pu être blanchi grâce au témoignage du gardien du musée.
Nouvelle personne à la tribune, pour rappeler le contexte de graves dérives autoritaires dans lequel s’inscrivent les mesures du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale. La répression des gilets jaunes a été d’une intensité jamais vue depuis 50 ans, six mois de manifestations contre la loi sécurité globale ont secoué le pays. L’intervention se conclue sur une ode à la nécessaire unité vaccinés / antivax. Avant que ne soit proposé un rendez-vous en fin de manif pour échanger des coordonnées, créer un collectif éphémère de lutte : “Il ne faut pas se leurrer, quand le gouvernement le décidera une répression dure s’abattra sur le mouvement. Les forces de l’ordre, bien qu’elles soient aussi concernées par le recul des libertés fondamentales, obéiront. En masse. Il faut s’y préparer, s’organiser dès maintenant”
D’autre moyens de lutte que la manif du samedi
Après un rappel sur les procédures de plaintes citoyennes en cours contre des membres du gouvernement, vient au micro le tour de l’avocat David Guyot, présent « pour la défense des libertés fondamentale dans le cadre de la crise sanitaire ». On en retiendra des conseils sur trois recours légaux pour ceux qui voudraient repousser la suspension dans les corps de métier concernés par l’obligation vaccinale, à partir de ce mercredi 15 septembre. Première possibilité : poser un arrêt maladie, on ne peut pas être suspendu pendant celui-ci. Ou être muni d’un certificat attestant de sa récente contamination par le Covid, daté de moins de six mois. Enfin, on passera aussi entre les gouttes avec un certificat de contre indication médicale, temporaire ou permanente, à la vaccination.
Le mouvement dans son ensemble paraît se chercher des voies de structuration, et d’autres manières d’agir que les classiques manifs du samedi. En témoignent les nombreux appels à se mobiliser en semaine, que ce soit sur les terrasses sauvages en solidarité avec les exclus des bars, devant l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Montpellier le 15 septembre à 11h. Juste après le défilé un repas partagé au rond-point occupé par les gilets jaunes du Près d’Arènes était aussi organisé.
Une manif concurrencée par deux autres appels
Autour de quinze heure, le cortège se met en branle, remonte la rue Foch. Le nombre de participants monte en flèche, d’un coup, jusqu’à ce que la manif regroupe environ 4 à 5 000 personnes. Moins que les semaines précédentes, mais deux événements concurrençaient la manif montpelliéraine. L’appel national à manifester à Paris. Et un autre appel à Nîmes, émanant des réseaux antifascistes cette fois. Alors que les semaines précédentes avaient été marquées par la présence des membres du groupe d’extrême droite “La Ligue du Midi”, puis de certains militants fascistes gardois, il semblerait que tout ce beau monde, après s’être fait expulsé par des antifas suite à un appel lancé par les militants de l’ARM, se retrouve maintenant dans la capitale gardoise pour y assurer le service d’ordre des manifs anti-pass… Rappelons que l’extrême-droite divise la population sur des critères racistes et sexistes, que sa vision de la société ne promet que très peu de libertés, et qu’elle est responsable de nombreuses exactions gravissimes. Sur Montpellier, le coup de balai qui les aura fait quitter les manifestations est intervenu après la violente aggression de militants communistes de l’ARM, et des insultes racistes proférées par des gens ostensiblement armés…
Blocage symbolique et occupation de terrasses
Les gens se seraient-ils habitués à ce déroulé bien rôdé, faisant le choix de sauter les interventions qui commencent à 14h ? Dommage, car de plus en plus de propositions concrètes, qui seront déterminantes pour la suite du mouvement, s’y font.
Au Peyrou, la foule quitte sans hésitations ni flottements, le parcours imposé par la préfecture de l’Hérault : au lieu de descendre vers Albert 1er, elle ira s’étaler sur le boulevard du Jeu de Paume. Parmi les pancartes, toujours autant de diversité : une, et une seule de ces pancartes oranges affichées par les sympathisants de Philippot, beaucoup de thèses et de références confuses amenant à des réseaux structurés par l’extrême-droite, et de nombreux slogans en lien avec la défense des libertés fondamentales. Arrivés gare Saint-Roch, les manifestants se lancent dans un blocage symbolique d’une des entrées du bâtiment, pour quelques minutes.
Retour sur la Comédie, puis esplanade Charles de Gaulle, Corum, avant de tourner dans les petites rues de l’Ecusson pour un troisième et dernier passage sur la Comédie. Là, comme la semaine précédente, les manifestants investiront la terrasse du café du théâtre, chantant le “On est là” des gilets jaunes. Avec peut-être moins d’ardeur que la semaine précédente. Les appels à envahir une seconde terrasse ne seront pas suivis par suffisamment de personne. Cela suffit néanmoins à ramener plusieurs camions de police, hués par la foule. Elle n’interviendra pas, aucune interpellation n’est à déplorer cette semaine, même si certains montpelliérains montés à Paris pour l’appel national ont eux été embarqués.
Vers une société déchirée ?
Notons, à l’issue de l’occupation du café du théâtre, une dispute entre une manifestante et un client du bar. Elle aurait pu en venir à la violence physique sans intervention de la foule pour calmer le jeu. Loin d’y voir une banale anecdote, l’auteur de ces lignes y voit la manifestation d’un des aspects les plus inquiétants de la situation. Une division, radicale et virulente, s’opère entre non-vaccinés et vaccinés, grandement renforcée par les mesures liberticides du gouvernement. Entre des gens trop proches socialement pour que ça sente les jours heureux.
Crise de la vache folle induite par le fait qu’on ait pu nourrir des bovidés avec d’autres animaux réduits en poudres, huile de vidange retrouvée dans des mayonnaises de grandes surfaces… Nos sociétés capitalistes qui ne peuvent que courir derrière encore et toujours plus de profits pour quelques uns n’ont pas grand chose d’autre à nous offrir par ailleurs que des situations dramatiquement absurdes. Comment s’étonner, alors, que des dizaines de milliers de personnes perdent toute confiance envers les discours officiels, quelles que soient leurs prétentions scientifiques ?
Saluons l’effort de pragmatisme politique et social de certains syndicalistes contre l’obligation vaccinale, qui revendiquent le maintien de la totalité ou d’une partie du salaire des non-vaccinés qui seront suspendus après ce mercredi 15 septembre. Une mesure forte, de cohésion sociale, qui n’empêcherait pas certains d’être dans le mécontentement. Mais qui permettrait d’éviter qu’on s’habitue à considérer son voisin de palier soit comme un assassin en puissance, soit comme une personne prête à vous priver de toutes ressources.
Julien Servent
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