Montpellier : le mouvement anti-pass s’ouvre à de nouvelles perspectives

Le Poing Publié le 4 septembre 2021 à 23:08 (mis à jour le 5 septembre 2021 à 15:15)

Refus des parcours imposés, actions spontanées, extrême-droite hors-course, discours anticapitalistes plus audibles. Si les rangs dégrossissent légèrement, le mouvement montpelliérain contre le pass sanitaire ouvre de nouvelles brèches.

Malgré une petite baisse d’effectif, des milliers de personnes (7 000 selon la préfecture) se réunissent sur la Comédie contre le pass sanitaire ce samedi 4 septembre. Dès le départ, les prises de parole détonnent : Estelle, une oratrice régulière, appelle à rejoindre le CHU de Nîmes ce lundi 6 septembre à 10 heures pour soutenir les soignant·e·s en grève contre la suspension des non-vacciné·e·s. « On est moins nombreux, il faut faire des actions, ça ne sert à rien de défiler tous les samedis » nous confie-t-elle. Les propositions d’action ne manquent pas : recours juridiques auprès de diverses institutions, boycott des établissements demandant le pass, sit-in lundi prochain devant l’hôtel de la région pour « s’opposer aux vaccinodromes massifs dans les collèges et lycées ».
À noter que ce dispositif de vaccination relève de l’exception : cinq établissements seraient concernés dans l’Hérault. L’injection est soumise au consentement des parents pour les moins de 16 ans. La question de la vaccination des enfants revient sur de nombreuses lèvres et beaucoup affichent un discours clairement anti-vaccinal.

Une autre personne propose d’envahir les terrasses au motif qu’« on est chez nous, on est en France » (argument qui hérisse le poil de l’islamo-gauchiste qui écrit ces lignes, mais passons).
Depuis quelques temps à Montpellier, des apéros anti-pass se tiennent presque chaque soir. Ces « terrasses sauvages » sont ciblées par le groupe complotiste « Réinfocovid » tenu par le sulfureux Louis Fouché. La vingtaine de membres du cercle montpelliérain en profite pour répandre de fausses informations sur la pandémie.

Mais l’extrême-droite violente et organisée, elle, semble avoir disparu en même temps que le pseudo-leader fumeux Christophe Derouch, qui appartient désormais aux fantômes du passé. Les groupuscules conspirationnistes, tels que La Rose blanche, sont perdus dans la masse.

Une écoute attentive ponctue l’intervention d’un militant de l’Arme Révolutionnaire Marxiste, saluant « le courage des militants ouvriers et des gilets jaunes qui ont chassé les fascistes des manifestations », avant de lancer un appel à la création d’assemblées populaires et d’auto-organisation ouvrière. Dans la même veine anticapitaliste, un gilet jaune de Gignac lie crise sanitaire et lois de régressions sociales (assurance chômage, réformes des retraites), et s’indigne : « et pendant ce temps, Darmanin offre des voyages en train gratuit à la police ! » Applaudissements dans la foule. 

Après ces interventions, le cortège se met en route, en reprenant le « on est là » des gilets jaunes ou « ne touchez pas à nos enfants ». Face au Peyrou, les manifestants refusent le parcours imposé de la préfecture (direction Albert Ier), et partent vers le boulevard du Jeu de Paume. S’ensuivent quelques tours en centre-ville dans une ambiance joyeuse et festive.

Liesse populaire et nouveau schéma de maintien de l’ordre

De retour sur la Comédie, des manifestants restent sur la place, certains montent vers la préfecture et d’autres appellent à faire un sit-in devant le musée Fabre, qui exige lui aussi le pass. Le cortège continue de manière improvisée, sans trace de policiers. Jusqu’au moment où le peuple décide de déranger l’ordre établi et la quiétude des cafés bourgeois de la Comédie. Il aura fallu trois terrasses (MacDo compris) envahies en musique et en slogans par la joie des manifestants, heureux de se réapproprier un lieu confisqué par le pass, pour que les CRS dressent un cordon sur la place. Des primo-manifestants s’assoient et crient « la police avec nous ». Un ancien gilet jaune ironise : « ça, c’est parce qu’ils ne se sont pas encore fait gazer ». Mais le maintien de l’ordre n’est plus le même qu’à l’époque.

Un policier gradé, inconnu au bataillon, s’avance pour discuter avec les manifestants, d’un ton relativement tranquille et conciliant. Certains discutent avec lui, d’autres s’énervent. Puis le cordon de CRS pousse les quelques téméraires restant (quelques centaines s’évaporant au fur et à mesure) sur l’Esplanade, au milieu du marché aux livres anciens. Très vite, d’autres CRS viennent encadrer sur les côtés du cortège dans ce qui ressemble à une nasse, mais en laissant une voie de sortie. L’ambiance se tend.

Les LBD et lanceurs de grenades lacrymogènes sont absents de l’équipement des policiers, mais tous portent un bouclier et une matraque. Hugues Moutouh, préfet de l’Hérault depuis la mi-juillet, semble déterminé à appliquer sa doctrine selon laquelle il faut privilégier la « confrontation directe et immédiate ». Après trois arrestations, la manifestation sauvage se dissout. EDIT : les trois personnes interpellées sont sorties du commissariat à 10h30 ce dimanche matin.

Quelle rentrée sociale ?

En sortant du rituel hebdomadaire de la manifestation et en proposant d’autres actions, le mouvement ouvre des perspectives. Si des pistes tirent vers du social (soutien aux grévistes et blocage, même minime, de l’économie), les discours anti-vaccins, voire conspirationnistes, sont encore bien présents. Le mouvement anti-pass, qui a su soulever des masses en plein été, va-t-il se dissoudre avec la rentrée syndicale ou, au contraire, va-t-on assister à un choc prolifique de cultures sociales et politiques à même de rebattre les cartes ? Les négociations pour la réforme des retraites et de l’assurance chômage démarrent début octobre et les syndicats comptent bien s’y opposer. Les anti-pass vont-ils rejoindre ou transformer ces mobilisations ? Sur quelles bases ? Sociales ou antivax voire complotistes sauce nouvel ordre mondial ? À neuf mois des élections présentielles, tout reste possible, même le meilleur.

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