Montpellier : l’Autorité environnementale étrille le projet de la ZAC Cambacérès

Elian Barascud Publié le 30 novembre 2024 à 17:23
La future Halle Nova du quartier Cambacérès, à Montpellier.- ©SERM

Dans un rapport paru le 21 novembre dernier au sujet du nouveau quartier en construction près de la gare Sud de France, l’Autorité environnementale (Ae) dénonce le fait que le dossier d’étude d’impact présenté par la Métropole de Montpellier n’a pas tenu compte des avis donnés précédemment par le gendarme de l’environnement, et que l’étude d’impact présentée est incomplète, donc à revoir

A écouter Michaël Delafosse maire de Montpellier, il s’agit du “futur poumon économique” de la métropole. Situé entre l’autoroute l’A709 et l’A9, non loin de la gare Sud de France, le nouveau quartier Cambacérès se construit depuis 2013, avec comme objectif de développer l’économie du numérique à Montpellier. La Métropole a désigné la société d’aménagement de Montpellier Méditerranée Métropole (SA3M) comme concessionnaire du projet urbain global d’environ 350 ha pour une durée de 25 ans, soit jusqu’en 2038.

On y retrouvera essentiellement des entreprises avec une “halle de l’innovation” pour les start-up de la “french tech” (dont la première pierre a été posée par Philippe Saurel, ancien maire de Montpellier, en décembre 2019), une “folie architecturale” pour le siège crédit agricole, un hôtel… De plus, le quartier est censé accueillir 5 000 étudiants, avec l’école numérique Ynov (déjà présente sur la ZAC) et du futur campus MBS-CCI (Montpellier Business School / Chambre du Commerce et de l’Industrie, qui y installera son siège) et le CFA Purple Campus. ils seront achevés pour la rentrée 2026, moyennant un investissement de 107 millions d’euros.

Des avis et recommandations non respectés

Mais voilà, comme dans tous les projets de cet envergure, le gestionnaire doit rendre des comptes à l’Autorité environnementale (Ae), autorité indépendante compétente pour évaluer les projets ayant un impact sur l’environnement, et ce, pour mesurer l’impact des travaux sur la santé des populations (bruit et qualité de l’air), les émissions de gaz à effet de serre, l’imperméabilisation des sols, le régime des eaux, les paysages et la biodiversité. Laquelle, après avoir été saisie en septembre 2024 par la Métropole de Montpellier, a rendu un avis au vitriol le 21 novembre dernier.

La majorité du rapport se concentre sur l’actualisation de l’étude d’impact datant du début du projet, en 2013. Et pour l’Autorité environnementale, cette actualisation n’a pas été faite correctement. “Au surplus, l’actualisation est marquée par des erreurs méthodologiques et des insuffisances majeures […] L’Ae recommande donc de procéder à une révision complète du dossier pour constituer une actualisation de l’étude d’impact du projet intégrant l’ensemble des opérations le constituant, qui permette au public, aux autorités compétentes et aux maîtres d’ouvrage des différentes opérations constituant le projet de disposer d’une information à jour et complète sur l’évaluation des incidences du projet, de leurs mesures d’évitement, de réduction et de compensation.

En effet, l’Ae avait demandé une actualisation de l’étude d’impact de 2013 concernant la pollution des sols, des eaux, les risques d’inondations, les risques de matières dangereuses, des émissions de gaz a effet de serre et de la biodiversité, mais la SA3M et la Métropole n’ont pas tenu compte de tous ces éléments. Par exemple, l’Autorité Environnementale déplore le fait que les permis de construire obtenus n’ont pas été recensés (page 9 du rapport).

Pire, les avis et recommandations de l’Autorité environnementale n’ont pas été entendus. C’est écrit noir sur blanc, page 7 : “L’étude d’impact […] ne répond pas aux nombreux avis et décisions de l’Ae précités dont le maître d’ouvrage n’a pas tenu compte.” Par exemple, l’Ae avait demandé des précisions sur l’extension de la ligne 1 de tramway, qui permettrait de desservir la ZAC, mais le document n’a pas été rempli. De même que la construction des campus auraient du faire l’objet d’évaluations environnementales, mais les chantiers ont été engagés sans saisine de l’Ae, selon le rapport.

Un dossier à revoir

Parmi les éléments à revoir afin de représenter un dossier complet, il y a la question des aménagements projetés, qui demeurent flous selon le rapport. L’Autorité environnementale souligne que les documents présentés par la Métropole “n’apportent aucune précision sur la répartition de bâtiments de bureaux, d’enseignement et de logement, ni sur leur hauteur”, voire qu’ils présentent des éléments contradictoires. En effet, “les cartes du dossier présentant l’évolution du projet sont floues, incorrectement titrées et non légendées. […] L’avenir du gymnase Spinosi et du stade n’est pas évoqué : la construction de nouveaux bâtiments y apparait prévue sur certaines cartes du dossier, tandis que le maintien des équipements sportifs est indiqué sur d’autres.

Le rapport note également que contrairement à l’étude d’impact de 2013, sa mise à jour n’évoque pas le plan d’exposition au bruit de l’aéroport de Montpellier-Méditerranée. L’Ae demande donc de le rajouter en réalisant de nouvelles mesures acoustiques. Mais surtout, le document constate que le dossier présenté par la Métropole de Montpellier ne présente aucun dispositif de de suivi des mesures ERC (évitement, réduction et compensation) pour contrôler les effets négatifs de cette urbanisation.

Enfin, sur l’étude de la qualité de l’air (pages 23 et 24), le diagnostic est là encore sévère : “Concernant les concentrations en polluants dans l’aire d’étude, les valeurs modélisées pour la situation actuelle ne sont pas rapprochées des valeurs effectivement mesurées. L’étude fait l’hypothèse d’une pollution de fond constante aux horizons 2038 et 2058. Ces choix ne sont pas justifiés et la part de cette pollution de fond dans les concentrations locales n’est pas non plus précisée. […] Par ailleurs, les décisions et avis de l’Ae relatifs aux projets sur cette zone pointaient tous l’enjeu sanitaire lié au développement prévu de populations fortement exposées à la pollution de l’air. À titre d’exemple, l’avis de l’Ae sur l’extension de la ligne 1 du tramway jugeait l’évaluation des risques sanitaires insuffisamment détaillée et recommandait de procéder à une nouvelle évaluation, en quantifiant notamment les mesures ERC des risques sanitaires, notamment cancérigènes.”

Bref, le “futur poumon économique de Montpellier” se construirait-il au détriment de nos propres bronches ?




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