Montpellier : nouvelle mobilisation des kurdes qui exigent protection et vérité sur l’attentat du 23 décembre

Le Poing Publié le 26 décembre 2022 à 21:50 (mis à jour le 26 décembre 2022 à 22:05)
Une centaine de personnes ont à nouveau manifester dans les rues de Montpellier ce lundi 26 décembre, après l'attentat du 23 décembre qui a coûté la vie à trois militants de la communauté kurde. En tête de cortège, les visages des défunts, pour un hommage revendicatif.

Après l’attentat du 23 décembre, une centaine de kurdes se sont à nouveau retrouvés sur la place de la Comédie de Montpellier ce lundi 26 décembre, avec le soutien de quelques organisations de la gauche française, avant d’entamer une petite manifestation jusqu’à la préfecture.

La communauté kurde en France est en ébullition depuis le terrible attentat de la rue Enghien à Paris. Le 23 décembre, trois militants kurdes étaient tués et d’autres blessés dans un centre culturel du 10ème arrondissement de Paris. Depuis, les mobilisations s’enchaînent.

Comme le 23 au soir, une centaine de kurdes se sont retrouvés sur la place de la Comédie de Montpellier ce lundi 26 décembre, avec la présence de quelques organisations de la gauche française, comme le NPA et le PCF, avant d’entamer une petite manifestation jusqu’à la préfecture. Encadrés cette fois-ci par trois fourgons de police, en lieu et place de la petite voiture habituée à servir d’escorte aux manifs montpelliéraines de la gauche kurde.

C’est que la situation est particulièrement tendue. Alors que les autorités privilégient la piste d’une tuerie raciste sans commanditaire, la communauté kurde voit dans l’attentat du 23 décembre une possible attaque des services secrets turcs, alors que des offensives meurtrières sont lancées depuis des mois contre le Kurdistan par l’armée du président turc Recep Tayip Erdogan.

Un tract du Congrès National du Kurdistan, organisation de la diaspora kurde en Belgique, distribué place de la Comédie ce 26 décembre, développait les considérations suivantes : « Nous sommes préoccupés par les premières déclarations des responsables français qui classent l’attaque comme un acte individuel de violence à motivation raciale. Le fait que les trois cibles étaient kurdes montrent qu’il s’agit d’une attaque organisée et politiquement motivée. Comment l’assaillant a-t-il su qu’il y avait une réunion à l’heure exacte de l’attaque ? Qui l’a transporté sur le lieu de l’attaque ? [NDLR : le journal l’Humanité déclare avoir des témoignages attestant que le tireur aurait été déposé sur les lieux en voiture.] Le suspect aurait-il pu être radicalisé et recruté par des agents turcs en prison ? Tous ces éléments nous amènent à penser que cet attentat à été organisé par l’État turc. Nous exhortons le gouvernement français à assurer une enquête approfondie sur les circonstances de cet incident, car il ne s’agit pas seulement d’une agression contre le peuple kurde, mais contre tous les peuples d’Europe et sa démocratie. »

Les kurdes demandent donc à ce que le Parquet National Anti-Terroriste soit saisi dans l’affaire du 23 décembre, pour que l’enquête ait plus de moyens d’être approfondie. La défiance de la communauté kurde envers les autorités françaises a de profondes racines. En janvier 2013, trois autres militantes kurdes étaient assassinées dans les rues de Paris. Si le tireur présumé à été interpellé, il est mort en détention provisoire avant son procès. L’enquête fait mention d’une implication de certains membres des services secrets turcs, mais la juge d’instruction en charge du dossier n’a pas encore réussie à obtenir la levée du secret défense pour poursuivre son travail, dans un contexte de coopération marquée entre les services secrets français et turcs.

Plusieurs slogans ont été entendus dans la manif montpelliéraine de ce 26 décembre : « Erdogan terroriste », « A bas Etat fasciste en Turquie », « Femmes, vie, liberté » (slogan kurde devenu mondialement célèbre à la faveur du soulèvement populaire en Iran), « solution politique pour le Kurdistan » ou encore « Partout résistance, partout Kurdistan ».

Dans le cortège, recueillement et colère se succèdent, alors que les participants estiment qu’il est du devoir moral des autorités françaises de protéger les kurdes et de mener jusqu’au bout les enquêtes sur les attentats de 2022 et de 2013. Comme est venu le rappeler un tribun au micro, sur les marches de l’Opéra Comédie :« Lorsque l’inhumain ISIS [NDLR : Daesh]a attaqué Paris et d’autres villes européennes, les hommes et les femmes kurdes des YPG et YPJ ont mené le combat et ont sacrifié plus de 12 000 vies dans la défaite finale du califat. Nous appelons les peuples d’Europe à défendre le droit à la vie et à la liberté du peuple kurde, où qu’il soit. »

Comme chaque année, les organisations de gauche de la diaspora kurde en France appellent avec de nombreuses formations politiques françaises et des syndicats à un rassemblement à Paris le 7 janvier, 11h gare du Nord, pour commémorer l’assassinat des trois militantes kurdes en janvier 2013, et demander à ce que l’État donne les moyens à l’enquête d’avancer. Ce rassemblement, organisé un samedi pour permettre plus facilement aux volontaires de faire le déplacement, et qui connaîtra certainement des répliques en région, aura donc cette année une signification toute particulière. 

Pour plus de détails sur les attentats du 23 décembre et de janvier 2013, ainsi que sur la mobilisation des kurdes ces derniers jours, lire cet article ou celui-ci.

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10 ans après un 1er attentat, et peu après celui de la rue d'Enghien, manif des kurdes à Paris le 7 janvier