Montpellier : un millier de manifestant.es pour la Palestine, les désaccords ressurgissent

Le Poing Publié le 9 juin 2024 à 10:01 (mis à jour le 9 juin 2024 à 21:02)

Un millier de personnes ont manifesté ce samedi 8 juin dans les rues de Montpellier en soutien au peuple palestinien, alors que se prépare la contestation de la Journée de Jérusalem, organisée tous les ans à Montpellier.

Le rassemblement a commencé dès 15h sur la place de la Comédie, comme d’habitude par des prises de parole.

La séance s’est ouverte sur une intervention de Valérie Cabanes, militante de l’Union des Juifs Français pour la Paix (UJFP), un collectif de juifs antisionistes. La militante, qui avait laissé un texte qui aura été lu par quelqu’un d’autre après une absence pour blessure, est revenue sur l’utilisation de l’antisémitisme contre le mouvement antisioniste. En faisant remonter le procédé jusqu’en 2014 : « À l’époque c’est la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) [NDLR : elle aussi partie prenante des mobilisations pro-palestiniennes ] qui de manière assez surprenante avait intenté un procès à des militants.es BDS de Montpellier, pour une maladresse de publication sur les réseaux sociaux [NDLR : le comité BDS local avait en plein bombardements israéliens sur Gaza publié sur sa page Facebook une image comparant l’armée israélienne et l’armée nazie, accompagnée d’un texte stipulant que «les nazis et les sionistes sont les deux revers de la même médaille», et que «ce que faisait Hitler aux Juifs était fait exprès pour que le monde sympathise avec eux et leur donne tous les droits». Le collectif BDS s’est défendu en plaidant la négligence quant à la légende de l’image partagée. Les deux militant.es concerné.es ont finalement été relaxés en appel, après une condamnation en première instance]. Aujourd’hui on voit que ce type d’argument est repris très largement. Ça suffit de se servir de l’antisémitisme comme arme contre les anti-sionistes. En faisant ça, l’État français et les soutiens d’Israël, parmi lesquels on compte dans la région les politicien.nes PS Delafosse, Bourgi et Delga entretiennent l’antisémitisme. »

Puis, s’adressant aux trois édiles « socialistes » : « Vous commencez tout juste à demander un cessez-le-feu. Quand aurez-vous le courage de hisser le drapeau palestinien sur les frontons des bâtiments du pouvoir local ? Quand aurez-vous le courage de mettre fin à la Journée de Jérusalem et au jumelage de Montpellier avec la ville israélienne de Tibériade ? Vous êtes des collaborateurs du fascisme israélien. Cet État qui n’a jamais respecté les accords avec l’Autorité Palestinienne, est en train de commettre un génocide et ne respecte pas le droit international. » Le procès intenté au militant BDS José Luis suite à la plainte du sénateur Bourgi est d’ailleurs reporté au jeudi 5 septembre, à 14h au Tribunal Judiciaire de Montpellier.

L’association Wheels of Justice, qui propose des défilés pour la Palestine en vélo, est intervenue pour rappeler ses origines : « Pendant la marche du retour qui a duré plus d’un an entre 2018 et 2019, des milliers de palestiniens ont été blessés par des snipers de l’armée israélienne, certains ont du être amputés. Parmi eux il y avait des cyclistes, c’est là que sont nés les Gaza Sunbirds, une équipe de para cyclistes palestiniens, que nous voulons soutenir dans cette nouvelle épreuve. »

Plusieurs militant.es du collectif BDS sont ensuite intervenus, se répartissant la parole : « Hier on s’est rendus avec le Comité universitaire de soutien à la Palestine à une réunion publique donnée par le maire de Montpellier Michaël Delafosse. Quand on lui a demandé pourquoi il continuait à soutenir le Journée de Jérusalem, la seule du genre en Europe, qui porte des revendications contraires au droit international, surtout dans le contexte actuel, il a préféré ne pas répondre. On vous appelle à venir lutter en masse avec nous contre cette journée, les 22 et 23 juin. On doit faire en sorte que cette journée ne se déroule pas normalement. »

Les membres de BDS sont ensuite revenus sur les atrocités de ces derniers jours en Palestine : « Le 6 juin, 35 personnes ont été tuées dans une attaque d’une école de l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugié.es. L’État d’Israël vient d’être placé par l’ONU sur la liste de la honte, celle des pays qui portent atteinte aux droits des enfants dans les conflits armés. »

Une autre membre de BDS est ensuite venue au micro : « Nous devons expliquer ce qu’est BDS. Sur le site de notre campagne nous avons la liste de toutes les entreprises que nous appelons à boycotter pour leur soutien à l’apartheid israélien. Depuis le 7 octobre nous avons fait pas moins de quatorze actions dans les trois grands magasins Carrefour autour de Montpellier. La campagne BDS est importante car elle est une demande de la société civile palestinienne, à travers la plus grande coalition de son histoire. Elle pose trois conditions comme nécessaires à la résolution de la question palestinienne : la fin de l’occupation et de la colonisation de tous les territoires arabes, le droit au retour de tous les réfugiés dans leur maison et sur leur terre, et l’égalité absolue pour les citoyens arabo-palestiniens vivant en Israël. Nous devons dire que Netanyahou n’est pas le seul responsable du génocide. Dire cela c’est légitimer la politique coloniale d’Israël. De même, nous ne sommes pas pour la reconnaissance d’un État palestinien. La reconnaissance d’un État palestinien normalise l’État colonial israélien installé sur les terres historiquement palestiniennes. Ce qu’il faut reconnaître c’est la légitimité de la résistance palestinienne. Il est primordial de suivre la voix du peuple palestinien. [NDLR : il est difficile de savoir quelle est réellement la position de la société civile palestinienne sur la résolution politique de la question palestinienne. Le Hamas, qui milite pour un État unique, a certes gagné les dernières élections dans la bande de Gaza. (Rappelons que Macron a gagné les dernières élections sans adhésion à populaire à son projet de réforme des retraites.) Mais celles-ci ont eu lieu en 2006, depuis la victoire du Hamas aucune élection n’a été réorganisée. De nombreuses sources font état d’une importante coercition exercée par le Hamas sur les dissidences. Une étude publiée par l’institut de sondage américain Gallup en 2012 aboutit au résultats suivants : 85% des citoyens israéliens non-juifs, 52% des juifs israéliens, 70% des palestiniens de Cisjordanie et 48% des palestiniens de Gaza favorables à la solution à deux États ; 73% des juifs israéliens, 82% des israéliens non-juifs, 73% des palestiniens de Cisjordanie et 58% des palestiniens de Gaza rejetant l’idée d’une efficacité des conflits armés et des solutions militaires, opposés aux négociations et aux formes de résistance non-violentes, pour ce qui est de l’auto-détermination et de la sécurité de leur peuple. Aïda Touma-Sliman, députée communiste arabe à la Knesset, l’Assemblée Nationale israélienne, sanctionnée pour son opposition à la guerre, devenue selon elle depuis le 7 octobre sujet d’une véritable hystérisation de la société, privilégie la solution à deux États. On connaît la distance avec laquelle les sondages doivent être pris. Précisons aussi que les USA sont tout sauf neutres dans le conflit israélo-palestinien. Mais ces données doivent à minima mettre en question l’affirmation selon laquelle le peuple palestinien voudrait majoritairement un État unique, de la mer au Jourdain. Ajoutons enfin qu’un État unique n’inclut pas forcément une volonté de négation du peuple juif, et peut tout à fait s’entendre comme une demande d’égalité des droits dans un État commun, bien qu’il soit normal que la question inquiète, la plupart des factions de la résistance armée palestinienne ayant régulièrement utilisé l’attentat indiscriminé, parfois dans des synagogues par exemple pour les courants non laïques, comme méthode de lutte. Un argumentaire en défaveur de la solution à deux États est disponible dans cet article du Monde Diplomatique.]

La manifestation s’est ensuite élancée sur son parcours le plus classique, vers la gare Saint-Roch, pour ensuite rejoindre Plan Cabanes et revenir sur la Comédie via le faubourg du Courreau et la rue Saint-Guilhem.

Sur sa route, de nombreuses enseignes ont été désignées comme cible de boycott pour leurs partenariats avec un État d’Israël qui pratique le génocide, l’apartheid et ne respecte pas le droit international. Parmi elles, les franchises Carrefour et Mac Donald’s.

De retour place de la Comédie, une seconde cession de prises de parole a eu lieu. L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) a commencé par se plaindre de ne pas avoir eu la parole en début de manifestation comme prévu. Avant de se lancer dans un réquisitoire pour la reconnaissance de l’État palestinien et contre la colonisation qui se poursuit en Cisjordanie.

« La mobilisation porte ses fruits et de premiers résultats sont visibles », s’est réjouit une représentante de l’association. « À la suite de la campagne de Stop Arming Israël et de sept autres associations dont l’AFPS, la présence de plus de 70 entreprises israéliennes au Salon de l’Armement Eurosatory a été annulée. Nous tenons aussi à réaffirmer notre opposition à la Journée de Jérusalem. »

En plus de la mobilisation à venir contre la Journée de Jérusalem les 22 et 23 juin, d’autres initiatives sont déjà prévues. Dimanche 9 juin aura lieu une projection et une discussion autour du film « Le Char et l’olivier. Une autre histoire de la Palestine », animée par l’Association France Palestine Solidarité 34. Ce sera au cinéma Utopia, 5 avenue du Docteur Pezet.

Le 13 juin aura lieu une projection débat autour du film « Mémoire de Palestine. Témoignage de Leïla Shahid » de Serge Le Péron, à partir de 18h30 au local associatif La Grève de Frontignan, 19bis boulevard Victor Hugo.

Le collectif Action Justice Climat organise aussi deux événements courant juin sur les liens entre l’écologie et la lutte du peuple palestinien. Le vendredi 14 juin José Luis Moraguès, militant de la cause palestinienne membre du comité Boycott Désinvestisssements Sanctions 34, sera invité au local associatif La Base, 15 rue Chaptal. Et le 27 juin, toujours à La Base, ce sera au tour de deux militant.es du comité universitaire de soutien à la Palestine et de Brigitte Challande, journaliste et militante montpelliéraine qui réalise depuis le début des attaques israéliennes des chroniques en lien avec plusieurs civils Gazaouis, publiées sur les sites d’Altermidi et d’ISM France, plus ponctuellement sur l’Agora du Poing. Cette dernière reviendra sur un projet en agro-écologie mené sur place, aujourd’hui menacé par les bombardements, via son lien avec Abu Amir. Les deux événements commenceront à 19h, avec un accueil dès 18h30, une entrée libre et gratuite et des consommations possibles au bar sur adhésion à prix libre à l’association qui gère le lieu.

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