Montpellier : une coordination des luttes gonflée à bloc

Le Poing Publié le 25 janvier 2020 à 19:32 (mis à jour le 25 janvier 2020 à 19:35)

Une belle représentation de tout un tas de secteurs. Et plein de moyens d’actions nouveaux en perspective

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Ce sont des choses qui arrivent : finir un vendredi de janvier pluvieux, le moral dans les chaussettes, non sans avoir sacrifié au rituel de la manif syndical au scénario immuable, face à un pouvoir raidi dans son mutisme inébranlable. Ce sont des choses qui arrivent : avoir le réflexe de partir en réunion, sortir de l’isolement, surtout échanger, et en revenir avec les batteries complètement rechargées.

Là, on n’est pas en train de parler de séance de développement personnel, mais de la quatrième “rencontre inter-professionnelle” dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites. Un petit flyer discret avait été distribué dans la manif du matin, pour l’annoncer. Juste cette indication : « Elle est ouverte à toute personne mobilisée ou qui désire se mobiliser contre la casse des retraites, quelque soit son statut ». Difficile de faire plus ouvert.

On se souvient de l’avoir évoqué avec des tenants de la convergence pure et dure – ceux qui, en définitive, ne font que rajouter un carré jaune, en complément des carrés F.O., C.GT., U.N.S.A., etc, au milieu des manifs, sans qu’on perçoive en quoi cela giletjaunise quoique ce soit sur le fond. Bref, ces convergents nous avaient renvoyé dans les cordes : « non mais c’est pas des féministes et des écolos qui vont décider sérieusement de quoi que ce soit dans cette lutte ». Et encore : « c’est pas demain la veille que des syndicalistes vont aller se réunir dans un squatt ».

Hé bien, tout faux : à 18 heures tapantes, une grosse cinquantaine de personnes garnissent la plus grande pièce du Casa del Sol. Qui ça ? Un cheminot CGT, une chargée du social départemental tout aussi CGT, un chercheur du CNRS, une intermittente du spectacle, une syndicaliste de la santé, une gréviste de la Poste, pas mal d’enseignants (c’est leur propre AG qui est à l’initiative de cette autre coordination plus large). Et même une responsable du Syndicat des avocats de France, fort en verve. Des individuels aussi, retraités hyper disponibles, gilets jaunes, étudiants bien entendu, et puis les hors secteurs qui font aussi la vie, hors catégories.

Apparemment personne n’a peur des lieux, et pas plus de son.sa voisin.e. Premier effet : l’échange d’infos. C’est extrêmement précieux. Pas facile de savoir exactement où on en est ici ou là. Cette revue de détail des niveaux de mobilisation n’est pas trop brillante. Pourtant, il y a un super motif de satisfaction, qui requinque tout le monde : la réussite du blocage des épreuves du baccalauréat Blanquer, la veille au matin au Lycée Jules Guesde. Le Poing a rendu compte de cette action où ont convergé enseignant.e.s de l’établissement, parents d’élèves, lycéen.nes, non sans renfort numérique précieux de gens en lutte par ailleurs.

Bien vite, l’idée s’établit que le combat contre la réforme des retraites, plus largement contre Macron et son monde est tout sauf terminé. Que ça va même durer longtemps. Et prendre de formes qu’on sait pas encore. L’opération Jules Guesde en est un module (voire modèle, pour certain.e.s). On n’entend rien d’anti-syndical par principe. Compte-rendu est donné de la réunion inter-syndicale (les instances) d’après-manif. Tout le calendrier prévu est adopté par les présents : manif classique mercredi, manif aux flambeaux jeudi – mais partant de la CPAM, pour commencer à s’inquiéter du sort de la Sécu. Egalement une journée Finie la Comédie, en présence statique informative ; l’imagination des intermittents du spectacle y est chaleureusement attendue.

Puis s’égraine une kyrielle d’autres rendez-vous possibles, souhaités, certains adoptés. On s’abstiendra d’en livrer ici un calendrier précis que les forces de répression se réjouiraient de consulter. Les lieux symboliques abondent, les instances de pouvoir paradent, les occasions s’enchaînent, qui éveillent la démangeaison d’y aller faire un tour pour rappeler de quel bois se chauffe la vie réelle. Sur ce ton – d’échanges néanmoins très tranquilles et pleins d’écoute – on remarque que la convergence avec les Gilets jaunes passe du rayon de la mythologie à celui de l’évidence immédiatement concrète de se retrouver sur la Comédie le samedi (non sans quelques bonnes idées d’action). C’est pas compliqué.

Certes, comme souvent dans pareil cadre, selon une certaine tradition militante, doublée d’un rien de fièvre spontanéiste, on peut douter un brin de l’efficacité organisationnelle sur telle ou telle initiative. Mais bon, le succès de Jules Guesde démontre qu’on y arrive. Une militante de l’action non-violente et désobéissance civile inscrit une formation d’une journée sur les agendas : « nous avons ces outils, ils sont efficaces quand nous les utilisons. En même temps, on les impose à personne. Il y a d’autres moyens d’action tout aussi légitimes ».

Au demeurant, pour conclure la semaine qui s’ouvre, le samedi 1er février sera jour d’appel national des Gilets jaunes à Montpellier. Difficile d’ignorer le degré de violence policière que ce genre de rendez-vous déchaîne.

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