“Nos vies en pause” : des stagiaires privés de formation après des coupes budgétaires de la Région

16 personnes, qui devaient commencer une formation de Technicien de spectacle vivant prise en charge par la Région le 17 février à Villeneuve-Les-Maguelone, près de Montpellier, ont vu leur cursus annulé pour cause de coupes budgétaires dans le secteur. Aujourd’hui dans la précarité, ils dénoncent une “situation qui sacrifie nos futurs métiers”
Ils s’appellent Quentin, Uriell, Emma ou Michaël et ont entre 20 et 35 ans. Le 17 février, ils étaient censés commencer une formation prise en charge par la Région Occitanie pour devenir technicien de spectacle vivant, à Villeneuve-les-Maguelone, près de Montpellier, pour une durée de dix mois. Celle-ci n’aura finalement pas lieu pour cause de coupes budgétaires dans la formation du secteur culturel. “Quand on a passé les entretiens de sélection en janvier, l’organisme de formation n’avait pas encore reçu le bon de commande de la Région pour financer la formation”, raconte Uriell, l’une des stagiaires laissée sur le carreau.
Car la formation professionnelle est une compétence de la région, à qui l’État alloue un budget pour les dispenser. La collectivité passe ensuite des marchés publics auxquels répondent les centres de formations, qui se voient accorder des bons de commande. “La rentrée a d’abord été repoussée au 3 mars, mais nous avons appris le 26 février que la formation ne serait pas prise en charge. Puis, le 7 mars, on nous a dit que seulement cinq places seraient financées, soit moins d’un tiers. L’organisme ne peut pas rentrer dans ses frais pour payer ses intervenants, donc il n’y aura pas de formation”, détaille Uriell.
Des situations précaires
Cette décision plonge les stagiaires, qui, comme Uriell, avaient “mis leur vies en pause”, dans une profonde précarité : “J’ai démissionné de mon CDI de vendeuse dans un magasin de vêtements pour faire des stages non-réumunérés afin d’être sélectionnée à cette formation, et je comptais sur l’indemnisation de 700 euros par mois pendant le cursus pour m’en sortir. Là, je me retrouve sans chômage et sans ressources”, décrit la jeune femme.
Eitel, 20 ans, a carrément déménagé de Paris en utilisant ses économies pour suivre cette formation. Le voilà donc sans emploi, avec un prêt étudiant à rembourser. Blue, 28 ans, en reconversion professionnelle, avait entamé un déménagement depuis Rennes et a payé un mois de loyer à Montpellier avant d’apprendre que son cursus n’aurait pas lieu.
Ils ont écrit aux élus de la Région et aux députés pour faire connaître leur situation, et envisagent aujourd’hui de se mobiliser en se regroupant avec d’autres stagiaires touchés par les coupes budgétaires de la Région, ainsi qu’avec les intermittents du spectacles en lutte contre les coupes budgétaires annoncées par le Département de l’Hérault.
Du côté de leur centre de formation aussi, la situation est suspendue à de potentielles annonces de la région, comme l’explique Cyril Klein, responsable pédagogique de la structure : “On attend toujours des nouvelles concernant des bons de commande. Pour nous, cette formation, c’est la moitié de notre budget annuel, l’annuler veut dire licencier une personne et en mettre cinq au chômage partiel. Pour certains de nos intervenants, cela correspond à 40% de leur heures de travail sur une année. On a très peu d’espoirs de rester en vie à la fin 2025.”
Tout un secteur concerné
Fin février, c’était des comédiens privés de formation qui s’étaient mobilisés pour manifester devant le Conseil régional à Toulouse pour protester contre la suspension de leur cursus. Car ce serait tout le secteur culturel d’Occitanie qui serait aujourd’hui concerné par ces coupes budgétaires. “On nous a annoncé que la région partait sur 1/5e du budget prévu pour les formations” déplorait un membre de la CGT spectacle dans les colonnes de France 3 Régions, le 4 mars dernier.
Pour la collectivité, rien ne serait figé. Dans un communiqué, celle-ci écrit : “Des négociations sont en cours entre la Région et l’État sur la clôture du précédent PIC 2019-2023. Si elles venaient à pénaliser financièrement la Région dans un contexte budgétaire déjà difficile, la région n’aurait d’autre choix que de suspendre son implication dans cette politique nationale… Dans l’attente de l’issue des négociations et face à l’urgence de la situation pour certains organismes, la Région a débloqué début de semaine dernière, un premier financement de 14 millions d’euros, sans contribution de la part de l’État. Plusieurs centaines de formations, comme celles liées à l’audiovisuel et au cinéma, à l’agriculture, à l’aide à la personne ou à l’accompagnement des personnes discriminés vers l’emploi, ont ainsi pu être financées au bénéfice de milliers de personnes, en donnant la priorité aux les jeunes sans diplôme ni qualification et aux personnes éloignées de l’emploi.” Le reste serait en discussion avec l’État.
“Cela donne l’impression qu’on essaye de monter l’audio-visuel contre le spectacle vivant et qu’on sacrifie nos futurs métiers”, réagit Uriell, dépitée.
Contactée, la Région n’a pas répondu à nos sollicitations.
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