Retraites : la mobilisation montpelliéraine sur la tangente
Alors que le samedi 11 février avait été un franc succès dans les rues de Montpellier, la nouvelle manifestation organisée dans le Clapas contre la réforme des retraites, toujours relativement massive, n’a pas autant rassemblé. Un écho à une intersyndicale locale plutôt fatiguée. Quel avenir pour la mobilisation en cours dans la région, entre grèves reconductibles qui s’amorcent, difficultés du cadre intersyndical et nouvelles initiatives ?
La nouvelle manifestation montpelliéraine de ce samedi 11 mars contre la réforme des retraites n’aura pas fait le plein. Pas autant que les précédentes du moins. Dès le départ, la relative baisse de fréquentation se fait sentir : les manifestants mettent un moment à se rassembler sur les berges du Lez. Reste une foule pas si mince que ça, au moment du départ : entre 15 et 25 000 personnes auront défilé dans et autour du centre de Montpellier.
Dans le cortège, les étudiant.e.s, qui avaient eux fait le plein sur la précédente manif du 7 mars, avec des rangs cette fois-ci plus clairsemés. Symptôme du samedi, le 11 février n’avait pas non plus vu la plus forte mobilisation étudiante sur la ville ? Ou du déblocage (temporaire, les hostilités sont censées reprendre dès la prochaine mobilisation interpro) de la fac de lettres Paul Valéry, paralysée pour les journées du 8 et 9 mars ? Les travailleurs sociaux eux semblent plutôt sur la pente ascendante dans leur cortège, emmené par les banderoles du caasos, après une AG tenue le 7 mars au soir qui aura rassemblé une centaine de personnes. Succès intéressant dans un secteur jugé traditionnellement difficile à mobiliser, à contre-courant d’une dynamique d’anémie relative des assemblées générales.
Cette baisse du nombre de manifestants fait écho aux chiffres nationaux, déjà tombés : 368 000 personnes en France selon le ministère de l’Intérieur, plus d’un million selon la CGT.
Écho aussi avec l’affaiblissement de l’intersyndicale locale, qui semble accuser le coup, s’épuiser, manquer de bras. Premier symptôme de la chose : la faiblesse du nombre d’actions menées en interpro, voire d’action menée tout cours, en comparaison à la plupart des petites et grandes villes de France, qui ont vu le 7 et le 11 mars fleurir un nombre conséquent de blocages de zones industrielles, occupations de ronds-points, ou interruption des flux de circulation.
La situation est pour le moins ambiguë : quatre jours après une des plus grosses mobilisations de rue de ces dernières décennies, quelques années à peine après une des plus grosses explosions sociales de l’histoire française, les assemblées générales, lieu d’organisation traditionnel du mouvement social, ne font pas le plein, que ce soit au niveau local ou national. Signe d’un nécessaire renouvellement des pratiques de lutte, ou tout simplement d’une difficulté pour le mouvement social à s’ancrer dans le quotidien, à l’heure où une inflation galopante peut rendre ardue la mobilisation par la grève ? Contexte montpelliérain mis à part, les actions de blocage de l’économie se sont effectivement multipliées ces derniers jours sur l’ensemble du territoire. Chose peu habituelle dans le cadre de mouvements sociaux traditionnels. Avec des signes sûres d’inspirations, du côté de ce qui a pu se faire ces dernières années : nombre de points de blocages, notamment de ronds-points, investis par les intersyndicales sont des lieux forts de la lutte des gilets jaunes à l’hiver 2018, comme le rond-point de la Méridienne à Béziers. Ces blocages se font sur le mode syndical par contre : quelques heures de présence, avant levée des actions.
Niveau grèves, même ambiguïtés : sur Montpellier, comme ailleurs, les assemblées de secteur ne font pas le plein, à l’exception de celle des travailleurs sociaux, ou sont même inexistantes, comme au CHU de Montpellier. Les taux de grévistes, en dehors des journées de mobilisation interprofessionnelles, restent faibles dans l’éducation nationale malgré une reconduction par l’AG. Chez les cheminots, malgré des AG plus faibles qu’à l’accoutumée, les taux de grévistes lancés dans la reconductible restent tout à fait honorable, avec de fortes perturbations sur le réseau de trains. La TAM n’aura pas réitéré son coup de force du 19 janvier, quand plus aucun tram ne circulait en ville. D’un autre côté, dans certaines entreprises importantes du privé, comme chez les éboueurs de Nicollin, plus habitués des mouvements corporatistes, la grève prend, mêlant au rejet de la réforme des retraites des revendications sur des hausses de salaires et de primes.
Alors, quel avenir pour cette mobilisation sociale ? Quelques initiatives pourraient redynamiser le mouvement montpelliérain. Une assemblée interpro, indépendante des bureaucraties syndicales, doit se tenir ce lundi 13 à l’université Paul Valéry, à 18h30 dans la salle E010. Les étudiant.e.s de la ville, dont la mobilisation, sans être de l’ordre du raz-de-marée, reste sur une pente plutôt ascendante, prévoient une manif sauvage ouverte aux autres mobilisé.e.s, programmée le jeudi 16 mars. L’assemblée ‘‘Montpellier contre la vie chère” et le collectif Droit Au Logement Montpellier prévoient de leur côté une nouvelle assemblée, tenue cette fois-ci dans le quartier populaire de Figuerolles, en forme de tribune libre sur les nombreuses questions qui accentuent la précarité de tout un pan de la population, pour le dimanche 19 mars.
Les grèves dans des secteurs particulièrement bloquants, à une échelle nationale pourraient aussi renforcer la croyance de la population dans la capacité du mouvement social à engranger des victoires. Outre, les cheminots, les salariés des ports et docks, après deux jours d’opération ”ports morts” les 7 et 8 mars, entendent remettre le couvert très prochainement. La plupart des raffineries sont en grève. Les salarié.e.s poursuivent également le mouvement, entre actions coup de poing, coupures de courant ciblées, bascule de compteurs en heures creuses, piquets de grève et grèves sur les heures de travail les plus impactantes. Un piquet de grève aura d’ailleurs lieu sur le site d’Enedis Montpellier, rue Trancavel, à partir de 7 heures du matin ce lundi 13 mars, avant une nouvelle journée de mobilisation intersyndicale et interprofessionnelle, mercredi 15 mars.
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