Toujours très nombreux, les anti-pass montpelliérains amorcent une clarification

Le Poing Publié le 7 août 2021 à 20:03 (mis à jour le 11 août 2021 à 15:19)

Dans la capitale languedocienne, la mobilisation a bravé fièrement la pause aoûtienne et débordé largement du périmètre imposé par le préfet. Un pôle anticapitaliste et antifasciste s’est clairement manifesté dans le cortège.

Des pluies diluviennes se sont abattues sur Montpellier jusque tard dans la matinée de ce samedi 7 août. Cette explication ne compte sûrement pas pour rien dans le tassement, bien relatif, du nombre de manifestants qui se sont regroupé sur la place de la Comédie à partir de 14 heures ; d’autant plus relatif que la réunion de huit mille personnes en plein mois d’août reste un fait historique remarquable. Cela sans oublier que la décision rendue jeudi par le Conseil constitutionnel a pu décourager ceux et celles qui, naïfs, croyaient à un recul possible par ce canal du formalisme institutionnel bourgeois.

Enfin, à tous ces éléments défavorables, il faut rajouter l’intimidation préfectorale. Comme partout en France, les autorités semblaient monter d’un cran dans la stratégie de la tension. À Montpellier, cela prenait la forme d’un parcours restreint, imposé au cortège par le nouveau préfet de choc fraîchement débarqué en ville. Il en aura été pour ses frais. En fin de cortège officiel, vers seize heures sur la Comédie, sept à huit cents manifestant ne voyaient aucune raison valable pour s’en tenir là. « Non mais, on crie “Liberté ! Liberté !” pendant deux heures, et on se laisse interdire d’aller où on veut, comme des moutons ?! » s’exclamait Clément.

Et cette troupe, très variée, à l’humeur Gilet Jaune, s’engageait forcément sur un itinéraire non autorisé en plein centre-ville. Des slogans tels que « Le pass sanutaire, on n’en veut pas ! Les flics et les patrons, on n’en veut pas ! », ou bien « C’est pas les soignants qu’il faut virer – C’est les gendarmes et les condés ! »  y avaient toute leur place. Plus déplacés, on entendit encore de très forts « La police avec nous ! », alternant avec le mieux approprié « On est là, on est là, même si… » au cours d’un sit-in tendu devant un cordon tout bleu barrant fermement le boulevard du Jeu de Paume.

Car les contradictions restent nombreuses au sein de ce mouvement anti-pass, qui agrège une diversité insensée de sensibilités, expériences et engagements. Incessamment martelé, le slogan « Liberté ! Liberté ! » ne suffit pas à parler clair, contrairement à l’apparence. Nous vivons un monde où la liberté peut aussi bien être celle du renard lâché dans le poulailler. C’est comme ça qu’on reste très perplexe quand les discours insistent volontiers sur le fait que « nous avons tous un seul ennemi en commun ». Combien d’intérêts divergents sont ainsi évacuées à la va-vite ? Et quels ennemis malfaisants sont ainsi suggérés ? Il faudrait pouvoir clarifier ces choses. « Nous sommes le peuple, nous sommes la République » y suffit-il ? Surtout quand La Marseillaise, ce chant nationaliste sanguinaire, semble avoir réponse à tout.

Ce 7 août cohabitaient, très exceptionnellement, les bannières de l’Arme Révolutionnaire marxiste tout en rouge, et le noir cerclé des anarchistes., deux cents militants anticapitalistes, antifascistes, anti-autoritaires (pour ces derniers), avaient décidé de clarifier déjà un point : la présence de l’extrême-droite organisée ne peut être tolérée dans un cortège au nom d’une illusoire unité de tous. Au cours de l’après-midi, des membres de l’Action française (groupe royaliste d’extrême-droite), mal inspirés de trop se montrer, en ont été pour leurs frais.

Plus délicate à opérer, la clarification par rapport à d’autres courants beaucoup plus obscurs, sans doute plus dangereux, moins saisissables. Ceux-ci puisent dans les fondamentalismes fantasmés d’une pureté anti-scientiste, dénoncent de façon entendable la mainmise du pouvoir médical et des monopoles pharmaceutiques, pour répandre toutes les confusions conspirationnistes qui égarent la bonne foi de nombre de manifestants. Sur ce versant, sévissent la manipulation poisseuse et le retournement pervers des symboles, opérant des assimilations délirantes avec la période nazie (entre autres). Ce samedi dans le cortège, on a pu être soulagé par la disparition des étoiles jaunes, objets d’un détournement ignominieux. Mais on nous réservait une pathétique minute de silence « en hommage aux morts cachés de la vaccination ». Ben voyons.

Sur le bord adverse, les manifestants en rouge et noir ont plusieurs fois dénoncé la monopolisation du discours par Christophe Derouche, en tête du cortège. Serait-il proche de l’extrême-droite ? Aux dernières élections municipales à Villeneuve-lès-Maguelone, ce kinésithérapeute conduisait une liste dite « apolitique » et « gestionnaire » contre le maire sortant de droite. Arrivé en troisième position, les jeux d’alliance entre deux tours l’ont conduit au poste de premier adjoint d’une municipalité majoritairement « citoyenniste » qui pourrait rappeler un peu Nous sommes.

Allez y voir clair… Parfois à deux doigts de l’affrontement physique avec ses gardes du corps, les manifestants qui ont poussé loin cette exigence de clarification, sont au moins parvenus à relancer un cortège en sauvage juste après que l’orateur ait longuement tenu seul le micro, où il croyait conclure. L’énergie de la foule déborde parfois au-delà des accords consentis avec les autorités. Vers 17 heures, au deuxième retour sur la Comédie, on trouvait à celle-ci l’atmosphère politique qu’on lui préfère : hors contrôle. Où le dernier cordon policier aura fini par se dissoudre, comme lassé par l’imprévu.

Au passage de la manifestation à Jean Jaurès, des personnes attablées aux terrasses de bar ont applaudi.

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