Montpellier : jonction entre soutiens à la Palestine et diaspora Kanak “contre les colonies de peuplement”

Elian Barascud Publié le 18 mai 2024 à 19:25
A Montpellier, Kanak et soutiens au peuple palestinien ont manifesté ensemble "contre le colonialisme" ce samedi 18 mai. Photo de Mathieu Le Coz / Hans Lucas

Ce samedi 18 mai, soutiens au peuple palestinien et communauté Kanak Montpelliéraine ont manifesté ensemble sous les mêmes mots d’ordre pour “lutter contre l’impérialisme et la colonisation”, alors que les bombardements continuent à Gaza et que les kanak dénoncent des meurtres par des milices loyalistes sur fond de réforme du corps électoral

Au square du père Planchon, en face de la gare, la communauté Kanak s’agrège avant de rejoindre la place de la Comédie pour participer à la manifestation de soutien à la Palestine. C’est là qu’ils s’étaient donné rendez-vous, ce samedi 18 mai, pour “porter le deuil des cinq victimes des milices loyalistes à l’État français”, comme l’explique Kaaloye, un Kanak vivant à Montpellier.

Car depuis mardi 14 mai et le vote au parlement du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, qui vise à ouvrir les élections provinciales au français installés depuis plus de dix ans sur place, l’île située dans l’océan pacifique connait des émeutes et des affrontements entre indépendantistes et milices armées loyalistes à l’État Français, qui ont causé six morts. “Ce dégel du corps électoral revient sur les accords de Nouméa et surtout sur celui de Matignon, qui fixait des referendums sur l’indépendance, on se sent piétiné”, fustige kaaloye.

Trésor, un autre Kanak vivant à Montpellier, et proche de la CCAT (cellule de la coordination des actions de terrain, un regroupement pacifique d’indépendantistes kanak), est lui aussi choqué par la situation. “L’État français a coupé Tiktok chez nous, c’est le premier État européen à le faire ! Tout ça sert uniquement les intérêts loyalistes néocolonialistes.” Pour lui, “notre existence en tant que peuple doit être respectée. Jusqu’à présent, les indépendantistes ont fait des marches pacifiques pour s’opposer au dégel, mais maintenant, en Kanaky, on refuse de parler aux dirigeants de l’État français car on ne sent pas écouté.”

Au moment de rejoindre les soutiens à la Palestine sur la place de la Comédie, Trésor sourit : “On fait tous face à l’impérialisme, c’est normal d’être ensemble.”

“L’anticolonialisme est dans l’actualité”

Des échos entre les luttes et les situations coloniales que Trésor continue de construire dans son intervention sur la place de la Comédie : “Le colonialisme fait des victimes, mais il ne faut pas céder à la haine. L’extrémisme loyaliste français et ses relais médiatiques veulent faire croire qu’on veut que les français rentrent chez eux, alors qu’on doit vivre tous ensemble sur la même terre. Ils ont construit par des accords deux intérêts irréconciliables entre un camp, loyaliste, et un autre, indépendantiste. Si je devais donner le nickel que la France convoite, je le mettrai à Bordeaux, si je devais donner le lagon, je le mettrai dans la méditerranée, moi je veux ma dignité que les colons piétinent. On ne retrouvera notre dignité que dans l’indépendance et l’apprentissage du vivre-ensemble sur la même terre.”

“Cela montre l’actualité du combat anti-colonial” a renchérit José-Luis Moraguès, co-animateur de la campagne BDS France Montpellier, qui milite depuis des années de manière pacifique pour imposer le boycott et des sanctions sur l’État d’Israël. “On a rencontré la diaspora kanak lors du premier mai, et hier, pendant qu’on tenait notre stand, ils sont venus nous voir, et on est solidaires les uns des autres”, explique-t-il au Poing.

José-Luis Moraguès est d’ailleurs convoqué au tribunal le 6 juin prochain après une plainte en diffamation du sénateur Héraultais Hussein Bourgui, qui avait été représenté sur une pancarte de BDS comme “un complice d’Israël”. Carole Delga, présidente de région Occitanie, elle aussi ciblée par la communication de BDS, a également porté plainte en diffamation, et José-Luis Moraguès sera convoqué au commissariat central (arrêt de tram Voltaire) le 23 mai à 13 h 30. BDS appelle à des rassemblements de soutien pour son militant, qui évoque “une cause palestinienne attaquée”.

Le cortège se met ensuite en marche, avec les kanak en première ligne, en scandant “Force et courage à la Kanaky” ou encore “Palestine, Kanaky, c’est fini le temps des colonies.”

“Organiser la solidarité”

Du côté des soutiens à la Palestine, une journée est organisée ce dimanche 19 mai aux Bouzarts pour récolter des fonds pour les envoyer sur place, et un rassemblement est prévu à Ganges mardi 21 mai à 18 heures, sans oublier les manifestations du samedi.

Les Kanak, quand à eux, prévoient de se retrouver ce dimanche 19 mai au foyer calédonien, près du CHU, pour “construire la solidarité”, dixit, Lydia, présidente de la Case Calédonienne de Montpellier, une association qui regroupe la diaspora locale. “Beaucoup de gens, surtout d’étudiants, ont peur pour leur famille sur place, la semaine a été stressante pour eux. On prévoit un temps d’écoute pour eux, et on est en train de mettre en place un collectif pour créer un contre-pouvoir médiatique sur les réseaux sociaux, récolter des dons alimentaires, notamment pour les bébés et les personnes sous dialyse, car ce sont les besoins qui nous sont remontés. C’est une action du cœur, on se sent impuissant, mais pourtant, il faut faire quelque chose…”

A Montpellier, Kanak et soutiens au peuple palestinien ont manifesté ensemble “contre le colonialisme” ce samedi 18 mai. Photo de Mathieu Le Coz / Hans Lucas

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Montpellier : 300 personnes dans la rue contre la transphobie et les idées d'extrême-droite