Le gilet jaune Roland Veuillet dénonçait une cabale de la justice, la Cour de cassation lui donne raison
Roland Veuillet a payé cher son engagement aux côtés des gilets jaunes et a rendu coup pour coup, allant jusqu’à participer à un mouvement de contestation dans la prison de Nîmes. La Cour de cassation reconnait aujourd’hui qu’il y a eu abus.
Face à la morosité ambiante, l’histoire de cet ancien métallo redonne de l’énergie. Ce nîmois a couru 46 000 kilomètres et tenu une grève de la faim de 56 jours pour protester… contre une mutation forcée par l’Education nationale après sa reconversion comme conseiller principal d’Education. Quand les ronds-points virent au jaune, il est de tous les combats. Ça ne plait pas aux autorités mais qu’importe, quand Roland va au tribunal, c’est lui qui juge.
Traîné au palais de justice de Nîmes en juin 2019 pour une manifestation interdite, il conteste vivement le report de l’audience et finit en garde à vue. En novembre 2019, le magistrat le provoque en lui annonçant un nouveau report d’audience, si bien que les policiers doivent intervenir pour expulser ses soutiens. Perquisitionné quelques jours plus tard en son absence, il porte plainte pour effraction mais se retrouve encore dans les geôles du commissariat et une fois libre, il reporte plainte contre un policier pour menaces. Il termine finalement en détention provisoire le 12 décembre 2019 pour port d’arme (un tournevis), outrage, entrave à la circulation, participation à un groupement interdit, intimidation et dénonciation calomnieuse (la plainte) – bref, on lui reproche de ne pas baisser les yeux face à la répression. Jusqu’en prison, où il participe à un mouvement collectif de protestation pour dénoncer les conditions indignes de détention. Assurant seul sa défense, il dénonce une cabale et est condamné en appel à un an de prison dont six mois ferme.
Coup dur pour les magistrats nîmois, la Cour de cassation a relaxé Roland Veuillet des accusations d’intimidation et de dénonciation calomnieuse. Et il entend bien se faire blanchir jusqu’au bout, comme il l’écrit dans sa lettre que nous reproduisons :
Remarques et observations de Roland Veuillet
Rappel : La Cour de Cassation a annulé récemment, la condamnation prononcée contre moi, par le Tribunal Correctionnel de Nîmes, et validée par la Cour d’Appel du Gard en 2020. J’avais été envoyé en prison pendant six mois, et mes droits civiques m’avaient été retirés. Cette procédure expéditive (comparution immédiate) avait été employée par les magistrats nîmois pour réprimer mes activités dans le cadre du mouvement des Gilets-Jaunes. Rien d’autre !
Cet arrêté est une victoire : il démontre que la justice dans sa précipitation à casser du Gilet Jaune, comme elle le fit, a été capable de commettre des erreurs de Droit « grossières » (dixit la Cour de Cassation). Mais il démontre aussi toutes les limites des recours en droit français, puisque la Cour de Cassation se prononce sur la forme (le respect des procédures) et non pas sur le fond (la réalité des faits jugés, la partialité des Tribunaux). Ainsi, la C. C. a cassé les jugements des 2 juillet, et 29 septembre 2020, sur le simple fait « que les Magistrats nîmois ont méconnu le Code de Procédure Pénal ». (…Rien que ça ! Ce n’est pas rien tout de même !) Par contre, elle ne dira pas un mot sur l’aberration des chefs d’inculpation retenus lors de ces deux procès. Elle ne dira pas un mot non plus, sur la façon très cavalière des Parquetiers, et des Juges, pour traiter ces faux faits, lors des audiences. Pas un mot également, n’est prononcé sur le parti pris évident, des gens du prétoire nîmois.
Cet Arrêté permet que « l’Affaire » soit rejugée : les deux jugements de 2020, sont donc cassés, c’est à dire annulés, et un nouveau procès doit avoir lieu, devant une autre juridiction. La Cour de Cassation a renvoyé le Dossier au Tribunal de Montpellier. Mais celui-ci devra obligatoirement se conformer aux exigences formulées par la C. C. C’est à dire que ce Tribunal devra justifier toutes ses décisions. Il n’est pas inutile ici, de rappeler tout de même, que les jugements de 2020, qui m’ont envoyé six mois en prison, ont été de véritables carricatures de justice. Tout d’abord les PV de la Police, retenus contre moi, ne tenaient pas debout. Mais surtout, le Parquet nîmois (composés d’anciens policiers) les a validés sans sourciller, et les a qualifiés pénalement, malgré leurs invraisemblances. Puis il a engagé une procédure de Comparution Directe, avec Perquisition, Garde à Vue, suivies d’ une incarcération en prison immédiate.
Quant aux juges gardois, pour eux aussi, seule la version policière est à retenir, et toute contestation de celle-ci constitue un «outrage» et une « rébellion » ou une « calomnie ».
Notons à ce sujet, que c’est justement cette cécité, et cette absence d’objectivité qui leur est reprochées, très sèchement, par la Cour de Cassation.
Il n’est pas inutile de rappeler ici, que tous les magistrats de cette juridiction se sont distingués par leur acharnement violent à casser systématiquement du Gilet Jaune. Par exemple, l’un d’eux s’était permis d’éructer en pleine audience : « Plus le Gilet est jaune, moins la matière est grise ».
Cet Arrêté crée une « Jurisprudence » importante : Cette décision de la Cour de Cassation est très importante, car dorénavant, elle fera « Jurisprudence » dans tous les Procès qui seront engagés, contre des militants, en raison de leurs opinions et de leurs engagements. C’est à dire lorsque seront montées de toutes pièces, des cabales (construites avec des faits bidons, afin d’engager des poursuites), dans le seul but de criminaliser les luttes sociales… Comme ce fut le cas dans la présente affaire, comme ce fut le cas dans les 40 000 procès intentés aux autres Gilets Jaunes.
Certes, cet Arrêté ne sera pas rétroactif, et ne pourra donc pas valoir pour une réouverture des dossiers des autres condamnations déjà prononcées, contre mes camarades. Cependant, cet Arrêté peut être évoqué comme argument majeur, pour exiger l’annulation de toutes ces condamnations, car dans chacune d’elles, on retrouve les mêmes « Erreurs de Droit ».
De toutes façons, une chose est sûre, cet Arrêté justifie pleinement la revendication légitime d’une Loi d’Amnistie Générale, pour tous les Gilets Jaunes. Car tous ont été envoyés devant les Tribunaux, uniquement en raison de leur engagement dans ce mouvement protestataire : et il faut le répéter fort et clair : Nous sommes des acteurs d’un mouvement social, nous ne sommes pas des bandits.
Cet Arrêté pose une question politique : en effet, en s’attaquant frontalement aux Gilets Jaunes, comme il le fit, le Gouvernement d’Emmanuel Macron a engagé la plus féroce répression policière et judiciaire, contre un mouvement social. C’est du jamais vue, depuis des décennies :
– 100 000 G. J. ont été verbalisés (de 135 à 800 euros)
– 40 000 ont été condamnés par un Tribunal
– 20 000 sont toujours « interdits de manifestation »
– 1 000 ont été envoyés en prison
Cette répression est le fait politique, d’un Pouvoir au abois, face à une contestation populaire. Et la méthode employée est celle de la « criminalisation ». Elle consiste à monter de toutes pièces des affaires, pour ensuite envoyer les militants devant les tribunaux, afin qu’ ils soient condamnés. Cette pratique odieuse, est un tour de passe-passe, qui permet de réprimer des personnes, en raison de leurs convictions et de leurs engagements (ce qui est interdit par la loi !). C’est une atteinte grave à la démocratie ainsi qu’ aux libertés individuelles et collectives. Face au Gilets-Jaunes, les policiers ont agi sauvagement, avec un zèle effréné. Quant aux magistrats, dans leur ensemble, ils se sont d’eux-mêmes mis aux ordres du Pouvoir. Et c’est ainsi que la dureté de leurs verdicts contre les G. J., contraste singulièrement avec la clémence qu’ils adoptent lorsqu’ils jugent les Benalla, Fillon, Sarkozy et consorts. Une réponse globale s’impose donc : Celle de l’AMNISTIE pour TOUS les GILETS JAUNES condamnés.
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