8 mars 2023. Répétition générale pour une révolution féministe

Le Poing Publié le 9 mars 2023 à 14:48
Photo prise lors de la manifestation du 8 mars à Montpellier. (Illustration "Le Poing")

A quoi ressemblait ce 8 mars 2023 à Montpellier et en région ? Journée pour les symboles ou lutte générale ? Une question qui n’a de sens qu’à la replacer plus globalement dans l’élan des mouvements féministes actuels.

“La stratégie c’est de bâtir un mouvement féministe anticapitaliste, antiraciste, de masse, pour l’amener vers la grève générale qui renversera l’économie mondiale et permettra de sauver le monde de la catastrophe écologique. Voilà, ça c’est le plan.” Nous lâchait , non sans sérieux, Nina Faure à l’issue d’une mobilisation contre la réforme des retraites. (Et dont l’interview à l’occasion de la sortie de son film We Are Coming – Chronique d’une révolution féministe est à retrouver en intégralité dans le prochain numéro papier du Poing, en avril, stay tuned). Et quand on lui demande si ce 8 mars 2023 c’est la bonne, elle nous répond : “Quand on disait que le but c’était d’organiser la grève générale féministe et qu’il y a un appel à une grève reconductible à partir du 7 mars […], je me dis que si ce n’est pas la bonne, c’est au moins une bonne répétition générale pour y arriver. […] En fait c’est pas comme si on avait vraiment le choix. Ça a toujours l’air d’être un peu pour rire quand on le dit. Mais en fait, je vois pas ce qu’on peut faire d’autre dans la période actuelle. C’est ça ou la fin du monde”. Voilà pour le contexte.

En route donc, ce matin, vers l’AG féministe (à l’appel de Solidaires, CGT, planning familial, CIDFF, UCL, etc) à la maison des syndicats, le coup d’œil valait le détour près de la rue Méditerranée où des collages féministes fleurissaient sur les murs sous l’œil attentif et bienveillant des badauds. Mais tout va bien, c’est cette fois avec la bénédiction de la Métropole dont l’édile s’auto-proclame féministe dans la presse. Et le collage revendicatif devient “Urban art”. C’est même dans le programme. La manifestation appelée a 14h, elle, n’y figure pas. Gageons que ces collages là ne seront pas arrachés aussi violemment que ceux de CQFAD+.

Une fois en place à la maison des syndicats où une grosse soixantaine de personnes sont réunies, on y débat violences de genres, place du travail (domestique et donc gratuit, comme salarié) dans la vie des femmes. Avec l’envie de gagner cette bataille des retraites au bord de toutes les lèvres. La question internationale est aussi abordée, avec des prises de paroles d’iranienne, afghane ou kurde particulièrement émouvantes. Mais dont une militante politique et syndicale rappellera l’importance de ne pas séparer solidarité internationale et lutte anticapitaliste et qui nous expliquera par la suite que l’émotionnel ne peut pas prendre le pas sur la politisation, nécessairement radicale. La suite ? C’est dans une nouvelle AG féministe et dans les syndicats qu’elle se jouera. Et bien sur, pour les retraites, dans les AG Interprofessionnelles tant attendues (et dont une est appelée ce lundi 13 mars à 18h30).

Au même moment se tenait à Paul Valery une autre AG, qui, outre acter la reconduction du blocage de l’Université, réclamait aussi de ne pas sanctionner les absences liées aux menstruations ou aux transitions de genre que ce soit pour étudiant·es, profs, personnels ; la parité dans les postes ; la création d’une médecine universitaire chargée de distribuer gratuitement des protections hygiéniques, avec des postes d’endocrinologues pour les transitions de genre, et de psys spécialisé·es dans les violences de genre. Et c’est avec le message très clair “Réforme Patriarcale : Grève Générale” que le cortège étudiant rejoignait bientôt la place Zeus.

Une fois la manifestation lancée, il n’y a plus de doute. Exit les cortèges ennuyeux qui désespèrent parfois les auteur·ices du Poing qui ne savent plus quoi dire sur les marches bien rangées à répétition contre les retraites. Le ton est donné. Autour de 6000 personnes s’élancent, en tête un cortège queer et deter’, emmené par la Coordination Contre les Violences de Genre, suivi des étudiant·es puis des cortèges associatifs et syndicaux. La vague féministe, pailletée et encagoulée déferle pendant près de trois heures jusqu’à la Comédie au son des tambours des batucadas, des acabs et des “patrons, patrie, patriarcat, mêmes racines, même combat”. A 15h40, le cortège s’arrête quelques instants. A partir de cette heure, chaque jour, les femmes ne sont plus payées. Merci l’inégalité salariale. Puis repart sous les rayons de soleil, de chants, de danses, enflammées et joyeuses jusqu’à la place de la Comédie.


Et si, rompu·es ces derniers temps aux énormes mobilisations retraites, on ne comptait pas des dizaines de milliers de personnes et une heure et demi de cortège, on n’avait jamais vu autant de monde dans les rues un 8 mars en semaine. Au moins 3000 selon la presse locale mainstream qui a pris plus d’images depuis ces balcons de la Comédie que depuis le cortège, un bon 6000 selon nos comptages, réitérés à plusieurs reprises. Car si l’avant, joyeusement bruyant était en nombre, l’arrière CGTiste et autre était tout aussi fourni en nombre.

Les autres villes n’étaient pas en reste. Avec plus d’un millier de personnes à Nîmes comme à Béziers. Et si dans le Gard la relation avec l’intersyndicale fut chaotique, à Béziers le collectif des Rosies, résolument anticapitaliste et antiraciste, menait la danse, branché sur le camion CGT. La veille d’ailleurs, ce même collectif des Rosies détournait les dernières exactions machistes de Robert Ménard, sous son nez, et au passage de la manifestation retraite.

A Béziers, le 7 mars devant la mairie au passage de la manifestation retraite
Banderole et cortège de tête en mixité choisie de genre le 8 mars 2023 à Montpellier

Après la manifestation, des discussions sur le thème “quels défis pour les luttes féministes aujourd’hui?” se poursuivaient, toujours en mixité choisie de genre. Si les défis sont grands, la révolution féministe le sera sans doute plus encore. Et ça urge.

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