L’Olympisme, un mythe à dézinguer

Jules Panetier Publié le 25 juillet 2024 à 16:21 (mis à jour le 25 juillet 2024 à 16:29)
2024-05-13. Montpellier accueille la flamme olympique dans le cadre du tour de France et des territoires français dans le cadre des jeux olympiques de Paris 2024. Plusieurs milliers de personnes sont venues voir le passage de la flamme olympique dans les rues de Montpellier. Photographie par Mathieu LE COZ / Hans Lucas.

Anciennement professeur à l’université Paul-Valéry, Jean-Marie Brohm est aussi l’auteur d’un essai  sur Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes, et également grand admirateur du nazisme

Article initialement paru dans le journal papier numéro 40 du Poing, “Un autre sport est possible”, sorti en mars 2024.

Comme il y a des Gandhi, des Martin Luther King, et autres Pierre et Marie Curie, le baron Pierre de Coubertin continue d’être généralement rangé parmi les bienfaiteurs de l’humanité, totalement inattaquables. Tout le discours des hommes politiques, droite et gauche confondus, toute la vulgate médiatique, reproduisent ad nauseam cette appréciation. A la jointure du XIXe et du XXe siècle, cette personnalité française puise dans une lecture idéalisée et fantasque – commune en son temps – de la Grèce antique, pour instaurer les Jeux olympiques tels qu’ils vont se développer durant tout le vingtième siècle, et jusqu’à aujourd’hui.

Des Montpelliérains aujourd’hui plus très jeunes se souviennent de l’époque où Jean-Marie Brohm enseignait la sociologie à l’Université Paul-Valéry. S’il vit aujourd’hui à Paris, cet intellectuel n’a absolument rien perdu de sa radicalité dès lors qu’il développe sa sociologie critique du sport. Cela notamment au travers de la revue « Quel Corps ? » et ses éditions. Cette sociologie du sport aborde l’institution sportive comme intégralement combinée à la domination capitaliste sur la société. 

Le sport y sera venu conditionner les corps en fonction de multiples catégories, notamment sexistes et racistes, dans une optique de performance et de compétition généralisée, inculquant des principes de discipline, imprégnés d’exaltation nationaliste. C’est en continuité d’un tel paysage, et non comme un excès malencontreux, que la mouvance de Quel Corps ? analyse la structure purement affairiste et opaque des Jeux Olympiques, liée aux circuits financiers les plus douteux, comme aux régimes politiques les plus corrompus et autoritaires, aujourd’hui portée à un sommet de sport-spectacle, sport-business, combinant les ravages environnementaux et le contrôle généralisé des populations.

A quelques mois de la réédition parisienne de ce fléau mondial, Jean-Marie Brohm vient de publier deux éditions augmentées et réactualisées de ses ouvrages consacrés, l’un, à la personnalité du baron Pierre de Coubertin, l’autre à l’édition de 1936 des Jeux Olympiques à Berlin, qui consacrèrent la plus grande opération de propagande planétaire du régime hitlérien. Plus précisément, l’essai Pierre de Coubertin – Le seigneur des anneaux, réunit une large collection de textes sans cela éparpillés, signés par Pierre de Coubertin lui-même.

Certes les idéaux affichés de l’olympisme moderne se prétendent humanistes et pacifistes. Ils reconduisent, pour ce faire, la tradition antique qui voyait les cités grecques suspendre leurs affrontements guerriers, le temps que se déroulent les joutes entre athlètes. Fort bien. Mais derrière ce rideau de fumée, les autres engagements intellectuels du fameux baron en font bien plus qu’un homme baignant aimablement dans l’humeur de son temps.

Ses prises de position sont en fait très déterminées pour soutenir vigoureusement le colonialisme, pontifier sur les inégalités fondamentales, et irréductibles, de races et de classe, et désigner en l’institution sportive le meilleur régulateur de ces principes qu’on ne saurait remettre en cause. L’un des principaux périls qu’il s’agit de conjurer est bien l’indiscipline et l’agitation de la classe ouvrière, le socialisme comptant parmi les dangers principaux. Là encore, les vertus sportives sont vantées pour leur pouvoir de distraction et d’apaisement, ou encore pour forger la santé physique et morale de la nation, alors que s’esquisse la grande boucherie impérialiste de la première guerre mondiale. 

Il va sans dire que les femmes doivent rester cantonnées à une pratique discrète et domestique de l’activité physique, leur présence dans l’olympisme devant se réduire à distribuer les médailles et faire la bise aux dieux du stade. En 1936, au soir de sa vie, c’est sans complexes que Pierre de Coubertin s’émerveille de la réussite des Jeux Olympiques à Berlin. Dans son florilège, il s’agit de situer Hitler comme « l’un des plus grands esprits constructeurs de ce temps », et considérer que « la glorification du régime nazi a été le choc émotionnel » qui a permis à cette édition des J.O. d’être, aux yeux de l’inspirateur  de l’olympisme, la mieux réussie.

Gérard MAYEN

Pour se fournir ces ouvrages : www.quelsport.org

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