L’avenir contesté d’un très bel immeuble de Montpellier

Le Poing Publié le 15 octobre 2024 à 18:31 (mis à jour le 15 octobre 2024 à 20:40)
L'avenir de l'immeuble Le Capoulié, rue Maguelone, a été débattu en Conseil municipal ce mardi 15 octobre. ('Le Poing")

Le Capoulié, rue Maguelone, doit-il devenir une adresse marchande, comme tant d’autres ? Question débattue en conseil municipal ce mardi. On y a aussi décidé la mise en place d’une mutuelle communale, et agité des perspectives budgétaires très inquiétantes

Une fois n’est pas coutume pour les lecteur.ices du Poing. On va commencer par ce qui ressemble à une bonne nouvelle, en vrai. Le conseil municipal de Montpellier, réuni ce mardi 15 octobre 2024, a approuvé la création d’une mutuelle communale de complémentaire santé. Le dossier est si avancé que les premiers contrats pourront prendre effet dès le 1er janvier prochain.

Principal avantage du dispositif : un coût de cotisation globalement inférieur de 20 % ou plus, à ceux pratiqués sur le marché. Voilà qui devrait intéresser celleux qui se privent de cette protection facultative, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se l’offrir. Cela alors que le régime général public de la Sécurité sociale ne cesse de réduire sa part de remboursement, sous la pression des politiques d’austérité et des destructions des droits que conduit le gouvernement.

Il y a d’ailleurs un problème politique de fond. Peut-on se contenter de compenser la perte de terrain du service d’intérêt public ? Certes, les mutuelles appartiennent à l’univers de l’économie sociale et solidaire. Elles n’en sont pas moins d’initiative privée. Leur philosophie générale ne vise pas d’objectifs lucratifs. Théoriquement. De fait, bien des mutuelles dérivent vers des fonctionnements de plus en plus calqués sur ceux du secteur privé capitaliste.

De plus, on notera que lors du débat organisé par Le Poing au Quartier Généreux avec notamment l’élue d’opposition Alenka Doulain, un intervenant a très justement fait remarquer que le 100% sécu avait disparu du programme du Nouveau Front Populaire, et il y voyait la patte du parti socialiste, dont tous les cadres ont été des dirigeants de mutuelles. Y compris Michaël Delafosse, qui a été responsable de la Mutuelle Nationale des étudiants de France.

Dans le cas de la communale montpelliéraine, la Ville a mis en concurrence les offres qui se sont présentées. Parmi les sept, la plus intéressante a été retenue. C’est elle qui gèrera ce service et la collectivité s’implique dans sa popularisation sur le terrain. Il s’agit d’atteindre particulièrement ce quart de la population montpelliéraine qui jusqu’ici est privé d’une complémentaire. Mais l’adhésion sera ouverte à n’importe quel habitant de la ville, sans critère restrictif. Cinq autres communes de la Métropole s’adjoignent au dispositif.

La majorité de Michaël Delafosse y voit le dernier élément de ce que son programme électoral appelait un “bouclier social”, incluant d’autres mesures précédentes (la gratuité des transports, le contrôle des loyers, l’ajustement des tarifs des cantines scolaires…). La mise en place de cette mutuelle a été approuvée à l’unanimité des conseillers municipaux, en début d’une séance qui est restée bien calme dans l’ensemble.

Peu après, c’est l’avenir de l’immeuble du Capoulié qui a été disputé ; mais sans grands éclats de voix. Cet immeuble hausmannien (le grand style bourgeois de la fin du dix-neuvième siècle), est situé en bordure de la rue Maguelone – celle qui mène directement de la gare à la Comédie. Le Capoulié a longtemps été un grand magasin à la parisienne, sous l’enseigne “Nouveautés”. Il a été aussi le siège de la rédaction locale du Midi Libre, à une époque où celle-ci n’était pas encore devenue famélique.

Quand le vent tourna mal de ce côté-là, au milieu des années 90, le rachat par la Ville arrangea les affaires de la famille patronne de presse. Un service municipal de l’information santé s’y installa. Sans grand succès. Au point que l’immeuble est resté fermé ces sept dernières années. Il revient dans l’actualité, puisque la Ville a décidé de le louer à la marque suédoise Søstrene Grenes. Comme on est sur la paille, le loyer de 200 000 euros n’est pas à bouder, assure le maire. Søstrene Grenes est une boîte à la mode, qui vend de l’équipement de maison design, et cela correspondrait à un souci de montée en gamme qualitative et environnementale, selon le Premier magistrat.

Il en irait de la dynamisation commerciale du centre-ville, et d’une “requalification” de la rue Maguelone. On comprend que derrière cette formulation, c’est son actuelle tendance kebab et fast-foof à jeunes qui ne colle pas avec tout ce qu’on sait de sa vision ségréguée de qui et quoi est désirable ou pas dans les rues de Montpellier. Pendant toute la séance, on a songé aux prochaines municipales, en constatant que la MUPES d’Alenka Doulain et les écologistes ami.es de Coralie Mantion (en rupture de Delafosse), ont systématiquement mêlé leurs voix – Célia Serrano montant au créneau sur ce dossier.

Leur argumentation (en substance) : « Søstrene Grenes est une société de commerce internationale qui fait fabriquer ses produits en Asie du sud-est. Bonjour la qualité environnementale. On peut douter de sa fiabilité puisqu’elle vient de fermer son magasin de Nancy, ainsi que tous ses magasins de toute l’Espagne. Mais surtout, elle représente une enseigne comme le Polygone en regorge déjà, sans qu’il y ait besoin d’en rajouter encore. Ça n’est pas avec ça qu’on redonne une originalité intéressante au centre-ville. Il y a au Capoulié mille mètres carrés disponibles pour accueillir des activités et de la distribution liées à des productions du pays, de vraies typicités, des innovations créatives, du circuit court, notamment sous régime associatif, avec des possibilités de réunion ».

Le maire a des logiques plus chevillées au système : « Il y a eu procédure d’appel d’offres. Søstrene Grenes a présenté la meilleure offre et l’a emporté ». Point barre.La meilleure offre, si on avalise le fait que dans la société de marchandisation intégrale, les rues des villes n’ont pas d’autres destinées que de se transformer en galeries commerciales. Question reconversion du bâti, on a noté au passage que l’ancienne Auberge de jeunesse du bas de la rue des Écoles laïques, fermée elle aussi depuis de longues années, brièvement occupée à l’initiative du collectif Robin des Toits en mars dernier, a trouvé sa nouvelle destinée.

La ville s’y associe avec plusieurs associations d’aide aux plus démunis. Pendant deux ou trois ans, une dizaine de familles y trouveront un toit provisoire (on appelle cela “l’intercalaire”). Elles s’emploieront à un chantier de rénovation qui laissera ensuite sept appartements et deux locaux d’activité.

Une bonne part de la séance a ensuite été occupé par l’examen purement montpelliérain du nouveau Plan local d’urbamisme intercommunal, dit PLUI-Climat. Ce même document fut abondamment examiné lors la récente session du Conseil de Métropole. Rien de neuf n’est apparu sous l’angle strictement communal cette fois. On a tout de même pu vérifier que les écologistes pro-Delafosse – les amis de Manu Reynaud – sont strictement alignés sur le maire. Ils voient des succès écologiques partout, comme sur les coteaux de Malbosc où la grande urbanisation a été abandonnée. Les anti-Delafosse au contraire, continuent de vivre dans une commune bétonneuse, et dénoncent, d’arrache-pied, le fait que ces mêmes coteaux restent urbanisables, susceptibles d’accueillir des équipements publics et une marge d’habitat.

Dernier gros morceau à l’ordre du jour : les perspectives budgétaires, à la faveur de l’examen du budget supplémentaire 2024. Là ce sont plutôt les anciens fidèles du maire précédent Saurel, et la droite macroniste, qui tirent sur tous les signaux d’alarme. Ces derniers semblent oublier que c’est leur président national qui a mis le pays au bord de la faillite, pour ne s’intéresser qu’au sort de la Montpellier de Delafosse, qui n’en serait pas loin, avec un taux de 98,5 % d’endettement, quand la loi impose de ne pas dépasser les 100 %.

Ils dénoncent une augmentation de fait des impôts locaux – même si celle-ci tient pour moitié à la fixation des taux de base, qui se fait sur le plan national, et pour l’autre moitié à la collecte des déchets, qui serait un service fléché, plutôt qu’un impôt stricto sensu.

Le maire égrène alors toute une liste de villes de toutes couleurs politiques faisant bien pire. Il renvoie les sauréliens à leur inaction en leur temps, de sorte qu’il faudrait mettre les bouchées doubles pour rattraper les retards d’investissement (la cinquième ligne de tram particulièrement). Cela tandis que l’inflation, le choc de la facture énergétique, et à présent les ponctions annoncées au détriment des collectivités par Michel Barnier, expliqueraient une situation très tendue un peu partout et pas qu’à Montpellier.

En séance de conseil municipal, Michaël Delafosse use de ce ton courtois, en quoi il veut s’illustrer en grand maître d’une supposée «  gouvernance apaisée ». A cette aune, il est significatif de constater qu’il ne se laisse gagner par la violence qu’au moment d’attaquer ses opposants de la gauche de gauche. Cette fois-ci, il est sorti de ses gonds, sur une intervention d’Alenka Doulain parlant d’« écoles-usines » à propos d’établissements en cours de chantier à La Paillade. L’élue MUPES maintient que « des effectifs de quatre cents élèves dans une seule école constituent une aberration pédagogique et sociale ».

Finalement, on put s’étonner qu’un vœu porté par l’opposante écologiste Coralie Mantion ait été approuvé par le mairie, dont le souci de courtoisie ne va généralement pas jusque-là. Donc adopté à l’unanimité, ce vœu consiste à réclamer un audit de celles des crèches montpelliéraines qui appartiennent aux quatre grands groupes dont la gestion uniquement axée sur l’optimisation des profits, a fait récemment scandale. Plusieurs centaines d’enfants montpelliérains vivent sous leur régime.

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