Une vidéo ciblant le CHU de Montpellier questionne sur l’entrisme du new-age dans la médecine

Elian Barascud Publié le 24 novembre 2025 à 11:42 (mis à jour le 24 novembre 2025 à 11:53)
Le CHU de Montpellier. (Image d'illustration)

Une enquête interne a été ouverte au Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD) du CHU de Montpellier, après la publication par le youtubeur G Milgram d’une vidéo dans laquelle une patiente accuse deux médecins de pratiques para-scientifiques. La jeune femme décrit un mélange entre psychanalyse, spiritualité et prescriptions non conventionnelles. L’ordre des médecins a été saisi

Jeudi 20 novembre, le youtubeur G Milgram, spécialiste des dérives new-age, publie une vidéo d’une trentaine de minutes qui dénonce des méthodes jugées inquiétantes au centre antidouleur du CHU de Montpellier. Le cœur du récit est le témoignage de « Camille », une jeune femme souffrant d’une maladie génétique invalidante évoquée comme la fibromyalgie. Face caméra, elle raconte avoir vécu des consultations marquantes avec le Dr Patrick Giniès, chef du service, et le Dr Olivier Abossolo : le Dr Giniès lui aurait notamment demandé si sa grand-mère était “gentille ou méchante”, affirmant que la fibromyalgie provenait de “traumatismes générationnels”, et reliant la couleur des vêtements des patients à leurs maux.

Des coquilles d’huitres en poudre à 200 euros

Dans des extraits de prise de parole publique du Dr Giniès sélectionnés par G Milgram, on voit le médecin relier les douleurs des patients à des carences affectives parentales, ou encore au choix de vêtements (“Quand on porte des T-shirts bleu foncé comme le vôtre, c’est que la mère était parfois défaillante.”). le témoignage d’un ancien interne rapporté dans la vidéo affirme décrit les propos que le Dr Giniès aurait tenu lors d’une consultation : “Elle s’est fait violer à neuf ans mais elle ne s’en rappelle plus. Je le vois à son aspect physique.”

Concernant le docteur Abossolo, Camille affirme qu’il lui a prescrit des huiles essentielles, de l’homéopathie en plus de lui recommander des cures à base de “coquilles d’huîtres en poudre” à 200 € pour trois mois, avec l’objectif de “reprogrammer ses gènes”. Dans des séquences filmées, Abossolo évoque des thérapies “quantique, énergétique, vibratoire, spirituelle”, affirmant que la guérison dépend aussi de la “relation à Dieu” et qu’il peut exister des “blessures d’âmes” liées à des vies antérieures.

Enquête interne au CHU

Dès le lendemain de la publication de la vidéo, le CHU de Montpellier a réagi en reconnaissant que la diffusion mettait “défavorablement en lumière les pratiques de deux praticiens” et a annoncé l’ouverture d’une enquête interne. De son côté, la doyenne de la faculté de Médecine a déclaré qu’elle allait mettre en place“une évaluation pédagogique des enseignements liés au service mis en cause”. De plus, le CHU a indiqué que le Dr Abossolo “n’exerce plus” au centre et qu’il aurait quitté l’établissement il y a un an. Quant au Dr Giniès, il a été “suspendu de son exercice hospitalier à titre conservatoire.”

Quant à l’Ordre des médecins, son représentant départemental, Philippe Cathala, s’est dit choqué par des méthodes qu’il considère comme des “élucubrations psychanalytiques” sans fondement scientifique. Une enquête disciplinaire a été ouverte à l’encontre des deux praticiens incriminés.

Pour Jean-Baptiste Cesbron, avocat membre de l’Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes (UNADFI), l’entrée de ces médecines dites “non-conventionnelles” dans les établissements de santé publics présente plusieurs risques : “Il y a d’abord un risque pour le patient de retard de diagnostic et de perte de chances d’accéder à un traitement adéquat. Mais il y a aussi le risque que les gens s’orientent plus facilement vers des pratiques non-conventionnelles si celles-ci sont mises à équivalent avec des pratiques conventionnelles de par leur présence au CHU.”

Un phénomène global ?

Après la publication de la vidéo, G Milgram dit avoir reçu plusieurs témoignages venant corroborer le récit de Camille. Et le cas du CHU de Montpellier n’est pas isolé : il s’inscrit dans une série d’affaires autour de l’introduction, au sein d’établissements de santé et de formations universitaires, de pratiques dites non conventionnelles” ou de médecines complémentaires dont la validité scientifique est contestée.

L’Université de Strasbourg a ainsi été au centre d’une vive polémique après avoir intégré, dans son offre de formation continue, des modules de “médecine anthroposophique” (l’anthroposophie est un mouvement spirituel et ésotérique fondé au début du XXe siècle par l’occultiste autrichien Rudolph Steinner), une orientation qui a attiré l’attention de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, pour qui la médecine anthroposophique peut représenter un danger pour les patients. Des signalements de praticiens proche de la médecine anthroposophique ont également été effectué à Angers selon l’UNADFI.

Si toutes ces médecines “non-conventionnelles” ne comportent pas forcément de risques, ces thérapies alternatives demeurent la première source de signalement auprès de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

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