À Montpellier, un fauteuil roulant au cœur du combat des gilets jaunes

Le Poing Publié le 27 juin 2019 à 18:36

Article initialement publié début avril 2019 dans le numéro-papier 33 du Poing.

Difficile de la manquer, avec ses cheveux orange cru. Difficile de manquer Patricia aux rassemblements hebdomadaires des gilets jaunes à Montpellier, dont elle n’a loupé que les deux premiers : « Et comme je suis quasi seule à y représenter ma cause, me voici prise au piège ; pas question de renoncer maintenant ». Beaucoup d’entrain émane de cette combattante, que le lourd handicap de sa gestuelle décoordonnée, devrait rendre « fragile » façon Macron.

En lieu de quoi, elle a capté les gilets jaunes comme « le mouvement qu’[elle] attendait de toute sa vie, en tant qu’handicapée citoyenne ». Son invalidité est de naissance, « et c’est une chance car je me suis construite avec, sans avoir à faire le deuil d’une situation antérieure ». Mariée, mère de famille, Patricia n’en a pas oublié pour autant des années de jeunesse claquemurée en centre spécialisé (« alors que j’étais fêtarde ; et le suis restée ») et son terrible complexe initial pour s’exprimer (son élocution est difficile à suivre pour un interlocuteur qui ne prêterait pas attention).

Gilet jaune, Patricia l’est en tant qu’handicapée. La liste est sans fin, de ses revendications spécifiques. Par exemple, tellement symbolique : le fait que l’allocation perçue soit calculée en fonction de la situation maritale.

Assignation. Infantilisation. Dépendance. L’allocation est-elle un droit rattaché à un état ? Ou la sanction d’un contrôle sur les modes de vie choisis ? C’est cela qu’elle porte en place publique, soigneusement écrit sur un panneau à l’arrière de son fauteuil : « dans les associations spécialisées, dont je respecte le travail, le fait est qu’on tourne en rond entre nous. Je n’y trouve pas l’ouverture dont j’ai besoin ».

Gilet jaune, Patricia l’est aussi globalement : « le grand point commun est la difficulté à vivre. Je vois bien à travers mon mari, qui vient de faire un mois de grève à la poste Rondelet ». Un peu d’organisation, une infirmière très amicale, et hop, Patricia prend le bus pour Montpellier, laissant derrière elle les amis de son village, qui ne la comprennent plus trop, mais tant pis (« ils vivent dans leur bulle, ne se rendent pas bien compte »).

Souvent en tête de cortège (« c’est finalement plus sûr d’être mieux vue »), parfois attentivement entourée par d’autres manifestants, Patricia s’est adaptée aux nouvelles formes du combat. « Je sens à peu près l’heure où il convient quand même que je me retire ». Mais bon, quand elle est venue avec quelques compagnons sur roulettes, ils l’ont laissée dare-dare, vite effarouchés.

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