Affaire Budapest : l’urgence d’une mobilisation contre l’extradition de Zaid vers la Hongrie

Jules Panetier Publié le 23 octobre 2025 à 11:43
Accusé d'avoir participé aux violences contre les néonazis, Zaid se retrouve embarqué dans l'affaire Budapest. (DR)

Depuis plus de deux ans, la Hongrie traque une vingtaine d’antifascistes à travers l’Europe, accusés d’avoir attaqué des néonazis en février 2023 lors du « Jour de l’honneur », un rassemblement à la gloire du Troisième Reich qui se tient chaque année à Budapest. Le Premier ministre d’extrême-droite Viktor Orbán mobilise les moyens de l’antiterrorisme pour sa chasse à l’homme, mais la machine répressive s’enraye. En avril 2025, la justice française s’oppose à l’extradition du militant albanais Gino, soutenu par un comité très actif. Le même enjeu se pose aujourd’hui pour Zaid, un jeune syro-palestinien de 22 ans embarqué dans cette affaire. Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen émis par la Hongrie, la justice française décidera le 12 novembre s’il sera extradé ou non.

Moins d’un siècle après la Shoah, et alors que les soutiens à la Palestine sont accusés d’antisémitisme, la Hongrie laisse chaque année, en février, des milliers de néonazis défiler à la gloire des Waffen-SS. En 2023, la résistance s’organise : au moins cinq néonazis sont attaqués et plusieurs sont sérieusement blessés. Une véritable chasse à l’homme s’opère alors en Europe contre les antifas, certains sont poursuivis pour tentative de meurtre. La Hongrie émet des mandats d’arrêt européens, les polices collaborent comme s’il s’agissait d’une affaire terroriste, et la presse allemande publie les noms et les visages des militants recherchés. C’est le début de l’affaire Budapest.

La traque politique de Viktor Orbán

La traque de Viktor Orbán commence à faire les gros titres des médias après des images choquantes montrant Ilaria Salis littéralement tenue en laisse lors de son procès à Budapest, début 2024. L’italienne sera finalement libérée en raison de l’immunité octroyée par son élection, depuis sa cellule, comme députée européenne. Les pays européens qui prétendent dénoncer l’autoritarisme de la Hongrie sont mis face à leurs contradictions : Maja T., 24 ans, est extradé·e en juin 2024 de l’Allemagne vers la Hongrie… une heure avant que la Cour constitutionnelle allemande ne suspende l’ordonnance d’extradition, en raison des risques encourus par les détenu·es non-binaires en Hongrie.

Lors d’une audience à Budapest en février 2025, Maja T. a lancé un appel poignant : « Je suis accusé·e par une magistrature qui prétend reconnaître en moi une haine enflammée, alors qu’elle considère celles et ceux qui glorifient les crimes de l’Holocauste et leurs auteurs comme une minorité à protéger » (photo extraite d’un journal télévisé hongrois).

Accusé d’avoir participé aux violences contre les néonazis, Zaid se retrouve embarqué dans cette affaire : « Mon nom a fuité dans la presse et la police a débarqué chez mes parents fin 2023, mais je n’y étais pas. » Lui qui a fui à ses 11 ans la guerre civile syrienne pour l’Allemagne, avec un statut de réfugié, se retrouve de nouveau en cavale. Épuisé, il finit par se rendre, avec d’autres militants, à la police allemande. « J’ai passé 108 jours de prison à Cologne et j’ai été libéré sous contrôle judiciaire », nous confie le jeune homme, toujours avec un large sourire. Les antifascistes inquiétés par la justice allemande dans le cadre de l’affaire Budapest risquent gros : une condamnation à 5 ans de prison en mai 2023 pour Lina, et 9 ans de détention requis par le parquet de Munich dans le procès de Hanna, en septembre 2025.

Après la victoire de Gino, celle de Zaid ?

« Pour moi, l’enjeu c’était surtout d’éviter que la demande d’extradition de la Hongrie soit examinée en Allemagne », explique Zaid. Le cas du militant albanais Gino convainc Zaid de se rendre aux autorités judiciaires françaises, le 1er octobre 2025. En effet, Gino, arrêté fin 2024 par la sous-direction antiterroriste et incarcéré pendant 4 mois à Fresnes, bénéficie d’un fort soutien militant, et sa demande d’extradition est rejetée par la justice française en avril 2025, en raison de risques de torture et d’un procès inéquitable. Les mêmes motifs sont avancés par la justice italienne pour s’opposer, en mars 2024, à l’extradition de Gabriele Marchesi. « Le temps est venu, pour moi aussi, de parler de mon affaire, clame Zaid. Je ne veux plus vivre sous pression, caché, dans la défensive. Je veux enfin pouvoir autodéterminer ma vie : trouver un travail, un logement stable, aller de l’avant, continuer le sport et la musique. Viktor Orbán essaye de persuader la France qu’en Hongrie, il y a des procès équitables et des conditions de détention dignes, mais ce ne sont que des mensonges. »

La mobilisation pour Gino a rencontré un large soutien, des antifas à La France Insoumise en passant par des personnalités du monde de la culture (photo du Comité Solidarité Budapest)

Une audience est prévue le 12 novembre 2025 pour statuer sur la demande d’extradition de Zaid vers la Hongrie. En attendant, son passeport est aux mains de la justice et il doit pointer chaque semaine au commissariat. Rien n’est joué d’avance. En février 2025, Maja T. a refusé d’admettre sa culpabilité en échange d’une peine de 14 ans de prison, ce qui laisse entrevoir l’importance de la peine finale encourue. Le 7 octobre 2025, le Parlement européen a voté le maintien de l’immunité d’Ilaria Salis à seulement 306 voix pour et 305 contre. Et n’oublions qu’après le procès sur le fond, la Hongrie pourra formuler une nouvelle demande d’extradition de Gino. Viktor Orbán, grand ami de Donald Trump et de Vladimir Poutine, a de sérieuses cartes en main pour faire pression sur la France, dont les institutions sont gangrénées par l’extrême droite. La mobilisation pour Zaid reste donc à construire, ici et maintenant.

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