Brèves réflexions sur une manif sans saveur

Le Poing Publié le 30 janvier 2020 à 16:11
Manifestation du 29/01

Mercredi 29 janvier 2019, l’intersyndicale montpelliéraine appelait à une nouvelle journée de mobilisation dans le cadre de la lutte contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, récemment présenté en Conseil des Ministres et sévèrement critiqué par le Conseil d’Etat.

Une semaine remplie d’actions

Alors que la semaine a déjà été marquée par plusieurs actions, notamment le blocage des épreuves du contrôle continu du bac dans plusieurs lycées (Guesdes, Clémenceau…), plus de 2.000 personnes ont répondu à l’appel des organisations syndicales pour battre le pavé sur le sempiternel parcours qui part de la place Zeus et va se disperser au bout de la place de la Comédie (ce qui est déjà une avancée par rapport au mois dernier) sans jamais fouler les rues du centre-ville.

CGT, FO, Sud-Solidaires, FSU, CNT ; cortèges d’avocats, de personnels soignants, de cheminots (qui ont jeté symboliquement leurs tenues de travail aux abords de la gare Saint-Roch, en écho à un mode d’action qui se multiplie partout dans le pays) ; gilets jaunes et activistes écologistes… Tout le nuancier des luttes montpelliéraines était là, toujours là, témoignant de sa détermination à ne pas lâcher un combat que les médias dominants annoncent déjà perdu, presqu’oublié.

Des cheminots jettent leurs tenues de travail gare Saint Roch

Un cortège sans vie

Mais l’énergie – ou plutôt, son absence – de l’ensemble du cortège avait de quoi laisser pantois. Le Poing a déjà eu l’occasion de souligner le problème de la ritualisation des samedis jaunes ; la même observation s’impose ici. Il est clair que le fait de répéter continuellement le même parcours (dans un sens et parfois dans l’autre), selon le même mode d’action inoffensif, avec les mêmes playlists se substituant aux slogans et écrasant les conversations, finit par n’avoir plus aucun sens pour personne. Le silence des gens qui marchent en ligne dans ces manifestations est absolument confondant – comme si l’on n’y croyait pas vraiment, mais qu’on venait par acquit de conscience. La forme-manif semble désormais largement vidée de sa puissance.

Si la grève – notamment dans les transports et l’éducation – a été forte et exemplaire à de nombreuses occasions – comme l’illustre notamment la lutte opiniâtre des avocats–, sa difficulté à s’élargir et son enlisement ont porté un coup sévère aux secteurs mobilisés. La multiplicité d’actions coup de poing ou de happenings visant à susciter du buzz permettent depuis d’entretenir la flamme, sans pour autant faire changer sensiblement le rapport de forces contre un pouvoir parfaitement imperméable au peuple, pouvoir avec lequel les directions syndicales jouent a minima un rôle ambigu, comme le démontre la participation de la CGT à la conférence de financement voulue par la CFDT.

L’impasse tactiquo-stratégique est désormais patente – jusque dans les corps, les voix. Le légalisme à outrance des centrales syndicales qui négocient les tracés avec la préfecture, qui a bon jeu de faire en sorte d’invisibiliser les opposants au gouvernement en leur interdisant le centre-ville, correspond peu ou prou à l’émeutisme spectaculaire que l’on retrouve dans certains secteurs plus radicaux du mouvement social. Sans cible concrète, sans stratégie et sans réinvention permanente, la manifestation, qu’elle soit calme ou agitée, n’a que peu de chance d’engendrer une dynamique.

Déborder et se réinventer sans cesse

C’est là que l’on se prend à rêver, d’un côté, à des manifestations de gilets jaunes réfléchies à l’avance, avec une véritable ambition tactique et stratégique, et, de l’autre, de manifestations syndicales qui prendraient le risque du « débordement », de la désobéissance, afin de reconquérir l’espace public. La dernière manif sauvage qui est allée se terminer devant le rectorat de Montpellier avait démontré qu’on pouvait sortir du cadre imposé sans se retrouver nécessairement dans une émeute déjantée.

Mais la semaine n’est pas finie ! Jeudi 30 janvier, à 18h, une nouvelle « retraite aux flambeaux » partira de la CPAM de Montpellier pour rendre hommage à « la sécu », cible des contre-réformes de Macron ; vendredi, l’intersyndicale tiendra des stands d’information sur la place de la Comédie afin de mobiliser la population ; et samedi, les gilets jaunes organisent leur nouvel appel national, dès 10h, sur la place de la Comédie.

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