En prison, alors que ni lui ni son avocat n’ont pu assister au procès

Le Poing Publié le 22 février 2023 à 12:27
Photo de Gwénaël Douillard prise lors de la manifestation du 3 juin 2020 à Montpellier dans le cadre de la mobilisation lancée par le collectif « Justice pour Adama » après la mort aux États-Unis de George Floyd, tué par la police. Image d'illustration

« Le 12 décembre 2022, avant de me rendre au travail, je passe à la gendarmerie qui m’annonce mon incarcération sur le champ pour 12 mois de prison, suite à un jugement qui s’est déroulé le 17 octobre 2022 à Paris sans ma présence ni celle de mon avocat. » Voilà ce qu’écrit Bruno depuis sa cellule du centre pénitentiaire de Béziers à l’Assemblée de Montpellier contre les violences d’Etat qui l’a contacté. Et il ajoute : «Un huissier de justice serait passé à mon domicile et, ma femme et moi étant absents, aurait mis un avis de passage dans la boîte aux lettres. Pire : le parquet aurait envoyé à mon avocat la convocation à une mauvaise adresse mail mais aussi sur un mauvais numéro de fax ». Un cumul de manquements qui interroge… Et un verdict particulièrement lourd : en plus de 12 mois de prison ferme, 4000 euros de dommages et intérêts à verser au policier et un montant élevé de frais de dossier pour absence au procès (1200 euros). Après cette incarcération brutale, inattendue, Bruno a mis 8 jours avant de joindre son avocat depuis la prison. Trop tard pour faire opposition à cette décision de justice. Depuis sa cellule, le détenu a tenté de remuer ciel et terre, s’adressant notamment au défenseur des droits. En vain.

Par quel enchaînement de circonstances en est-on arrivé là ?

Les faits. En décembre 2018, Bruno, un ancien militaire tarnais monté à Paris pour une manifestation de gilets jaunes, donne un coup de poing à un CRS lors d’un affrontement sur les Champs Elysées. Une instruction est ouverte. Reconnu, il est arrêté en janvier 2019 mais laissé en liberté jusqu’à sa comparution en justice sous contrôle judiciaire et avec des restrictions : il doit pointer tous les mois à la gendarmerie et interdiction lui est faite de manifester à Paris et de quitter le territoire français. Tandis que l’instruction se poursuit et dure ( plus de 3 ans) Bruno se plie aux contraintes et, comme le précise sa femme, trouve longue l’attente d’un jugement auquel « il ne se serait pas soustrait s’il avait reçu la convocation ». Le 4 décembre dernier, alors qu’il se présente à la gendarmerie comme les mois précédents, on lui remet une convocation pour le 12, sans lui préciser qu’il s’agit d’un mandat d’arrêt. La suite, c’est la douche froide lorsqu’il se rend à sa convocation et qu’il se retrouve en prison à Béziers, loin de son domicile : la maison d’arrêt d’Albi étant, semble-t- il, saturée.

Envoyé en prison sans avoir pu se défendre ni être défendu par un avocat, est-ce ainsi que se rend désormais la justice en France ? Y a-t-il une différence avec les procès expéditifs qui bafouent les droits du prévenu sous les régimes dictatoriaux, ce que dénoncent à juste titre les défenseurs des droits de l’homme ?

Courant janvier son avocat a fait une demande d’aménagement de peine avec placement sous bracelet électronique, ce qui est en passe de devenir la norme pour une condamnation n’excédant pas un an de prison ferme. Le juge de l’application des peines a 4 mois pour donner son accord. En attendant sa décision, le gilet jaune emprisonné travaille en atelier et les visites régulières de ses proches ainsi que les courriers d’inconnu.e.s, ému.e.s ou révolté.e.s par sa situation, lui permettent de garder bon moral.

Affaire à suivre…

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