Étudiants, lycéens : la jeunesse scolarisée montpelliéraine persiste contre la réforme des retraites
Alors que les journées de mobilisation contre la réforme des retraites se multiplient et que l’intersyndicale se dirige vers un blocage du pays à partir du 7 mars, la jeunesse scolarisée montpelliéraine poursuit sa mobilisation, comme dans le reste du pays. De l’AG du 3 février à Paul Valéry au blocage du lycée Jules Guesde ce jeudi 9 février, en passant par les actions menées sur le campus de la fac de lettres le 6 février et la mobilisation interpro du 7, Le Poing vous raconte.
Une mobilisation étudiante bien ancrée
La mobilisation de la jeunesse scolarisée montpelliéraine contre la réforme des retraites se poursuit.
Sans surprise, la fac de lettres Paul Valéry reste le fer de lance de la mobilisation étudiante sur la ville. Mardi 7 février, à l’occasion d’une nouvelle journée de grève interprofessionnelle, les étudiant.e.s mobilisé.es se sont retrouvé.e.s comme le 31 janvier pour installer des piquets de grève sur le campus tôt dans la mâtinée, avant de former un cortège sur la route vers la grande manifestation intersyndicale. Avec un petit détour par la fac de sciences, où une poignée de manifestants, principalement des profs et des membres du personnel, auront été récupérés. La formule avait déjà été testée le 31 janvier : que ce soit sur les piquets ou au cortège étudiant, moins de monde que la semaine précédente (100 personnes au pré-cortège contre 150 le 31). La faute à une météo moins favorable, plutôt pluvieuse en tout début de mâtinée ? On note sur place une nette avancée dans l’organisation, avec quantité de pancartes soigneusement réalisées au pochoir, aux slogans toujours aussi déterminés (« grèves et sabotages ») ou montrant des aspirations sociales plus profondes que le simple retrait de la réforme des retraites (« à bas l’état, les flics et les fachos »). Une fois rendus place Zeus le cortège se sera séparé en deux : d’un côté un bloc mené par le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM), qui avait négocié une place au milieu des cortèges de travailleurs syndiqués en intersyndicale, de l’autre le reste des étudiant.e.s, derrière les organisations syndicales. Ce qui n’a pas empêché la participation de la jeunesse de grimper en flèche à ce stade de la journée : le SCUM revendique 400 participants derrière sa banderole, là où Solidaires Etudiants parle de 500 personnes pour le cortège resté en arrière, sans drapeaux partisans suite à une décision collective.
La veille de cette mobilisation, le Comité d’Action de Paul Valéry, qui se revendique indépendant des assemblées générales même si ses membres y participent, a mis en œuvre un blocage du bâtiment de l’administration de la fac, contre l’avis défavorable de la précédente AG du 3 février. Lequel aura duré toute la mâtinée. L’objectif : revendiquer le paiement des jours de grève pour les salarié.e.s de la fac et la banalisation des cours pour les étudiant.e.s les jours de mobilisation.
Moins réussie aura été une tentative d’ ”opération CROUS gratuit” (ici l’AG du 3 avait donné son assentiment) menée sur les coups de midi au resto universitaire du campus, par un blocage des caisses. Une vingtaine de repas auront quand même été distribués gratuitement.
Troisième assemblée générale à Paul Valéry
Au lendemain de la journée du 7, une troisième assemblée générale se tenait sur les pelouses de Paul Valéry. Si cette dynamique d’assemblées n’est pas pour le moment sur une pente franchement ascendante (environ 150 participants pour celle du 26 janvier, puis une centaine pour celles du 3 et du 8 février), l’organisation se renforce et la détermination reste de mise. Un atelier fabrication de pancartes y a été décidé, qui a eu lieu ce jeudi 9 février en début d’après-midi. Un étudiant du MOCO est venu prendre la parole, pour demander à ce que les étudiant.e.s des Beaux-Arts soient intégré.e.s aux cortèges étudiant.e.s en partance du quartier des grandes facultés (sciences et lettres). Un syndicaliste du SNESUP-FSU a fait part d’une dynamique un peu poussive en fac de sciences, avec des difficultés à rassembler en assemblées générales malgré une première tentative le 26 janvier, et une quasi-absence des étudiant.e.s dans la mobilisation, au profit des profs et personnels. Pour insister ensuite sur la nécessité de faire d’ouvrir les AG de la fac de lettres aux personnes mobilisées sur le campus de sciences. Idée applaudie et adoptée. Rappelons que la simple tenue d’assemblées en fac de sciences, traditionnellement assez imperméable aux mouvements sociaux est déjà le signe d’une importante lame de fond contre la réforme des retraites. Un compte instagram a été ouvert par le comité de mobilisation de Paul Valéry, en lien ici. L’assemblée a aussi voté la création d’une commission non mixte chargée de prendre en charge, par la sensibilisation ou par des méthodes plus énergiques si besoin, d’éventuelles expressions de discriminations en lien avec les questions de genre ou d’orientation sexuelle. Les revendications se voient étendues à un rejet de ParcourSup (le volet ParcourSup Master doit entrer en vigueur prochainement) et de la sélection dans l’enseignement supérieur. La caisse de grève destinée aux personnels précaires de la fac de lettres en est à plus de 400 euros. L’assemblée a renouvelé son soutien aux anciens grévistes de Sanofi menacés par la direction du site montpelliérain après le mouvement social de décembre 2022 pour des augmentations de salaire (deux déléguées syndicales sont menacées de licenciement, tandis qu’un travailleur non-syndiqué a déjà été mis à la porte). Avant de revenir sur l’assentiment apporté le 3 février aux actions type « CROUS gratuit » dans les restos universitaires. Un stand sera tenu quotidiennement devant la Bibliothèque Universitaire par le comité de mobilisation. Des sondages vont être mis en place sur les pelouses du campus pour voir comment et par quels modes d’action mobiliser les étudiant.e.s. Si un blocage reconductible de Paul Valéry a été écarté, cette possibilité est retenue pour les jours de mobilisation impliquant des raffineurs ou camionneurs. Les mobilisations lycéennes ont aussi été évoquées, avec une solidarité exprimée et l’éventualité d’un soutien organisationnel.
Les blocages de lycées reviennent à Montpellier
Ce n’est pas un hasard si les mobilisations lycéennes ont pointé le bout de leur nez à l’assemblée du 8 février en fac de lettres. Le lendemain, jeudi 9 février, un blocage du lycée Jules Guesde était organisé, en même temps qu’un piquet de grève des profs de Jean Monnet. Une poignée d’étudiant.e.s étaient présents pour les soutenir, tous militants hors contexte de mouvement social (huit personnes du SCUM et quelques membres du Poing Levé et de Solidaires Etudiant.e.s) en cohérence avec les décisions de l’AG de la veille à Paul Valéry. Le Poing a pu recueillir le témoignage d’Antoine, militant du SCUM présent sur place : « Les lycéens étaient une vingtaine devant le lycée avant l’ouverture de l’établissement pour en bloquer l’accès. Il y a eu de petites tensions avec les membres de l’administration. L’idée c’était qu’on ne peut pas se contenter des journées de mobilisation de l’intersyndicale nationale pour lutter contre la réforme des retraites. A ça se greffait la contestation de Parcoursup, qui a mis en place une forme de sélection à l’entrée à l’université, et qui est en passe d’entrer en vigueur pour l’entrée en Master aussi. Dans la mâtinée beaucoup de lycéens sont restés devant l’entrée du lycée bloqué, l’ambiance était très conviviale. C’est un aspect qu’on oubli souvent dans les mouvements sociaux, mais c’est très important ces ambiances où les gens font tout un tas de rencontres, c’est très riche. Tout s’est bien passé, sans intervention de la police. En allant vers la fin de mâtinée certains ont réussi à entrer, le blocage s’est un peu délité, puis le bruit à tourné que certains profs reprenaient les cours et se mettaient à faire l’appel. Du coup beaucoup de lycéens jusqu’ici posés dehors ont voulu rentrer à leur tour, le barrage est devenu franchement filtrant. Je suis parti vers midi, mais les lycéen.e.s les plus mobilisé.e.s sont resté.e.s à l’entrée de Jules Guesde pour assurer une présence et une visibilité. » Des lycéen.e.s étaient présent.e.s dans les cortèges de la jeunesse le 7 février, et des blocages contre la réforme des retraites avaient déjà eu lieu dans l’Hérault, comme le 2 février au lycée Henri IV de Béziers. Ce jeudi 9 février, un nouveau blocage à eu lieu au lycée biterrois Jean Moulin avec 400 élèves participants. Des affrontements avec la police ont éclaté, et celle-ci a fait usage de gaz lacrymogènes en quantité. Certains élèves ont dû être pris en charge par les pompiers. D’après France Bleu huit jeunes lycéens ont été interpellés : un a été relâché, les autres placés en garde à vue.
Vers un printemps de la jeunesse scolarisée ?
Se dirige-t-on vers un printemps de la jeunesse scolarisée ? Celle-ci semble particulièrement mobilisée dans tout le pays contre la réforme des retraites. L’Alternative, fédération de syndicats locaux et indépendants à laquelle adhère le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier (SCUM, revendique 180 000 jeunes dans les rues pour le 7 février (150 000 le 31 janvier), 200 lycées et 15 facs bloquées.
Lundi 6 février, les étudiant.e.s de Rennes 2 ont voté un blocage reconductible de leur université après une gigantesque assemblée générale qui a suivi un meeting du député Insoumis Louis Boyard, organisé par le syndicat étudiant indépendant Union Pirate. Certains occupaient également la Salle de la Cité, anciennement nommée Maison du Peuple, haut lieu de la gauche à Rennes, investie dans la soirée du 8, avant que des CRS soient dépêchés sur place ce jeudi 9 février pour une évacuation.
L’université Paris-1 avait également voté le blocage pour la journée du 7 février, comme Lille 2, ou le Mirail à Toulouse, après une AG de 300 personnes. Dans certaines villes le mouvement a continué le 8, bien que plus modestement. Les actions inter-facs et inter-lycées ont rassemblé 500 personnes et sont passées dans plusieurs établissements du Quartier Latin à Paris, haut lieux des émeutes étudiantes de mai 68. De même à Toulouse, avec plusieurs dizaines de lycéen.e.s et étudiant.e.s encore mobilisé.e.s au lendemain de la journée interpro.
Certains lycées étaient également bloqués contre la réforme des retraites ce jeudi 9 février, comme le lycée Goscinny de Drap dans les Alpes-Maritimes, ou encore en Guadeloupe où le mouvement est particulièrement suivi chez les plus jeunes.
Si la mobilisation n’est pas non plus, pour le moment, générale dans les facs et les lycées, restant même encore éparse au quotidien, la sauce semble prendre dans la jeunesse scolarisée. Alors que l’intersyndicale nationale annonce rentrer dans le dur du blocage du pays le 7 mars prochain, est-on en train d’assister aux prémisses d’un printemps étudiant et lycéen ?
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