Exécution de Nahel : l’insurrection gagne Montpellier, une personne de 71 ans blessée par la police

Le Poing Publié le 30 juin 2023 à 09:55 (mis à jour le 30 juin 2023 à 11:23)
Barricades incendiées à la Paillade (Montpellier) dans la nuit de 29 au 30 juin 2023 (révolte suite à l'exécution de Nahel par la police).

Depuis l’exécution de Nahel par la police, les quartiers populaires urbains de France s’embrasent. A Montpellier, les quartiers Mosson-La Paillade ont rejoint la révolte.

Depuis la loi de 2017, sous François Hollande, autorisant les policiers à tirer sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui », les images à l’américaine de froides exécutions policières se multiplient. En temps normal, le procédé est bien rôdé : un policier exécute un individu, noir ou arabe évidemment, dans la foulée les médias salissent le cadavre encore chaud (il était drogué/déjà condamné/nul à l’école, etc.), le Procureur inverse complètement la situation en accusant la victime d’avoir voulu tuer le policier, l’IGPN confirme la version et, déprime totale, la famille appelle au calme.

Mais les plans ne se déroulent pas toujours sans accroc. Dans le cas de Nahel, la vidéo, effroyable, ne laisse place à aucune interprétation : les policiers n’étaient pas menacés et ont prévenu qu’ils allaient « mettre une balle dans la tête », avant de tirer, quasiment à bout portant. Les classiques « oui mais on n’a pas le début de la vidéo » sont dures à placer. L’adolescent a une gueule d’ange, n’a jamais été condamné par la justice, est intégré dans un club de rugby et sa mère appelle à se révolter. Mais combien de Nahel n’ont pas été filmés, jetés en pâture par une vieille condamnation de justice bidon, salis par la diffusion d’une photo ne les mettant pas en valeur ? Si l’Etat, cette fois-ci, a décidé de mettre en sourdine les mensonges médiatiques et de lâcher, temporairement et partiellement, un policier (on attend tout de même de voir la tournure des événements), c’est uniquement parce qu’ils y étaient obligés face à un rapport de force en leur défaveur.

Il n’y a pas de révolte sans feu. Avec 40 000 policiers et gendarmes mobilisés, dont les troupes d’élite (RAID, BRI), on se trouve à un niveau d’insurrection digne des meilleurs épisodes des gilets jaunes. La révolte s’étend plus rapidement qu’en 2005. A Montpellier, les quartiers Mosson-La Paillade ont rejoint la révolte dans la nuit du 29 au 30 juin. Barricades incendiées, bris de vitres du bureau de police Nord, tirs de feu d’artifice, pillage de l’Aldi Saint-Paul, caméras cassées, guet-apens (voir images ci-dessous). Le RAID était sur place. Midi Libre parle d’une « victime collatérale blessée par un lanceur de balles de défense ». France 3 note qu’une « personne âgée de 71 ans a également été admise au CHU de Montpellier […] elle aurait été victime d’un tir de LBD, un lanceur de balles de défense. »

Des affrontements ont également eu lieu à la Devèze, à Béziers (attaques de la mairie annexe, de la Mission locale et d’un distributeur automatique de billets), à Nîmes (poste de police de l’avenue Bir Hakeim visé) et à Narbonne (voitures incendiées).

Et face aux éternels « non, mais vous brûlez les mauvaises cibles, ça ne sert à rien de casser vos propres bâtiments », on répondra par ces douces phrases de l’afro-américaine Kimberly Jones prononcées lors du mouvement Black Lives Matter : « Pourquoi nous mettons le feu à nos propres quartiers ? Ces quartiers ne sont pas à nous ! Nous, nous ne possédons rien ! Il y un contrat social qui nous lie tous, selon lequel si je vole, ou si vous volez, alors la personne dépositaire de l’autorité publique arrive pour prendre en charge cette situation. Mais cette personne nous tue ! Donc le contrat social est rompu. Et si le contrat social est rompu, pourquoi devrais-je me soucier du stade de football qui brûle ? »

Qu’on se le dise, tant que la fumée des incendies n’est pas retombée, le bilan exact du soulèvement en cours ne peut être proposé : comme tout évènement de ce type, au-delà de son aspect principal (les affrontements avec le pouvoir, ses représentants, ses symboles, du comico à la mairie), un aspect secondaire et négatif existe. Il est fait de pillages nihilistes (sans remettre en cause ceux s’expliquant par la cherté de la vie), d’agressions gratuites (de personnes isolées, de prostituées) et d’actions abjectes (la dégradation d’un mémorial de la déportation). Tout comme la violence policière qui se déploie peut soit briser le mouvement par la répression aveugle, soit le renforcer. Sa spontanéité, qui jusqu’ici a été une force, pourrait devenir sa principale faiblesse. Mais elle laissera des traces, cristallisera des camps – de cela, l’on peut déjà être certain. Alors, comme le préconisait le penseur péruvien Mariátegui, à l’heure des brasiers, il faut voir la lumière.

La partie ne fait que commencer : une manifestation est prévue à 20h ce 30 juin à Montpellier place de la Comédie.

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