Fuite en avant autoritaire : que reste t-il de notre état de droit ?

Le Poing Publié le 28 mai 2021 à 13:25
Interpellation d'un manifestant, 1er mai 2021, Paris. © Samuel Clauzier

Dernier sujet imposé à la société dans son ensemble : « La justice et la police sont-elles compatibles ? » sujet classique, entre application de la loi selon les textes législatifs et moyens coercitifs d’appréhender les auteurs de trouble à la loi, la différence de rôle des deux institutions, justice et police, avait été réglée « de droit »,  par la constitution, ce qui permettait d’articuler ces deux fonctions de façon cohérente, la coercition avec usage éventuel de la force et le rendu de jugement au vu des énoncés d’une instruction.

Il ne suffit donc pas de croire qu’un individu est coupable, l’arrêter et le punir, faut-il encore que des faits soient rationnellement rassemblés en enquête, soumis à l’appréciation d’un juge au vu des textes en vigueur pour qu’un jugement soit émis et une peine prononcée. Pour cela le législateur a mis en vigueur la « séparation des pouvoirs », il en découle aussi que la police fonctionne sous le contrôle de la justice, non seulement la police est soumise à la loi mais la justice vérifie que cette conformation de rôle est validée.

Voilà dit de façon simple ce qui aurait dû rester une évidence en démocratie et dont la remise en question aurait surgi de façon spontanée au cours de la dernière manifestation des policiers devant l’assemblée nationale avec cette déclaration d’un participant « faisons sauter les digues de la loi et de la constitution », rien de moins…

Déclaration outrancière que certains voudraient voir comme marginale, pourtant nous trouvons une approche plus globale dans le même sens avec d’autres déclarations de dirigeants syndicaux d’extrême-droit déclarant « Le problème de la police, c’est la justice ».

Un sujet qui ne sort certainement pas de nulle part et de façon spontanée, une partie de la police est imbibée des idées du FN (RN si vous préférez), ils ne font là que produire à plein décibels de manifestation leur rejet de la prévalence de la justice sur la police tel que l’extrême-droite l’exprime. La figure emblématique du « juge rouge » (Idéologisé, complaisant, dans la culture de l’excuse) fait sa réapparition, certaines chaines d’information en continu servent de caisse de résonnance et font flamber le débat, les sondages démontrant le laxisme de la justice battent leur plein, la jouissance autoritaire est à son acmé et cette jouissance n’est rien d’autre que la perspective d’abattre un des fondements de la démocratie, c’est-à-dire qu’après cet envisagé d’abattage nous passerons à la case départ qui n’est rien d’autre, osons les mots, qu’une dictature.

Et seulement certains policiers, certains journaux, dans cette mouvance ? Certainement pas, voilà que depuis quelques jours s’abat des interdictions à profusion de manifestations, Palestine, Colombie, associations paysannes, éboueurs, qu’importe le sujet pourvu que ce qui est défini comme une mouvance de gauche non tolérée soit mise sur le carreau. Qui se colle à ces répressions devenant train quotidien des militants ? Les forces dites de l’ordre, en l’occurrence d’un ordre particulier, celui d’un pouvoir en place ayant en visée nocturne l’échéance de l’élection présidentielle dans un an.

Jamais nous ne sommes tombés aussi bas, pour le moment, avec une telle collusion d’extrême-droite, de policiers et de pouvoir en exercice. Dupont-Moretti s’arcboute encore poliment au « Bauvaux de la sécurité », entre rôle et principes fondamentaux, il faudra bien qu’il se déniaise rapidement s’il veut arriver à sauvegarder quelques bribes de ce qui se délite massivement, à moins qu’il ne collabore jusqu’au bout, jusqu’au bout du souffle de cette démocratie sous oxygène.

Z, un film, Costa-Gavras, 1969, j’invite les plus jeunes à illustrer mon propos en le visionnant.

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