La députée LREM récupère les humanitaires, et en même temps sa police les fracasse

Le Poing Publié le 21 avril 2020 à 12:14 (mis à jour le 23 avril 2020 à 23:32)
Coralie Dubost, membre de La République en marche, députée dans la troisième circonscription de l'Hérault

Une semaine d’aide alimentaire aux SDF de Montpellier. Lundi à la gare, un bénévole se fait démolir par des policiers. Samedi, la députée Coralie Dubost garnit son compte Twitter en jouant aux humanitaires

Une grave crise comme celle que nous traversons, encourage dangereusement notre penchant à bien aimer la main gauche de l’État (la généreuse, la protectrice), et nous accommoder de sa main droite (l’autoritaire, la répressive). Totale erreur. Ne jamais oublier qu’il s’agit des deux faces d’une seule médaille : celle d’un Etat qui contrôle et amoindrit la puissance autonome de nos existences. Caricature en est donnée, par une coïncidence survenue dans l’actualité montpelliéraine de la semaine écoulée.

Pas plus tard que samedi, Coralie Dubost – omniprésente dans les pages de Gala depuis que son conjoint Olivier Véran a été nommé ministre de la Santé – députée de la 3e circonscription de l’Hérault, se pique de se préoccuper des plus pauvres. Elle se présente à la maraude de l’Association humanitaire de Montpellier, dans les locaux de l’Espace Martin Luther King, sur le boulevard Louis Blanc, à deux pas du Corum.

Cette maraude jouit d’une très bonne image. Elle est portée, cœur sur la main, par des personnes souvent jeunes, de tous milieux et origines, avec une fraîcheur qu’on trouve moins dans des structures de plus vieille souche. Pour autant, un mix de petits moyens, d’immense bonne volonté, et d’engagement énergique, assure une prestation de très bon niveau. Des dizaines de bénévoles se relaient pour distribuer quotidiennement cent cinquante repas environ, mais aussi amorcer un accueil social.

N’y a-t-il pas là de quoi enchanter une élue de la majorité, qui a mimé ce travail bénévole pour un seul soir, passant masque (que l’association récupère auprès d’autres humanitaires – on en est là – sans moyen d’en distribuer aux SDF en péril), gants et charlotte. Après quoi, il lui fallait vite rentabiliser la chose, en se précipitant sur son compte Twitter. Là elle s’émerveille – comme c’est charmant – que « loin des visios qui ont remplacé nos institutionnels travaux et réunions », elle ait pu opérer « un retour à l’essentiel, le partage de l’action directe (sic). Distribution alimentaire aux démunis – ce ton de dame patronesse… – avec les belles associations (sic) etc. Belles, bêle.


Cette récupération sans vergogne fait enrager quand on observe les risques de contamination pris par tous ces bénévoles, assurant un service public qui coûterait au moins dix fois plus cher à la collectivité, si toutefois les pouvoirs publics, mairie, préfecture, daignaient assumer leur responsabilité face à la grande pauvreté qui règne dans les rues de la ville. Mais enfin, il restait à l’Association humanitaire de Montpellier de relater l’événement sur sa page Facebook, non sans rappeler que d’autres élus prêtent la main (certaine quasi quotidiennement à titre personnel), et remercier diverses instances qui apportent quelque appui en personnel ou matériel.

Prudemment, le message associatif précisait : « Aucun commentaire de règlement de compte sur un élu ou l’autre ne sera toléré sur notre page », du fait que cette association ne prône que « le vivre ensemble au service de l’humanité », cela « sans aucune appartenance religieuse ni politique ». Limites du bénévolat associatif… On a quand même pu lire ce message impertinent : « Madame Coralie Dubost, députée LREM, est-elle au courant du nombre de nouveaux pauvres que la politique de son parti crée tous les jours ? Ha non, c’est vrai qu’ils ont supprimé l’Observatoire national de la pauvreté ».

Puis on lui suggèrera de mieux se renseigner sur la vie des volontaires des « belles associations » qui l’enchantent. On découvrait en effet, ce même lundi 20 avril, un communiqué porté par neuf associations montpelliéraines, regroupées dans une autre plateforme d’aide alimentaire créée dans le cadre de l’épidémie, engageant soixante bénévoles de terrain, avec le soutien de la Ville de Montpellier et de la Préfecture de l’Hérault. C’est du lourd : Luttopia, Deux Choses Lune, AREA, Secours catholique, Médecins du Monde, Ligue des droits de l’Homme, Cimade, Petite cordée, Secours populaire français.

C’est un membre chevronné de cette dernière association, M. G., trentenaire confirmé, mais de peau basanée – on craint que cela ait pu jouer… – qui s’est fait agresser brutalement en début de semaine passée. Lundi 13 avril, 13 heures, il veut prendre un bus à proximité de la gare, pour rejoindre les locaux de son association. Déboulent, très directement sur lui, des policiers vérifiant les attestations dérogatoires de circulation sur la voie publique. M. G. a bien la sienne, dernière case cochée (“Participation à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative”), ses papiers d’identité, mais encore un ordre de mission, nominatif, signé du responsable local du Secours populaire.

Mais rien qui retienne un premier policier de lui hurler dessus, en gerbe de postillons, jetant ses papiers à terre, en l’accusant de « rompre le confinement ». Et puisqu’on est sous le régime de Macron, ce gouvernement LREM, celui que soutient si fort Coralie Dubost, dont le ministre Castaner a assuré qu’il couvrirait toute action, tout comportement policier quels qu’ils soient, on pouvait s’attendre à ce qu’un second agent en uniforme se précipite sur M. G., le rejette vers l’arrière, d’une forte pression du poing. D’où une chute, très violente, contre une poignée métallique d’une porte de la gare. Bilan : cinq jours d’ITT.

Ainsi instruit des mœurs du monde de Dubost, le malheureux a déposé signalement auprès de l’IGPN, et plainte en gendarmerie, avec recommandé / accusé de réception au Procureur de la République, complété d’une demande de réquisition des enregistrements de vidéo-surveillance. Mais bon, dans ce registre, à Montpellier comme ailleurs, on sait que même la perte d’un œil ne saurait justifier qu’on bouge un petit doigt. Dubost et son monde.

Le communiqué associatif exige toutefois que, devant un tel « manquement manifeste aux règles déontologiques », et ces « violences sans fondement », qui n’ont rien d’isolé sur le plan national, « toute lumière soit faite, et justice rendue ». Il est également rappelé que « tous les bénévoles agissant dans les mêmes conditions sont potentiellement concernés ». Mais bon, nul doute qu’en cas de nouvel incident, Coralie Dubost se précipitera pour suppléer au cinq jours de bénévolat soldés en Incapacité temporaire de travail, par sa police déchaînée.

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