La Paillade s’embrase | Edito

Le Poing Publié le 17 décembre 2022 à 10:35
Sur Montpellier une cinquantaine de jeunes ont effectué une descente chez la communauté des gitans pour venger le jeune tué par un chauffard après le match France maroc. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur le fil telegram "C Pas des Lol"

A Montpellier, la soirée de mercredi, marquée par la victoire des Bleus contre les Lions de l’Atlas en demi-finale de la Coupe du Monde au Qatar, s’est terminée en drame. En ville, la fête a été gâchée sur la place de la Comédie par des activistes d’extrême-droite qui ont lâchement provoqué des affrontements entre supporters des deux équipes. Et plus loin, à la Paillade, un automobiliste entouré par un groupe de supporters marocains a écrasé un adolescent de 14 ans. Le jeune Aymen est mort. La voiture du chauffard est poursuivie, son passager est retrouvé puis tabassé. La mécanique de la violence est enclenchée.

Justice !

Si il existe bien une exigence populaire, c’est celle de justice. Le sentiment d’injustice est puissamment révolutionnaire. Aujourd’hui en France, nous savons comment fonctionne le système judiciaire. Le Poing le documente depuis maintenant près de dix ans : les tribunaux, leurs flics et leurs magistrats envoient en prison ou à l’hôpital des pauvres accusés d’avoir volé pour manger, alors que les corrompus, les agresseurs, les puissants sont épargnés et protégés. Nous n’avons aucune illusion quant au fonctionnement de la justice de classe.

Pour autant, nous espérons, de manière peut-être idéaliste et messianique, qu’un jour, les méchants seront punis, et les justes récompensés. Ou, plus simplement, que la justice sociale remplacera la parodie actuelle. Nous comprenons donc la colère qui s’empare de nombre de personnes quand un de leur proche est soudainement tué – particulièrement quand il s’agit d’un jeune adolescent, fauché un soir de match, sans raison, une mort aussi tragique qu’absurde. Quoi qu’ai pu penser le chauffard, rien n’autorise à foncer au volant de plusieurs tonnes de métal sur des êtres humains. Ce crime, comme tous les autres qui ont pu être commis ici et ailleurs lors de cette soirée, doit être traité, le coupable puni.

Mais tout le monde sait comment fonctionne l’institution judiciaire. Pratiquement plus personne, dans les quartiers populaires, ne lui fait confiance. Combien de vols, de viols, d’agressions, de violences policières, finissent an affaires classées, alors que les prisons déjà surpeuplées se remplissent de prolétaires aux vies détruites pour des broutilles ? Donc, l’exigence de justice prend une autre forme. La pire des formes : la forme pogromiste.

L’éternel retour des « Querelles intercommunautaires »

Très vite, la nouvelle se répand : l’automobiliste serait issu de la communauté gitane. La mort d’un jeune supporter marocain prend une portée symbolique immense, des centaines d’habitants de la Paillade se rassemblement et attaquent des logements gitans lors des soirées suivantes, les mettant à sac. Un adolescent aurait été kidnappé, un local associatif incendié, et une partie des habitants aurait pris la route pour se mettre au verre le temps que la tension retombe. De chaque côté, les armes sortent, et on craint un nouveau drame.

Mais aucune exigence de justice n’excuse ces déprédations. Les violences racistes, d’où qu’elles viennent et qui qu’elles visent, doivent être combattues. Les exemples sont malheureusement nombreux, et ont pu prendre toutes les formes au cours des dernières années : mobilisations de nationalistes turcs attaquant Kurdes et Arméniens, attaques antisémites commises par des islamistes, rondes « anti-casseurs » de commerçants rassemblés par communauté, expulsions de squats de Roms par des équipes de quartier… Les antagonismes de classe nourrissent les idées réactionnaires, qui ont des effets très concrets. Et bien souvent, la rumeur d’un crime particulièrement sordide, viol ou meurtre, déclenche la fureur pogromiste.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se taire quand des familles, ici gitanes, sont visées gratuitement pour leur simple existence par des bandes profitant de la mort d’un adolescent pour déverser leur haine raciste. C’est une insulte à sa mémoire comme à sa famille. Refusons le discours apolitique, éternellement recyclé par la classe dominante de droite comme de gauche, parlant de tensions « intercommunautaires » : non, ce n’est pas un jeu à somme nulle, des vies sont en jeu. Et l’incapacité du système en place à assurer la justice laisse place à la barbarie.

Seule la solidarité dans la lutte pour la justice et contre les attaques en tous genres pourra ouvrir une voie.

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