Loin des micros officiels, discussions avec des manifestants anti-pass | 4ème entretien
Le Poing a décidé de produire dans les jours qui viennent une série de discussions avec certains de ces manifestants anti-pass. De ceux qu’on entend pas, loin des micros officiels et des tribunes, et des questions trop brèves du micro-trottoir journalistique aboutissant à de la caricature. 4ème entretien. Nous nous sommes entretenus avec des personnes variées, avec donc du contenu et des thèmes divers. Retrouvez notre cinquième et dernier entretien dès demain 3 septembre à 20 heures.
Si vous avez déjà lu notre premier, notre second ou notre troisième entretien, vous pouvez sauter l’introduction, qui est la même, pour passer directement à la discussion.
Lors de la manifestation montpelliéraine du samedi 28 août – sur laquelle Le Poing a déjà réalisé un article – un de nos journalistes est allé à la rencontre des personnes qui ne prennent pas la parole, loin des micros officiels et des tribunes. En essayant de se tourner vers des profils variés, et pour des discussions relativement approfondies. Un peu en deçà de l’entretien, un peu au-delà du micro-trottoir. Evidemment le temps nous a été compté, nous n’avons pas pu aborder tous les sujets auxquels on aurait aimé toucher avec tout le monde. Et nous ne prétendons pas avoir eu accès à un panel rigoureusement représentatif des participants à cette manifestation. Nous vous proposerons dans les jours à venir une série de discussions, publiées d’une manière relativement brute pour ne pas faire violence à tout ce qui se comprend dans les non-dits, les changements de sujets etc…
Avant de vous présenter le quatrième entretien, petite mise au point méthodologique. On peut se dire que le journalisme a trois objets : les faits, l’expression d’opinions ou l’analyse, et l’être humain.
Le Poing vous a déjà, avec d’autres médias indépendants, proposées des vérifications de faits. Dans le cas des manifs anti pass, souvent sur l’extrême-droite, à laquelle ce mouvement est loin de se réduire, sur certaines théories sorties de sources non fiables, ou encore sur la nature du leadership du mouvement montpelliérain. Et nous continuerons à le faire. Nous avons, comme d’autres, exprimé notre point de vue de manière raisonnée et documentée, via des éditos ou des analyses. Et nous continuerons à la faire.
Vérifiez toujours vos sources, recoupez les pour voir si vous tombez sur la même chose ailleurs, ne cédez pas aux rumeurs de couloirs, c’est crucial dans une période où les vautours de toutes sortes manipulent les justes colères !
Mais cette fois-ci notre démarche sera différente. Nous nous intéresserons très directement aux gens présents, en silence. Aussi comprenez que si tout n’est pas sourcé, ça ne relève pas de la négligence. Une conviction humaine, contrairement à un fait, ne se source pas : elle se constate, se discute, évolue parfois. Comprenez aussi que l’absence de commentaires ne relève pas d’une volonté de permettre à n’importe quelle thèse de se répandre. Il s’agit plutôt, avec nos maigres moyens, de saisir une époque.
Nous n’entretenons aucunes illusions quant au fait que le mouvement anti-pass soit un mouvement entièrement ouvrier ou populaire. On y trouve de tout. Y compris des gens des classes populaires. Et dont certains souhaiteraient une révolution. Aussi nous citerons Rosa Luxembourg, une allemande qui a milité toute sa vie pour un communisme démocratique, radicalement différent de celui qui a pu être mis en œuvre en URSS ou ailleurs :
« Disons-le sans détours, les erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire sont historiquement infiniment plus fécondes et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur « Comité central ».
Précisons enfin qu’aucune des personnes interrogées n’ a souhaitée ni être prise en photo, ni donner son nom. Preuve certainement que la question du pass est clivante dans tous les cercles sociaux, familles comprises.
Après mes discussions avec une dame à chignon, un grand bonhomme plein de bonne humeur, et un homme préparant sa retraite en montagne, je rejoins enfin le cortège de cette manifestation du 28 août contre le pass sanitaire. Que j’avais perdue à force de digressions politiques ( oui, pour nous le simple fait de se rassembler contre une mesure liberticide est un acte politique ).
Je croise un pompier. Invités à la tribune organisée en début de manif sur les marches de l’Opéra Comédie, tout ce qu’il y a de plus officielle, les représentants de ce corps de métier avaient refusé de prendre la parole au micro au nom d’un devoir de réserve. Et pourtant, quand je me présente à lui comme journaliste indépendant, il accepte de prendre la parole pour publication.
Lui : En tant que pompiers, le pass sanitaire et la vaccination obligatoire, qui fait peur, en face de trois essais cliniques à grande échelle seulement, surtout pour un vaccin avec si peu d’essais cliniques, est contraire à nos valeurs. Dans certains départements on demande aux pompiers de contrôler le pass sanitaire, dans les aéroports par exemple. Ce n’est pas notre métier, nous on est là pour intervenir sur des feux, des accidents, des chutes à domicile. Ce qui nous va pas non plus c’est que si vous signez pour le vaccin, que ce soit par conviction ou par obligation pour aller travailler, vous engagez votre responsabilité individuelle, vous signez. Alors que les essais cliniques dureront jusqu’en 2022 ou 2023. Quelque part le gouvernement se dédouane de toute responsabilité envers ce qui pourrait être les conséquences du vaccin. Il serait plus logique de rendre la vaccination franchement obligatoire, mais que l’Etat assume en cas de complications. On est là ni contre notre hiérarchie, ni contre les collègues vaccinés. On est là pour défendre des valeurs auxquelles on croit. Je suis fier d’être pompier volontaire. Et imposer un pass ou une vaccination, quelques soient ces effets positifs ou négatifs, c’est contraire à l’éthique et à la morale. Pour entrer chez les pompiers on a tout un tas de vaccins obligatoires à faire, donc on n’est pas contre les vaccins en principe.
Le Poing : Comment peut-on réagir à la présence de certains groupes d’extrême droite dans les manifestations ?
Lui : C’est un mouvement ouvert dans lequel chacun est bienvenu tant qu’il combat le pass. Certains médias agitent ce spectre pour discréditer le mouvement, mais c’est une infime minorité dans la réalité.
LP : C’est sûr que le majorité du mouvement paraît bien loin de l’extrême-droite. Mais sur Montpellier on a observée, et documentée, la présence de militants de la haine raciale condamnés pour des violences gravissimes. Qui d’ailleurs ont attaqués d’autres groupes qui ne leur plaisaient pas idéologiquement le 24 juillet. Puis intimidé avec des gants coqués une personne taxée de bougnoule. Est-ce qu’on peut laisser faire ça ?
Lui : C’est dommage mais bon, c’est un mouvement qui est ouvert, donc tout le monde peut s’évacuer. Après je sais pas. C’est scandaleux mais j’ai pas de solutions. Avec les forces de l’ordre qui n’interviennent pas pour canaliser… En tout cas ça n’est pas représentatif du mouvement. Il y aura toujours des troubles fêtes, qui se voient malheureusement, mais c’est pas la majorité. Cette semaine tout c’est bien passé. Celle d’avant un peu moins : on a eu un blessé chez nous pompiers. Sans avoir rien demandé : c’est des groupes rivaux, l’extrême droite et les antifas, avec leurs idées, un peu extrêmes. Nous ça ne nous regarde pas.
LP : On a connu un mouvement social très différent, les gilets jaunes. De manifs du samedi en manifs du samedi les revendications portées n’ont abouties que marginalement. Comment s’y prendre à ton avis pour gagner sur le pass sanitaire ?
Lui : Les gilets jaunes étaient des gens en colère, très en colère de vivre dans la pauvreté, de vivre beaucoup de choses injustes. On peut s’en sentir solidaire ou pas, mais on ne peut pas leur enlever leur colère. Certains problèmes prennent de l’ampleur en France, comme la misère. Chacun son avis là-dessus, mais on ne peut surtout pas dénigrer les gilets jaunes.
LP : Mais revenons à cette lutte contre le pass et aux moyens qu’elle pourrait se donner pour la victoire.
Lui : Si on est fidèle à nos principes on utilise pas le pass sanitaire. Un boycott. Bon malheureusement ça peut désavantager les petits commerçants qui sont obligés de le demander… Après les changements dans l’Histoire ça se fait souvent avec une toute petite minorité très active. Quelque part je crois que les gens qui sont là représentent une bien plus grande partie de la population. Donc j’ai bon espoir.
Nous nous sommes entretenus avec des personnes variées, avec donc du contenu et des thèmes divers. Retrouvez notre cinquième et dernier entretien dès demain 3 septembre à 20 heures.
Julien Servent
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