Montpellier : la Chambre Régionale des Comptes étrille la Métropole sur son usage des cabinets de conseil
Entre 2019 et 2023, la Métropole de Montpellier a commandé 176 prestations à des cabinets de conseil pour un montant global de 16,9 millions d’euros. Pour la Chambre Régionale des Comptes, les modalités de recours à ces cabinets doivent être davantage définies et encadrées, et l’évaluation de ces prestations doivent être renforcées
Dans le cadre d’une enquête inter-régionale relative au recours par les collectivités locales aux prestations intellectuelles délivrées par des cabinets de conseil, la Chambre régionale des comptes a publié un rapport sur la Métropole de Montpellier ce lundi 17 février. On y apprend que la collectivité “a commandé 176 prestations à des cabinets de conseil pour un montant global de 16,9 millions d’euros” entre 2019 et 2023. Ces prestations intellectuelles concernent principalement l’urbanisme, l’environnement et les mobilités.
La Métropole a également délégué une partie de ses études (notamment sur les questions de logement les transports ou l’énergie) à des satellites dont elle est actionnaire majoritaire comme Altémed (Aménagement, logement, transition énergétique Méditerranée) et la SA3M, la société publique locale d’aménagement de Montpellier Méditerranée Métropole. Le tout pour 15,4 M€ pendant la période, soit un montant similaire à celui des cabinets de conseil privés.
Un recours massif malgré des compétences d’expertise en interne
La Chambre régionale des comptes note un accroissement du recours au cabinet de conseil sur la période expliquée, et l’explique notamment par la nécessité de programmer des investissements en début de mandat pour Michaël Delafosse, élu en 2020 (avec 15% des voix des inscrits, ça fait jamais de mal de le rappeler). Des recours aux cabinets de Conseils justifiés par la collectivité par un manque de compétences en matière d’expertise en interne.
Pourtant, le rapport note que “la composition des effectifs à Montpellier Méditerranée Métropole se distingue, pourtant, par un taux de 22,7 % d’agents d’encadrement supérieur, de catégorie A, dans les filières administratives et techniques, soit 490 agents. Parmi eux, 32 contrats de projet de catégorie A sont chargés de mettre en œuvre un ou plusieurs projets de la mandature.” La Chambre conseille donc d’établir une liste précise des domaines d’expertise des agents de la Métropole afin de mieux évaluer l’utilité d’un recours potentiel à un cabinet de Conseil.
Une nécessité d’encadrement renforcé
La Chambre souligne qu’en 2023, la Métropole s’est dotée d’une doctrine d’emploi pour encadrer le recours aux cabinets de conseil. Néanmoins, le rapport note que la collectivité doit mieux définir la préparation de l’achat de ces prestations intellectuelles, et notamment mieux définir ses besoins (ce qu’elle attend de la prestation auprès de l’acheteur) dans son cahier des charges : « Pour au moins neuf marchés à procédure adaptée (MAPA) de l’échantillon, soit environ un tiers, aucun cahier des charges n’a été élaboré alors même que le guide interne l’impose même pour les marchés passés sans formalité. Ces marchés concernent l’élaboration de la stratégie numérique d’inclusion, l’étude d’opportunité pour la candidature en tant que capitale européenne, l’accompagnement argumentaire sur la gestion des milieux aquatiques, l’assistance à maître d’ouvrage pour le projet “Entreprendre autrement entreprises engagées”, la conception et l’animation d’un séminaire stratégique, la stratégie de marketing territorial, l’élaboration d’un schéma du tourisme et des loisirs, et l’assistance à la stratégie de candidature comme capitale européenne de la culture. » (On voit ce que ça a donné…)
A ce sujet, le rapport évoque le fait les préconisations faite par le cabinet recruté pour la candidature comme capitale Européenne de la Culture « sont restées assez superficielles, débouchant sur une feuille de route type sans réelle prise en compte des spécificités identifiées sur le territoire » et qu’elles n’ont pas fait « émerger la singularité d’un projet de territoire ni permis de construire un premier récit de candidature ».
Le rapport donne par ailleurs un exemple de ce que peut produire un achat de prestation intellectuelle sans description précise des attentes dans le cahier des charges : « En 2021, la métropole a conclu un accord-cadre sans minimum ni maximum d’assistance à maîtrise d’ouvrage à prix unitaire pour les projets d’aménagements cyclables, avec un montant initial estimé à 360 000 € HT. Cependant, à mi-parcours en 2023, les dépenses ont déjà atteint 1 400 k€, soulignant un manque de définition adéquate et précise des besoins initiaux, ce qui aurait permis une meilleure maîtrise des coûts et une sélection plus efficace des prestataires. »
Par ailleurs, la Chambre régionale des comptes souligne la nécessité pour la Métropole de mieux procéder à des évaluations de ces prestations intellectuelles pour mieux en mesurer l’efficacité.
Le président et l’ex président répondent
Michaël Delafosse, actuel président de la Métropole de Montpellier, a rédigé une longue réponse pour se justifier et apporter des précisions au rapport de la Chambre régionale des comptes. Il affirme que “depuis 2020, début du mandat, la capacité d’expertise interne et la capacité interne de maitrise d’œuvre a été significativement augmentée” et que la collectivité réalise également beaucoup d’études et de conseil en interne.
La Métropole certifie également avoir enrichi ses guides de procédures pour mieux définir ses besoins et mieux prévenir de risques de conflits d’intérêts. La collectivité justifie son recours aux cabinets de conseils par un début de mandat marqué par une “Programmation Pluriannuelle d’Investissements (PPI) particulièrement dynamique et ambitieuse” sur les enjeux de développement des mobilités durables, de transition écologique et énergétique, d’aménagement urbain et de logement…
Philippe Saurel, lui aussi sollicité par la Chambre Régionale des comptes en sa qualité d’ancien président de la Métropole de Montpellier entre 2019 et 2020 (début de la période d’analyse du rapport), a rédigé une réponse qui sonne comme un tacle à l’encontre de l’actuel exécutif local. Reprenant l’argument de la Chambre sur les 490 agents d’encadrement supérieur, il s’“interroge fortement sur l’aptitude et l’utilité des agents recrutés”, et questionne : “La politique de recrutement est-elle bien adaptée aux besoins de la collectivité ?” Voilà qui, à un an des municipales, risque fort d’alimenter les débats sur la gestion des comptes publics…
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