Montpellier : la présidente des commerçants de l’Écusson évoque une milice anti gilet-jaune

Le Poing Publié le 21 mai 2020 à 16:05
Odette Daudé, présidente de l'association des commerçants de l’Écusson de Montpellier, au micro de France Bleu, le 14 décembre 2018 (capture d'écran)

Un spectre hante Montpellier : le spectre des gilets jaunes. Toutes les puissances du vieux Clapas se sont unies en une Sainte-Alliance économique pour traquer ce spectre : le préfet Jacques Witkowski, le maire Philippe Saurel, la président de région Carole Delga et maintenant l’inénarrable Odette Daudé, présidente des commerçants de l’Écusson, qui évoque la création d’une milice.

Dans PQR (presse quotidienne régionale), il y a PQ, ne l’oublions pas. Le Midi Libre a publié hier un article mêlant fake-news, entretiens hallucinatoires, et relais de la parole officielle avec ce titre qui claque : « Des commerçants aux abois, avec le spectre du retour des “gilets jaunes” ». Le journaliste cherche à nous faire partager « l’angoisse » des commerçants, « après de nouvelles dégradations de devantures de magasins en marge du rassemblement sur la Comédie, samedi dernier. » C’est un pur mensonge : les gilets jaunes, trop réprimés pour pouvoir manifester, n’ont rien cassé samedi dernier. Aucun média n’a évoqué de dégradations, pas même Midi Libre…

C’est sur la base de ce mensonge qu’Odette Daudé, présidente des commerçants de l’Écusson, cherche à nous apitoyer, elle qui est propriétaire d’une boutique de lingerie de luxe dont le chiffre d’affaires est estimé à plus de 350 000€ en 2018 pour un à deux salariés : « Des commerçants préparent une milice, samedi dernier, c’est la goutte qui a fait déborder le vase ! (…) Les commerçants crèvent, tout cela peut finir en guerre civile. Soit le préfet agit, soit le centre-ville sera détruit ». Va-t-elle prendre le maquis, elle qui a récupéré l’image du résistant Jean Moulin pour lancer une campagne commerciale ? Mickaël, vice-président de l’association des commerces et riverains de l’Aiguillerie, tempère les propos de sa comparse : « Je n’ai pas eu l’écho d’une milice, mais ce qui est sûr, c’est que des commerçants sont à bout. » Le président de la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI) de l’Hérault, André Deljarry, confirme la rumeur : « Nous l’avons entendu, nous ne serions pas surpris ».

Le résistant anti-nazi Jean Moulin retournerait dans sa tombe s’il apprenait que son image a été détourné par Odette Daudé pour une campagne commerciale…

Il y a plus d’un an, Le Poing avait recueilli les propos modérés de commerçants du centre-ville, qui considéraient que les gilets jaunes étaient des « indigènes » drogués « venus de je-ne-sais-où » qui devraient « manifester autre part ».

La création d’une milice anti mouvement sociaux est-il un projet hallucinatoire ? Le 16 février 2019 à Montpellier à l’occasion du quatorzième acte des gilets jaunes, la CCI avait déjà déployé 134 agents de sécurité auprès des différentes boutiques de Montpellier. Odette Daudé étant réputée pour ses propos peu modérés, la création de cette milice reste pour le moment un projet fantôme, mais il ne faut pas pour autant sous-estimer la capacité des classes possédantes, bien insérées dans les réseaux de pouvoir, à s’organiser pour défendre leurs intérêts. Samedi dernier à Toulouse, les gilets jaunes se sont heurtés à une manifestation, soutenue par le maire Jean-Luc Moudenc, de commerçants qui scandaient : « Tout le monde aime la police ! »

Rappelons qu’au début du confinement, la métropole a annoncé le déblocage d’un millions d’euros pour l’économie locale, et que Philippe Saurel s’est engagé à financer 20 millions d’euros tous les trimestres pour aider les artisans et commerçants. Les plus pauvres des Français n’ont quant à eux eu le droit qu’à 150€ au total, plus 100€ par enfant.

À Montpellier, les gilets jaunes ne s’en sont jamais vraiment pris directement aux commerçants, les cibles privilégiées demeurant les banques, les assurances et les publicités, mais de telles provocations de la part de la CCI et des représentants de commerçants ne peuvent qu’insupporter. D’autant plus que c’est moins les cortèges revendicatifs que la militarisation du centre-ville et le gazage massif de la place de la Comédie qui fait fuir les Montpelliérains lors des manifestations. Quant aux commerçants qui galèrent vraiment, c’est-à-dire ceux qui n’exploitent personne d’autre qu’eux-mêmes, cautionnent-ils les propos caricaturaux de leurs « représentants » ? Pas si sûr…

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