Montpellier : le comité de soutien, un appui solide pour les grévistes d’Onet

Elian Barascud Publié le 6 décembre 2023 à 13:36 (mis à jour le 6 décembre 2023 à 14:49)
Une cinquantaine de personne s'est réunie devant la préfecture de Montpellier le 5 octobre pour soutenir les salariées d'Onet du CHU en grève illimitée. ("Le Poing")

Alors que la grève des salariées de l’entreprise qui gère le nettoyage du CHU de Montpellier a pris fin ce vendredi 1er décembre après 80 jours à la suite d’un accord avec la direction, Le Poing revient sur l’élan de solidarité qu’a suscité cette lutte

“Cette solidarité, c’est ce qui nous fait tenir, ça nous donne le courage de continuer”, confiait Abdel, salarié de l’entreprise Onet, qui gère le nettoyage du CHU de Montpellier, à propos du comité de soutien à la grève, au mois d’octobre. Le 13 septembre dernier, les salariées (en grande majorité des femmes) avaient posé les balais pour demander des augmentations de salaires, une prime équivalente au treizième mois et pour marquer leur refus d’un dispositif de contrôle sur téléphone où elles devaient rendre compte de chaque prestation effectuée dans les divers endroits qu’elles nettoyaient.

Au bout de 80 jours de grève, elles ont finalement obtenu, via des négociations avec la direction, une prime exceptionnelle de 650 euros et un allègement du dispositif de traçage. 80 jours de lutte qui n’auraient sans doute pas été possibles sans un comité de soutien, rassemblant largement divers pans du mouvement social montpelliérain.

Les salariés d’Onet en déambulation dans l’enceinte du CHU. (“Le Poing”)

“Un phare dans la nuit”

Dès le 3 octobre, Révolution Permanente (RP), organisation trotskyste, a monté un comité de soutien pour fédérer largement autour de cette grève. “On pense que beaucoup d’organisations de gauche anticapitalistes et révolutionnaires ont une analyse assez pessimiste de la situation politique et se contentent de revendications purement défensives, alors qu’il y a des failles sur lesquelles s’engouffrer pour obtenir des victoires”, analyse Lucas, membre de RP. “Dans une période d’attaques successives du gouvernement sur tous les fronts, avec une inflation galopante, cette grève de plus de deux mois, menée par des femmes, majoritairement issues de l’immigration, payées en dessous du SMIC et sans grande culture syndicale, est un phare dans la nuit. Elles nous montrent la direction à suivre. Il fallait qu’on dépasse nos propres forces pour en faire l’événement politique de la rentrée sur Montpellier.

Philippe, militant CGT-CHU, complète : “Cette grève coche toutes les cases : c’est l’hôpital public, fleuron de l’emploi à Montpellier, et on parle d’un personnel précaire, féminisé et racisé qui a subi de plein fouet la vague Covid. Si on est militant anticapitaliste, antiraciste et antisexiste, c’est là qu’il faut être pour soutenir.” Claire, déléguée au CSE d’Onet au CHU, abonde : “On n’a pas eu la prime du Ségur car on n’est pas considéré comme du personnel de santé.”

La première réunion du comité de soutien, début octobre, a su rassembler diverses forces : Le parti de gauche, le NPA, la France Insoumise, la gauche éco-socialiste, mais aussi un collectif féministe de Montpellier et quelques gilets jaunes du rond-point de près-d’arènes ont répondu à l’appel. Pour Sabine, figure emblématique de ce rond-point, “rien de ce qu’ont soulevé les gilets-jaunes n’a été résolu, en terme de salaires et de justice sociale. Aujourd’hui, c’est une manière de continuer le combat autrement.”

Action symbolique des salariées d’Onet pour leur cinquantième jour de grève, le 31 octobre à Montpellier (Mathieu Le Coz / Hans Lucas / “Le Poing”)

Soutien à plusieurs niveaux

Outre des discussions tactiques sur les modalités de la grève, le soutien était avant tout moral. “Pas question d’intervenir dans leurs assemblées générales, on les laissait s’organiser par la base et on demandait comment on pouvait les aider”, précise Lucas. “Nous voir débarquer à sept ou huit à 7 heures du matin, forcément ça les motivaient”, ajoute Elsa, une autre militante de RP.

Un soutien moral, mais aussi financier non négligeable pour compenser les feuilles de paie à zéro. « Pour certains c’est dur », confiait Abdel lors du 58e jour de grève. « Il y a des femmes seules avec enfants qui sont à mi-temps, d’autres qui sont en CDD de remplacement et pour qui faire grève est compliqué. »

Heureusement, le comité de soutien a redoublé d’inventivité : tombolas organisées au Quartier Généreux ou au bar le Madrediosa avec de nombreux lots à gagner en collaboration avec des artistes, tatoueurs et autres donateurs, cantine au local associatif le Barricade, caisses de grève qui tournaient pendant les manifestations, collages revendicatifs dans toute la ville pour dénoncer le silence de la direction du CHU… La chorale militante le cri du Choeur a même improvisé un concert pour reverser les bénéfices (au chapeau) aux grévistes.

Organisés via une boucle Whats’app réunissant 80 personnes, les soutiens ont mis en place un roulement quasi quotidien de personnes allant vendre des gâteaux fait maison sur les marchés en distribuant des tracts pour informer les gens sur la grève. “On ramenait une plus d’une centaine d’euros par jours sur le piquet, ça aussi, c’est bon pour le moral”, commente Lucas. Au total, plus de 20 000 euros ont été récoltés via la cagnotte en ligne et physiquement. “Pas de quoi compenser les 50 000 euros de salaires en moins, mais ça fait tampon”, relativise le militant trotskyste. La caisse de grève a également été largement abondée par la CGT, le syndicat Sud-chimie de Sanofi, qui a versé 750 euros, et également par la France Insoumise.

Des sablés réalisés par un militant du comité de soutien avec écrits “ONET malhonnête, CHU complice dessus”, vendus à prix libre devant le CHU pour abonder la caisse de grève. (“Le Poing”)
Affiche d’une soirée de soutien organisée en faveur des grévistes.

La FI active

Nathalie Oziol, députée France Insoumise héraultaise, allait régulièrement voir les grévistes. Autre figure du mouvement de Jean-Luc Mélenchon à être venue sur le piquet de grève des salariées d’Onet : Rachel Keke, députée et ancienne porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles. Un conflit de 22 mois qui s’est soldé par une victoire pour les femmes grévistes.“Ne lâchez rien, la lutte paye ! Sachez que sans vous, ils [la direction] ne sont rien !” avait-elle affirmé aux grévistes.

“Ce retour d’expérience nous pousse à continuer”, avait alors réagit Khadija Bouloudn, déléguée syndicale CGT-ONET du CHU.

François Ruffin, député FI de la Somme, s’était lui aussi déplacé à Montpellier, et avait contribué à hauteur de 500 euros à la caisse de grève.

Créer du lien

Quel bilan tirer de cette grève maintenant qu’elle est terminée ? “Il aurait fallu mobiliser du soutien et évoquer la question financière encore plus tôt”, rembobine Lucas. “Et aussi, on aurait pu plus médiatiser sur les conséquences d’un hôpital non nettoyé en publiant plus d’images. Personne n’a envie de se faire soigner dans un hôpital crade.”

Pour les grévistes, elle aura sans douter permis de créer des liens dans et en dehors d’un collectif de travail souvent atomisé par des horaires décalés. “La reprise va être dure“, “vous allez tous me manquer“, commentaient des salariées ce vendredi 1er décembre Pour Khadija Bouloudn, leur déléguée syndicale, la lutte continue : “La prime pérenne qu’on demandait, on se battra autrement pour l’obtenir.”

Et pour les salariées en lutte comme pour leurs soutiens, ce mouvement aura été l’occasion d’engranger de expérience, comme le décrit Elsa : “C’est exceptionnel d’avoir une grève de cette force ici à Montpellier. On dit souvent que la grève est un moment de politisation express. On a vu les grévistes évoluer en deux mois, intervenir beaucoup plus en assemblée générale… Même pour nous, militants, on en apprend beaucoup.” Grévistes et soutiens prévoient une dernière soirée ensemble pour faire la fête et conclure ensemble dans la joie ces deux mois et demi de mobilisation.

Quant au comité de soutien, Lucas l’assure, “Maintenant qu’il est crée, c’est un outil qui pourra venir en appui sur d’autres luttes à Montpellier dans le futur.”

Elian Barascud

Lors de leur 50e jour de grève, le 31 octobre les salariées d’Onet s’étaient déguisées en fantôme pour symboliser leur “invisibilisation” au sein du CHU. (“Le Poing”)

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