Montpellier : les avocats des gilets jaunes parviennent parfois à prouver la mauvaise foi des policiers

Le Poing Publié le 20 novembre 2019 à 13:40
Image d'illustration. "Le Poing"
Pas de pitié pour les gilets jaunes. En juin 2019, on comptait déjà mille peines de prison ferme depuis le 17 novembre 2018, dont au moins 440 incarcérations. Parfois, les avocats – surnommés les baveux pour leur capacité oratoire – arrachent des petites victoires, en dénonçant des vices de forme qui en disent long sur la mauvaise foi des autorités. Le Poing vous fait revivre deux plaidoiries et autant de grains de sable dans la machine à broyer juridique de l’État.

« Une exception de nullité évidente »

Mercredi 6 novembre. Un prévenu se présente dans le box du tribunal de grande instance de Montpellier, extrait pour l’occasion de la cellule de la prison où il croupit pour une autre affaire. Le parquet lui reproche cette fois-ci la complète : dissimulation du visage, port d’engins incendiaires, violences, dégradations, rébellion et participation à un attroupement en vue de commettre des violences et des dégradations – le tout datant du 21 septembre, lors de l’acte 45 des gilets jaunes, à Montpellier.

L’avocat réclame d’emblée la relaxe, en se basant sur un argumentaire précédemment envoyé par écrit au tribunal, mettant en lumière des vices de forme susceptibles de frapper de nullité l’ensemble de la procédure. Le procureur l’oblige à plaider par oral, alors l’avocat rappelle « l’affaire » : son client a été contrôlé seul sur la place de la Comédie, bien avant le départ du cortège, et les policiers ont trouvé une cagoule dans son sac, justifiant à la fois la dissimulation du visage, et la participation à un attroupement en vue de commettre des violences et des dégradations. Comment peut-on participer à un attroupement si l’on est seul ? Comment peut-on avoir le visage dissimulé si la cagoule est dans son sac ? Autre erreur : le procès-verbal mentionne une interpellation dans le secteur 1 de Montpellier, mais la place de Comédie se trouve sur le secteur 3.

« À la base, ça devait juste être un contrôle, le prévenu n’avait pas commis d’infraction » insiste l’avocat. Mais pour le procureur, les « engins incendiaires- », à savoir des fumigènes, auraient pu être qualifiés « d’acte de terrorisme », ou de « recel d’explosif », et la rébellion se justifierait par le caractère violent du prévenu. L’avocat raconte une autre histoire : son client a été bousculé par les policiers, qui ont déchiré son t-shirt, et ce sont les mêmes qui se sont occupés de lui en garde à vue, au cours de laquelle il n’a même pas eu le droit à un matelas. « Ce n’est pas un homme violent, c’est un père de famille assez calme de nature » clame l’avocat, complété par le principal intéressé : « Je respecte l’uniforme. J’en ai juste marre de travailler pour rien, je veux juste un avenir meilleur pour mon fils. »

Le procureur requiert quatre mois ferme, mais il écope d’un mois, uniquement pour le délit d’attroupement (relaxe pour les autres chefs d’inculpation), sans révocation d’un sursis ultérieur. Difficile de parler de victoire quand on termine en prison, mais la méticuleuse obstination de l’avocat a tout de même permis d’atténuer la peine. 

Un euro pour la police

Vendredi 8 novembre. Un interpellé de l’acte 30 des gilets jaunes comparait à Montpellier, pour rébellion, et la classique participation à un attroupement en vue de commettre des violences et des dégradations, à cause du port d’un clou. Là encore, l’avocate réclame une nullité. La police ne précise pas dans quel contexte il a été arrêté, aucune preuve matérielle ne démontre la rébellion, et il a été si violenté lors de son interpellation que sa garde à vue a commencé à l’hôpital. Une fois au commissariat, aucune trace du dossier médical, et donc aucun document permettant d’attester s’il est apte ou non à la garde à vue. Une fois n’est pas coutume, le tribunal reconnaît les nullités, entraînant automatiquement l’annulation des déclarations du prévenu en garde à vue, mais sans impact sur la validité de la convocation au tribunal.

Le procureur requiert trois mois de prison avec sursis, et la police réclame mille euros. Pourquoi ? On ne le saura pas. Quant au clou, le juge n’en fait aucune mention. Concernant les blessures, c’est parce qu’il se serait ouvert le crâne en tombant, selon les policiers. Pour le juge, une arrestation n’est pas un acte extraordinaire pour un policier, et ça ne justifie aucun dédommagement. Le gilet jaune doit tout de même verser un euro symbolique au policier, et est condamné à un mois de sursis pour rébellion (relaxe pour le délit d’attroupement).

Morale de l’histoire : les avocats ont besoin de temps pour préparer une bonne défense, d’où l’intérêt de demander un délai lors des audiences de comparution immédiate !

Nos articles sont gratuits car nous pensons que la presse indépendante doit être accessible à toutes et tous. Pourtant, produire une information engagée et de qualité nécessite du temps et de l’argent, surtout quand on refuse d’être aux ordres de Bolloré et de ses amis… Pourvu que ça dure ! Ça tombe bien, ça ne tient qu’à vous :


ARTICLE SUIVANT :

Montpellier: les policiers traînent par les cheveux une gilet jaune, portent plainte contre elle et gagnent 900€