Une cascade de procès mêlant l’extrême-droite et la LDH à Montpellier

Elian Barascud Publié le 8 septembre 2023 à 10:43 (mis à jour le 1 décembre 2023 à 11:32)
Image d'illustration. "Le Poing"

Dans les affaires jugées le 7 septembre à Montpellier, le dossier opposant l’avocat Jean-Jacques Gandini à Alexandre Bellotti, ancien doctorant en droit, a occupé une place importante dans les débats, le commando de la faculté de Droit planant dans l’air. L’affaire concernant Sophie Mazas, référente locale de la LDH, face à des membres de l’extrême-droite, a été renvoyée

14 heures, la salle d’audience René-Cassin du tribunal correctionnel de Montpellier est pleine. Après quelques renvois de dossiers, Jean-Jacques Gandini, avocat honoraire membre de la Ligue des Droits de l’Homme est appelé à la barre.

Des propos sur le commando de la fac de droit

Jean-Jacques Gandini est poursuivi à la suite de la plainte déposée le 30 juillet 2021 par Alexandre Bellotti, avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, pour “complicité de diffamation publique envers un particulier”. Alexandre Belloti, ancien doctorant en droit cité dans le procès du commando de la faculté de droit sans avoir été poursuivi, reproche à l’avocat de la LDH des propos tenus lors d’une émission organisée par les médias indépendants de Montpellier, le soir du 20 mai 2021. Il rendait compte du suivi d’une audience durant laquelle Philippe Pétel, ex doyen de la fac de droit, et Patricia Margand, compagne du professeur d’histoire du droit Jean-Luc Coronel, étaient poursuivis dans l’affaire du commando cagoulé et armé de la faculté de droit qui a fait irruption dans un amphithéâtre le 22 mars 2018 pour déloger des étudiants en lutte.

Les propos tenus le 20 mai 2021, et diffamants selon Alexandre Bellotti, sont les suivants : « Le Président a clos la journée en lisant les procès-verbaux des victimes pour bien mentionner et rappeler que, l’air de rien en donnant des noms, et les noms notamment de Demaison, Bellotti et Vialla, que, par conséquent, il n’y a peut-être pas tous les membres du commando ou éventuellement qui étaient présents. »

« J’étais là pour la LDH »

Devant le tribunal, Jean-Jacques Gandini explique : « J’étais là pour la Ligue des droits de l’Homme. J’ai été sollicité pour intervenir dans cette émission, car ce jour-là, des victimes parties civiles ont quitté ce procès parce qu’elles considéraient que la procédure était viciée. Selon eux, il y avait une dizaine de personnes dans le commando cagoulé, et seulement quatre à la barre des accusés. Ils pensaient que tous les membres du commando n’étaient pas là. »

Il affirme ensuite avoir, dans cette émission, juste rendu compte des propos du président de séance, qui a lu les procès-verbaux des parties civiles absentes et cité des noms. « Je n’ai fait que rapporter ce qui a été dit à l’audience. Je n’ai aucune animosité envers monsieur Bellotti, et je ne comprends pas pourquoi je suis là », rajoute-t-il.

Marie-Pierre Damon, avocate, d’Alexandre Bellotti, justement, rebondit sur ces derniers propos : « On n’a pas retrouvé ces noms dans les notes d’audiences. » Me Brunel, ancien bâtonnier qui défend aussi Alexandre Bellotti, enchaine : « Monsieur Gandini accuse mon client d’avoir participé au commando de la faculté de droit alors qu’il ne fait pas l’objet de poursuite. Vous connaissez la portée de cette accusation, normalement, les avocats sont soumis au serment de dignité, de conscience, de probité et de désintéressement. Vous n’avez pas respecté ces principes, vous avez fait passer votre rôle de militant avant celui d’avocat, vous êtes devenu indigne de votre serment ! »

Me Damon reprend ensuite : « Maintenant, mon client doit subir le mépris des confrères, qui le traitent de facho ou de nazi lorsqu’ils le croisent. »

Demande de relaxe

Me Gallon, quant à lui, plaide la relaxe pour Jean-Jacques Gandini. « Pour les propos prononcés pendant l’émission, c’est du direct, à chaud. Mon client a été contacté dans l’après-midi du procès à la suite du fait que les parties civiles aient quitté l’audience. Ce n’était pas préparé, donc peut-être approximatif, mais il n’a fait que répéter ce que le président avait dit en audience en lisant des procès verbaux. Ce n’est que du compte-rendu de bonne foi d’une audience judiciaire. »

Il insiste également sur l’inversion de la charge de la preuve, qui doit revenir normalement au requérant (la personne qui porte plainte) : « Monsieur Bellotti n’était pas à l’audience du 21 mai, il ne fait pas la démonstration que le président n’a pas cité son nom et c’est à nous de nous justifier, ce n’est pas normal », tout en précisant que le nom de Bellotti est mentionné sept fois dans tout le dossier du commando de la faculté de droit. « On ne dit pas qu’il a participé au commando, on essaie de comprendre pourquoi les parties civiles ont pu citer son nom dans les procès-verbaux ».

Le délibéré sera rendu le 7 décembre.

Diffamation dans les Hauts cantons de l’Hérault

C’est tard dans l’après-midi que s’avance à la barre un sexagénaire, s’appuyant sur sa canne. Thierry C. habite à la Salvetat-sur-Agout, dans le nord de l’Hérault. Depuis quelques années, il tient un blog où il dénonce notamment les agissements de la secte ésotérique d’extrême-droite Les Brigandes. Un engagement qui lui a valu, selon lui et son avocat, Me Etcheverrigaray, de nombreuses menaces de morts.

En mars 2021, Nicolas M., un identitaire se disant proche des Brigandes, publie une vidéo sur Instagram, en traitant nommément Thierry C. de « terroriste antifa », souligne qu’il a des problèmes psychiatriques, « qu’il serait dépressif et parano », potentiellement violent, et qu’il sèmerait la terreur dans le village. En tombant sur cette vidéo, Thierry C. décide de porter plainte en diffamation.

Son avocat précise : « C’est l’ensemble des propos réunis qui sont diffamatoires. Ce n’est pas un débat d’idées ni une polémique légitime, on reproche à mon client un comportement répréhensible par la loi et la morale. Dans un village, la réputation, ça va très vite, le préjudice moral est énorme… » Il plaide donc une condamnation et 2 500 euros de dommages et intérêts à Nicolas M.

Me Geoffroy, l’avocat de ce dernier, précise d’emblée qu’il « n’est pas là pour défendre l’extrême-droite, mais que c’est Thierry C. qui a monté une cabale contre Les Brigandes et crée de la tension dans le village », avant de s’attarder sur le profil de son client : « Il a des problèmes psychologiques, il est un peu inconscient. Ce n’est pas un théoricien d’extrême-droite, il est décrocheur scolaire, seul et sans-ami, ce qui l’emmène à être attiré par des idéologies extrêmes. »

Et selon lui, les propos ne sont pas injurieux ou diffamants, car Thierry C. n’est pas accusé directement d’être un terroriste, puisque que Nicolas M. parle des « terroristes antifa d’extrême gauche ».

Le délibéré sera également rendu le 7 décembre

Quant à l’affaire d’injures sexistes que Martial Roudier, membre du groupe identitaire raciste et violent la Ligue du Midi, aurait proféré à l’encontre de la référente locale de la LDH Sophie Mazas (voir notre article), le procès a été renvoyé au 7 décembre également.

E. B.

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