“Drame passionnel”: Midi Libre et Actu.fr crachent sur les victimes des féminicides

Elian Barascud Publié le 14 mai 2023 à 13:31 (mis à jour le 1 décembre 2023 à 11:34)

En parlant d’un « drame passionnel » pour désigner un féminicide et un homicide, les médias montpelliérains Midi Libre et Métropolitain (racheté par Actu.fr) crachent en un titre sur des décennies de combat féministe pour un traitement médiatique digne des violences faites aux femmes.

Le 13 mai dans le Gard, un homme a assassiné son ex compagne et le nouveau compagnon supposé de cette dernière avant de se suicider. Ces terribles féminicide (meurtre d’une femme parce qu’elle est femme) et homicide ne sont malheureusement que l’énième illustration du patriarcat (système de domination des hommes à l’encontre des femmes).

Le terme de féminicide s’est démocratisé ces dernières années, y compris dans les médias, mais visiblement pas au Métropolitain, hébergé par Actu.fr, ni à Midi Libre. Les deux médias ont préféré évoquer un « drame passionnel » (lire ici et ). La palme de l’indécence revenant à l’article du Métropolitain/Actu.fr, écrit par le fait-diversier Jean-Marc Aubert. Il nous offre un condensé des pires représentations sexistes possibles dans le traitement médiatique des violences faites aux femmes, en prétendant que nous serions face à un « terrible drame de la rupture » et que l’assassin présumé « n’aurait pas supporté la récente rupture ».

Jean-Marc Aubert a par ailleurs déjà été épinglé à plusieurs reprises pour des propos racistes, si bien que la rédaction du Métropolitain avait promis au Poing avoir pris « d’ores et déjà des mesures » à son encontre.

Faut-il le rappeler ? On ne tue jamais par amour et même d’un point de vue strictement légal, le crime passionnel n’existe pas. Il existait bien une disposition ultrasexiste du Code pénal de 1810 stipulant que « le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable » mais elle a été abolie il y a plus de 40 ans. L’existence de liens affectifs entre l’auteur des violences et la victime est en fait une circonstance aggravante. Il est étrange que ces notions juridiques basiques ne soient pas intégrées par des journalistes prétendument spécialistes des affaires criminelles.

Il y a près de dix ans, Prenons la Une, un collectif de journalistes féministes publiait une tribune sur le sujet : « A chaque fois qu’un(e) journaliste utilise ces termes [“Crime passionnel”, “drame de la séparation”, “drame familial”], c’est l’argumentaire du meurtrier qui est retenu. La version de la victime ? Elle n’est plus là pour raconter. Pour la rubrique fait divers, ce genre journalistique qui emprunte à l’inconscient romanesque et se délecte des archétypes, il n’y aurait que de l’amour déçu et des meurtriers malgré eux. Alors que ces histoires forment un phénomène de société, un des nombreux visages que prend la violence faite aux femmes par les hommes. »

Ce qui n’était pas défendable il y a 10 ans devient absolument insupportable aujourd’hui. Le Poing ne peut qu’inciter les rédactions du Midi Libre et du Métropolitain/Actu.fr à faire apprendre par cœur aux auteurs de ces tristes articles ce guide de recommandation à l’attention des journalistes publié par l’association Les DécadréEs.

Le collectif Inter Orga Féminicides compte déjà 45 féminicides depuis le début de l’année 2023.

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