L’Etat condamné à indemniser Dylan, éborgné par la police

Le Poing Publié le 26 avril 2023 à 18:29 (mis à jour le 26 avril 2023 à 18:37)
Dylan, pris en charge par des streets medics, après avoir été blessé à l'œil par l'éclat d'une grenade de désencerclement, le 27 avril 2019 lors de l'acte 24 des gilets jaunes

Le 27 avril 2019, lors de l’acte 24 des gilets jaune, Dylan, 18 ans, a été éborgné par l’éclat d’une grenade de désencerclement devant la préfecture de Montpellier. Le tribunal administratif a finalement condamné l’Etat, en mars 2023, à l’indemniser, mais le jeune homme a tout de même été jugé responsable d’un tiers de sa blessure.

L’histoire de ce jeune homme a marqué les esprits des gilets jaunes de Montpellier. Interrogé sur les raisons de son engagement sur les ronds-points, Dylan avait humblement répondu au Poing : « On est jeune, on bosse et on ne s’en sort pas. Peu à peu, on s’est rendu compte de l’enfumage dont on est victime. » La prise de conscience sera chèrement payée.

Son récit des évènements de l’acte 24 des gilets jaunes, le 27 avril 2019, est insupportable : « J’étais à la Poste, avec les journalistes et les street medics. J’ai vu un gars qui faisait de la provocation bête. J’ai été lui conseiller d’arrêter, car il risquait de se faire interpeller. A ce moment-là, une canette, une seule, est arrivée de loin sur le cordon de CRS, qui l’ont esquivée grâce à leurs boucliers. Et là, sans sommation, l’un s’est avancé, et a tiré, sans viser, dans le tas. » En quelques instants, un œil en moins, une vie bouleversée.

L’affaire ne s’arrête pas là. Le 11 mai 2019, lors de l’acte 26 des gilets jaunes, un policier le menace de lui « crever l’autre œil » et le 19 juillet 2019, il est condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir jeté, le 8 juin 2019 lors de l’acte 30 des gilets jaunes, un papier en feu dans une poubelle alors que de l’aveu même du parquet, les flammes ont aussitôt été éteintes par un commerçant, raison pour laquelle l’accusation a été requalifiée en simple « tentative de dégradation ».

Face à ce rouleau compresseur répressif, Dylan a pu compter sur le soutien de Marie-France, et de Kaïna (elle aussi blessée par la police et réprimée par la justice), de l’association Taramada, qui se bat depuis des années aux côtés des manifestant·e·s malmené·e·s par les autorités. « J’ai rencontré Dylan à une fête de gilets jaunes à Grabels en mai 2019 nous raconte Marie-France. Je me suis rendu compte que personne ne s’occupait trop de son affaire, alors on a pris le temps et on a monté le dossier, en partant à l’administratif plutôt qu’au pénal parce qu’on avait aucune illusion sur le fait que le policier soit condamné. On a mis deux ans et demi pour avoir le résultat : on a gagné. »

Le tribunal administratif de Montpellier a en effet condamné en mars 2023 l’Etat à lui verser une indemnité dont le montant ne vaut absolument pas le « prix » d’un œil. Dylan a cependant été reconnu comme étant responsable d’un tiers de sa blessure au motif qu’il aurait été aux côtés de manifestant·e·s violent·e·s. Le fait que l’on puisse être considéré comme en partie responsable d’une blessure infligée par autrui est absolument grotesque mais néanmoins usuel dans les cas de violences policières. Notons toutefois qu’en règle générale, les personnes blessées par la police sont reconnues responsable de la moitié de leur préjudice, comme le réclamait le rapporteur public dans le cas de Dylan.

« On ne va rien lâcher prévient Marie-France, parce qu’eux, en face, ils ne nous lâchent pas. Les gens blessés par la police ont tous le droit à être indemnisés, mais ils n’ont souvent pas la force de monter le dossier, ils leur faut une béquille. A la base, on avait récolté juste quelques centaines d’euros pour monter le dossier de Dylan, là on va récupérer l’argent et on va monter d’autres dossiers. On a été contacté par des nouvelles personnes qui ont besoin d’aide. On va continuer à se battre. Jusqu’au bout. »

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