Le CHU de Montpellier et la Ville de Castelnau ont contracté des prêts à la Nef, banque citée par la Miviludes
La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) cite dans son rapport de 2021, lors d’un chapitre dédié à la doctrine ésotérique de l’anthroposophie, la banque de la Nouvelle Économie Fraternelle (Nef), qui a prêté en 2023 2 millions d’euros au CHU de Montpellier pour des travaux de rénovations et du matériel et 2,5 millions d’euros à la commune de Castelnau-le-Lez pour des investissements liés à l’éducation
En septembre dernier, nous sortions un article sur des prêts accordés à la Ville et la Métropole de Montpellier par la NEF, « coopérative bancaire référence de la finance éthique », adossée au Crédit Coopératif, qui finance des projets sur des critères écologiques et sociaux.
Dans la liste des financements 2023 accordés par la banque, on apprend qu’elle a prêté 2 millions d’euros au CHU de Montpellier pour financer des travaux de rénovation et du matériel, et 2,5 millions d’euros à la commune de Castelnau-le-Lez pour des financements liés à l’éducation (crèche, école…)
Des prêts similaires avaient fait grand bruit dans la ville de Lyon en 2021, et pour cause : la Nef est citée dans le rapport d’activité de 2021 de la Miviludes. En effet, selon ce rapport, la Société anthroposophique universelle exerce « une influence prépondérante sur certains établissements bancaires “éthiques” au pouvoir financier extrêmement important comme Triodos, GLS ou, en France, la Nouvelle économie fraternelle (Nef) ».
L’anthroposophie : kezako ?
Mouvement spirituel pseudo-scientifique fondé au début du XXe siècle par l’occultiste autrichien Rudolph Steinner, l’anthroposophie est souvent identifiée par la Miviludes comme pouvant présenter un risque de dérive sectaire. Ce courant ésotérique se décline en plusieurs aspects, notamment l’agriculture (avec la pratique de la biodynamie), des thèses raciales (les « blancs » et « aryens » seraient plus capables que les autres de s’élever spirituellement), la médecine (la maladie découle d’une destinée karmique, indissociable des erreurs et des pêchés commis par le patient dans l’une de ses vies antérieures, le gui peut soigner du cancer, etc.), ou encore l’éducation , par le biais des écoles Rudolf-Steiner, souvent accusées d’endoctrinement, d’abus ou de racisme.
Grégoire Perra, lanceur d’alerte sur cette question, ancien élève et professeur dans une école Steiner, publie régulièrement des informations et témoignages à ce propos sur son blog. « On laisse délibérément les enfants sans surveillance. Il faut laisser le karma s’accomplir et laisser les âmes s’affronter. Les enfants s’ennuient de cette pédagogie qui est une messe permanente, certains s’habituent mais d’autres pètent les plombs », confiait-il au media Slate. Selon Lyon capitale, la Nef aurait financé sept écoles Steiner entre 2014 et 2021.
La Nef et l’anthroposophie : quels liens ?
La Nef, fondée dans les années 1980, notamment par des anthroposophes, a été pointée du doigt dès 1999 par une commission d’enquête parlementaire sur les sectes et leurs relations avec les milieux économiques. Le rapport parle de la Nef comme d’une « structure de financement » du « réseau de l’Anthroposophie ».
En novembre 2022, le média Lyon capitale publiait une enquête sur les liens supposés entre la Nef et l’anthroposophie. Le média lyonnais affirmait que des membres du Conseil de surveillance de la Nef étaient liés à l’anthroposophie. Jean-Pierre Caron en est le vice-président mais aussi le président du Comité des nominations et des rémunérations de la Nef. Il écrit également des livres édités par les éditions Triades et Aethera. Une maison « fondée en 1952 par Simone Rihouët-Coroze dans le but de faire connaître en langue française les œuvres du philosophe Rudolf Steiner, le fondateur de l’anthroposophie ».
Des liens qui ont pu avoir cours, mais qui n’existent plus aujourd’hui selon Ivan Chaleil, membre du directoire de la Nef, interrogé dans nos colonnes en septembre dernier : « On a accueilli 100 000 clients, 50 000 sociétaires, dans les mouvements sociaux, écologiques, coopératifs, c’est aujourd’hui une pluralité d’acteurs qui composent notre coopérative, il n’y a donc plus aucune influence de l’anthroposophie ». Il affirmait également que sur les 5 000 derniers financements accordés par la banque, seuls deux l’ont été à des écoles Steiner. D’après lui, la banque ne finance plus ces écoles depuis 2019. À propos du rapport de la Miviludes, Ivan Chaleil avait répondu que « que cette institution manque de moyens pour accomplir sa mission, et que la Nef pâtit de cela », et précise que les saisines ne concernent pas directement la Nef mais l’anthroposophie.
Contacté, Thierry Dewintre, adjoint aux finances à la mairie de Castelnau-le-Lez, explique : “Lorsque nous avons voulu solliciter un prêt de 2,5 millions d’euros, nous avons comme à notre habitude contacté nos partenaires bancaires habituel à savoir la caisse d’épargne, la Société Générale, le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, Arkéa ainsi que la plate-forme Loanbox, qui est spécialisée dans la recherche de crédit pour les collectivités. Loanbox nous a présenté une offre de la banque populaire ainsi qu’une offre de la NEF.Ces institutions ont alors fait des propositions que nous avons analysées au regard d’un certain nombre de critères dont les modalités tirage, frais de dossier, le taux etc..C’est l’offre de la NEF qui a remporté cette mise en concurrence car elle présentait le meilleur taux, les meilleures modalités de tirage ainsi que les plus grandes facilités en cas de remboursement anticipé. La ville n’était pas au courant du rapport d’activité de la Miviludes. Je vous remercie pour cette information et je la diffuserai, ce qui nous permettra de débattre-sur ce sujet.”
De son côté, le CHU de Montpellier n’a pas donné suite à nos sollicitations.
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