Le développement personnel New-Age, nouvelle méthode de management à l’université Paul-Valéry ?

Elian Barascud Publié le 18 juin 2025 à 18:49
La bibiliothèque universitaire de l'Université Paul-Valéry, à Montpellier. (Photo d'illustration de Mathieu Le Coz/ Hans Lucas)

Du 16 au 20 juin 2025, la direction des ressources humaines de l’Université Paul-Valéry et la médecine du travail organisent une “Semaine pour la qualité de vie et conditions de travail”, avec des coachs, sophrologues et autres ateliers pour “pour se relaxer au son du kigonki”… Mais sans les syndicats

Après le fameux “Master quantique” et les ateliers de “travail qui relie” inspirés du bouddhisme, l’Université Paul-Valéry serait-elle en train de franchir encore un cap dans l’entrisme des para-sciences et du développement personnel new-age à la fac ?

Du 16 au 20 juin 2025, la direction des ressources humaines de l’Université Paul-Valéry et la médecine du travail organisent une “Semaine pour la qualité de vie et conditions de travail”. Au programme, on retrouve notamment des ateliers sur l’alimentation, le sommeil, l’intelligence artificielle… Mais également des ateliers animée par une coach nommés “Cohésion de groupe : Soi et l’autre” ou des ateliers de relaxation musicale “Se taire ensemble pour se relaxer au son du kigonki”.

“Renforcer nos capacités d’adaptation à notre quotidien professionnel”

Le personnel pourra aussi assister à des séances de sophrologie pour “renforcer nos capacités d’adaptation à notre quotidien, personnel et professionnel.” “Le code du travail dit pourtant clairement que c’est au travail de s’adapter au travailleur et pas l’inverse”, peste une syndicaliste héraultaise de Solidaires formée sur les questions de développement personnel en entreprise.

Sur la fiche consacrée à la pratique sur le blog de Stéphanie de Vanssay, syndicaliste de l’UNSA spécialisée dans l’entrisme des pratiques ésotériques et des dérives sectaires dans l’enseignement, on peut lire : “La sophrologie est une pratique qui se présente comme une méthode polyvalente utilisée dans divers contextes, tels que la relaxation, la psychothérapie, les pratiques psycho-corporelles et le développement personnel. […] La sophrologie n’a pas été scientifiquement validée, suscitant des critiques quant à son manque d’efficacité thérapeutique prouvée et certains aspects pseudoscientifiques.”

En effet, si cette pratique de soin non conventionnelle peut avoir pour visée d’aider à la concentration ou au lâcher prise, l‘Ordre des Infirmiers émet de sérieux doutes sur son efficacité : “Parmi les travaux traitant de la Sophrologie, de nombreuses publications sont signées d’un unique auteur, généralement lui-même praticien de la méthode. Il s’agit donc d’une autopromotion par les sophrologues de leur pratique, plus que de réelles étude scientifiques sur le sujet.Trop souvent ces travaux sont des études de cas. Et très peu de travaux évaluant l’efficacité de la Sophrologie avec une méthodologie rigoureuse, de type essai clinique comparé, sont disponibles. Seules quatre études couvrant la prise en charge de l’asthme de l’enfant, de la fibromyalgie, de l’anxiété et du stress chez le sujet sain peuvent-être identifiés. L’analyse de ces rares résultats montre des effets cliniques très modérés, voire absents.[…] En conclusion, la Sophrologie est une approche non validée par la Science, ni par les instances françaises de Santé, et relevant au mieux du bien-être. Cette technique est également susceptible de retarder une réelle prise en charge médicale en détournant les patients des soins conventionnels, conduisant alors à une perte de chance de guérison.”

De plus, la mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires (Miviludes), dans son rapport de 2021, alerte sur les potentiels dangers de la sophrologie comme porte d’entrée vers d’autres pratiques potentiellement dangereuses, comme le jeûne.

Les syndicats, grands absents de la semaine

Dans le cadre de cette semaine, un atelier d’initiation à la communication non-violente est assuré par Michel Bernard, responsable des formations à la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Occitanie et auteur du livre “Développer des relations de coopération en milieu professionnel – Sortir des rapports de forces. “On ne connait pas d’amélioration des conditions de travail qui ne soit pas issue d’un rapport de force”, s’étouffe-t-on du côté de la CGT-Paul-Valéry.

Car les grands absents de cette semaine sur les conditions de travail, ce sont bien les syndicats. “On a été intégré dans des groupe de travail, mais pas invités en tant que tel à prendre la parole, si on y est, ça sera en tant qu’individu”, explique-t-on du côté de la CGT-Paul-Valéry. Il y a quelques mois, le syndicat avait déjà dénoncé une “dégustation de chocolat en pleine conscience” organisée dans l’enceinte de la faculté “On s’interroge beaucoup, est-ce que ces pratiques ont leur place à l’Université, temple de la raison et du savoir ? On ne comprend pas comment la médecine du travail peut recommander la sophrologie, qui n’est pas une science. On voit ben que le but de ce management en forme de développement personnel sert à individualiser les problèmes et faire culpabiliser le travailleur”, précise un syndicaliste du campus de la route de Mende.

Des méthodes qui ne sont pas sans rappeler celles de la Région Occitanie, qui, face à des agents en sous-effectif et en souffrance au travail, fait appel à une “coach en hypnose et constellations familiales” pour réaliser des entretiens individuels afin de “contourner le les syndicats et le dialogue social”, selon Solidaires-collectivités territoriales.

Contactée, la présidence de l’Université Paul-Valéry n’a pas répondu à nos questions.

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